L’origine du lapin se perd dans la nuit des temps.
On peut dire qu’on le trouve en tous pays, mais son
adaptation au milieu où il vit fait qu’il a des apparences et un goût de chair
très différents suivant son habitat. S’il vit dans un bois de résineux, il est
de médiocre qualité, alors que, s’il a élu domicile dans les cultures, sa chair
a une très grande finesse.
Son nom moderne de lapin dérive du mot latin : lepus,
qui veut dire lièvre, auquel s’ajoute, en langage scientifique, le mot cuniculus,
ce qui, en somme, veut dire lièvre de terrier, par opposition au lièvre, qui
gîte mais ne se terre pas.
Dans l’ancien français, où nous le voyons cité dans maintes
ordonnances royales, son nom était alors « connil » (ou encore
« connin », « counin », « coutin » ou « cuniglin »).
Quant au terrier où la femelle met bas, et que nous appelons
« rabouillère », on l’appelait autrefois « conninière » ou
« rabollière ».
Le lapin se plaît dans toute la France et vit jusqu’à plus
de 700 mètres d’altitude.
Il y a quelques années encore, on en voyait fort peu dans le
Midi, mais, grâce aux efforts des sociétés départementales de chasseurs, on en
a mis en quantité raisonnable partout où il n’y en avait pas.
Le lapin de garenne, au regard de la loi, a deux aspects
très différents. Dans certains départements du Midi, il est exclusivement
gibier. Dans les autres départements, il est animal nuisible.
Cette dernière appellation le place dans la catégorie des
animaux malfaisants ou nuisibles, que le propriétaire, possesseur ou fermier peut
détruire en tout temps sur ses terres, au moyen de bourses et furets, et aussi
permet d’autres moyens de destruction, à certaines époques de l’année, suivant
les arrêtés préfectoraux.
Le lapin est très prolifique, chacun sait cela, mais il est
cependant des endroits où sa reproduction se fait assez mal quand le terrain ne
s’y prête pas. À vrai dire, cela arrive plutôt dans les garennes fermées
qu’ouvertes. En effet, si on lâche dans un bois un certain nombre de lapins de
reproduction, ils sauront chercher l’endroit qui convient pour creuser leurs
terriers. Au contraire, si on les place en garenne fermée et que le terrain
choisi soit mal exposé, en sol humide ou très éventé, la réussite sera beaucoup
moins bonne.
Il faut donc prendre certaines précautions lors de la
création d’une garenne fermée. On disait autrefois : garenne forcée, car
on obligeait les lapins qu’on y enfermait à y demeurer ; mais nous aimons
mieux la dénomination de garenne fermée, par opposition à la garenne ouverte,
qui n’a pas de clôtures.
Tout d’abord, on choisira des terrains sains et perméables
où les lapins n’auront pas à souffrir de l’humidité, qui leur est toujours
funeste.
Ensuite, on cherchera à ce que la garenne comporte une
colline bien exposée, soit au midi, soit à l’est, où les lapins ne manqueront
pas d’établir leur terrier.
Un des points les plus importants dans la garenne fermée est
la question de l’alimentation, trop souvent négligée.
Les facultés de multiplication des lapins sont énormes, mais
on ne peut avoir de sujets vigoureux que si on leur assure une nourriture
suffisante. Il faut donc, quand les lapins augmentent en nombre, soit en
réduire la densité, soit arriver par un moyen quelconque à leur donner de quoi
satisfaire l’appétit de tous. Cela peut se faire par des cultures engrillagées,
que l’on ouvre partiellement aux lapins quand le besoin s’en fait sentir, ou
bien par des apports de nourriture placés dans des mangeoires que l’on
réapprovisionne régulièrement.
Dans la garenne ouverte, l’augmentation du nombre des sujets
est moins visible en début de saison, puis l’agriculteur s’aperçoit des
dommages causés et réclame des indemnités aux propriétaires des bois voisins.
Cela fait naître des procès qui donnent lieu à expertises,
et les jugements rendus sont parfois discutés.
Cependant la jurisprudence admet généralement que le
propriétaire d’un bois où les lapins ont établi leurs terriers n’est
responsable que s’il a commis une faute, soit en multipliant les lapins par
apports de reproducteurs, soit par négligence, en n’ayant pas pris des mesures
pour enrayer la multiplication de ces animaux nuisibles.
Il faut donc, pour rester dans un juste milieu, admettre
qu’il y ait un peu de lapins, mais limiter sa reproduction afin qu’il ne
devienne pas nuisible.
Un genre de dommages que causent assez souvent les lapins et
aussi les lièvres quand ils sont dans un parc ou en garenne fermée, c’est
qu’ils s’attaquent aux écorces des arbres, ce qui fait périr ceux-ci.
Dès qu’on s’en aperçoit, il faut soigner les arbres de la
façon suivante : mettre dans une casserole et faire fondre à feu très
doux, en les mélangeant :
350 |
grammes |
de cire jaune, |
350 |
— |
d’huile de lin, |
150 |
— |
de graisse ou de suif, |
150 |
— |
de goudron. |
Incorporer ensuite de la suie de cheminée passée au tamis et
mélanger jusqu’à ce que l’on obtienne un onguent assez compact.
Avant de l’étendre, il faut bien nettoyer la plaie avec une
brosse, afin qu’il ne reste aucune matière étrangère.
On appliquera une couche assez épaisse afin qu’il ne puisse
plus passer d’air. Après quoi, on entourera le tronc d’un manchon en grillage
pour que les dommages ne se renouvellent pas.
Il sera bon, cependant, de se rappeler que, lorsque les
lapins et les lièvres rongent les écorces des arbres, c’est qu’ils sont
insuffisamment nourris. D’où l’importance de proportionner le nombre de lapins
au volume de la nourriture.
René DANNIN,
Expert en agriculture (chasse, gibier) près les Tribunaux.
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