Les associations dont nous parlons ici diffèrent entièrement
des sociétés départementales de chasseurs qui ont fait l’objet de
précédentes causeries. Dans les deux cas, il s’agit bien d’organismes groupant
des personnes pratiquant la chasse ; mais, tandis que la société
départementale, dont l’existence est imposée par la loi, unique dans chaque
département, pourvue de statuts rigides dont le texte est établi par arrêté
ministériel, constitue un organisme officiel, contrôlé par l’autorité
administrative, les simples associations de chasseurs peuvent se former
librement, avec des statuts dont la teneur est laissée au bon vouloir des
associés, et leur existence même peut, s’il plaît aux associés, rester
entièrement occulte et échapper à tout contrôle.
Il existe plusieurs sortes d’associations de chasseurs,
différant entre elles par leur mode de composition et par leur objet.
Autrefois, le cas le plus usuel était le suivant : un certain nombre de
chasseurs entre lesquels il existe un lien d’amitié ou de camaraderie et qui ne
possèdent pas de propriétés où ils puissent chasser s’entendent pour louer le
droit de chasse sur un domaine du voisinage en partageant les frais occasionnés
par cette location ou rendus nécessaires par la pratique de la chasse ;
aucun écrit n’est rédigé, aucune publicité n’est donnée à cette création, qui
n’est connue, le plus souvent, que des seuls associés et de leurs
proches ; un des membres du groupement est chargé par les autres de
négocier la location, de réglementer la manière dont on chassera, d’établir les
comptes ou de répartir les dépenses entre les associés : c’est le
président de la chasse. S’il survient des difficultés entre les associés, c’est
le président qui se charge de les régler ; le recours aux tribunaux est à
peu près inconnu.
Il existe encore de ces associations à caractère patriarcal,
mais, depuis des années, on rencontre surtout des associations d’un caractère
tout différent. Outre les associations formées entre personnes ne disposant pas
de terrain de chasse, il s’en forme qui sont composées de propriétaires voisins
qui réunissent leurs domaines pour y chasser en commun et à frais
communs ; ce groupement de territoires présente, en effet, de sérieux
avantages ; la garde peut en être assurée d’une manière plus pratique et
par un seul garde ; d’autre part, cela rend possible la création de
réserves de chasse en vue du repeuplement et l’obtention de subventions pour
l’amélioration de la chasse. Les sociétés communales de chasseurs, réunissant
en un seul terrain de chasse tout le territoire d’une commune, ou la plus
grande partie de ce territoire, tendent à devenir la forme la plus usuelle de
ces associations de chasseurs.
Pour de telles associations, qui groupent un nombre
important de personnes qui, parfois, se connaissent mal ou peuvent ne pas
sympathiser, il n’est guère possible de se dispenser de remplir les formalités
prévues par la loi du 1er juillet 1901 sur les associations, ni
de régler par des statuts précis et complets toutes les questions susceptibles
de se poser à l’occasion de l’exercice de la chasse.
Si, en effet, le lien contractuel en matière d’association
n’est soumis à aucune formalité et résulte du seul accord des parties,
l’établissement d’un acte est nécessaire pour fournir la preuve de l’existence
et des modalités du contrat ; cet acte de société est utilement complété
par un règlement de chasse, qui a pour objet de prévoir et de régler les
multiples questions de détail susceptibles de donner naissance à des
difficultés entre les membres de l’association.
D’autre part, l’observation des formalités prévues par la
loi du 1er juillet 1901 présente des avantages certains :
elle permet à l’association d’avoir une personnalité civile et d’exercer en
justice, par l’intermédiaire de celui auquel les statuts en confient la charge,
toutes actions soit contre les tiers, soit contre les membres de l’association.
Faute d’accomplissement de ces formalités, l’association, n’ayant pas
d’existence légale au regard des tiers, ne jouit d’aucun droit et ne peut
exercer aucune action judiciaire ; elle ne peut être en son seul nom
propriétaire d’aucun bien et, en cas de litige, le procès doit nécessairement
être suivi au nom de tous les membres de l’association pris chacun à titre
individuel.
Les formalités à remplir comportent une déclaration de
l’association faite à la préfecture du département où l’association a son siège
et la publication d’un extrait des statuts au Journal Officiel.
La déclaration doit être faite par les fondateurs de
l’association, c’est-à-dire par ceux auxquels les statuts confient
l’administration et la direction de l’association. Elle doit être écrite et
mentionner le nom et l’objet de l’association, le lieu de son siège social, les
nom, prénoms et domicile des personnes chargées de l’administration et de la
direction. Il en est donné récépissé.
Dans le mois de la déclaration doit être inséré au Journal
Officiel un extrait contenant la date à laquelle la déclaration a été
faite, le nom et l’objet de l’association et le lieu où se trouve son siège
social. Cet extrait est reproduit par les soins du préfet au Recueil des
actes administratifs de la préfecture : mais, à partir du jour de
l’insertion au Journal Officiel, l’association jouit de la personnalité
civile et est recevable à agir en justice en son nom, par l’intermédiaire de la
personne à qui les statuts en donnent le pouvoir.
L’acte de société a pour objet essentiel de fournir la
preuve du consentement des parties à l’exécution des stipulations qui y sont
exprimées ; il doit donc mentionner avec précision ce à quoi chacune des
parties s’oblige et porter la signature manuscrite de tous les adhérents,
précédée de la mention « Lu et approuvé » également manuscrite. Ceci
implique, en outre, l’indication du contrat que les parties se proposent de
conclure ainsi que de ses modalités essentielles.
Nous avons indiqué précédemment que l’acte de société est
utilement complété par un Règlement de la chasse, mais rien n’empêche de
réunir les deux actes en un seul, en incorporant dans l’acte de société toutes
les stipulations susceptibles de figurer dans le règlement. Toutefois, nous
jugeons préférable de scinder les deux actes pour les motifs suivants :
l’acte de société devant porter les signatures de tous les associés, toutes ses
stipulations doivent être acceptées par l’unanimité des membres. Au contraire,
pour celles du règlement, on peut se contenter de l’approbation de la majorité,
à condition que ce soit indiqué dans l’acte de société. Cette manière de
procéder permet de gagner du temps pour aboutir à la constitution définitive de
la société par l’accomplissement des formalités prescrites par la loi.
On peut ensuite établir le règlement à tête reposée ;
en outre, si la pratique révèle qu’il y aurait intérêt à apporter au règlement
certaines modifications, il suffira, pour les opérer, d’un vote majoritaire de
l’assemblée des associés.
Dans une prochaine causerie, nous compléterons les
explications qui précèdent en ajoutant des modèles pouvant servir à
l’établissement des statuts des associations de chasseurs.
Paul COLIN,
Avocat à la Cour d’Appel de Paris.
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