« Tout insecte qui tombe à l’eau a des chances d’être
gobé », disait, à peu près en ces termes, le maître regretté A. Andrieux.
Les coléoptères, qui ne font pas exception à cet axiome, sont excessivement
nombreux dans les 300.000 espèces décrites qui ne représentent que le tiers de
la masse existante dans le monde : nous ne pouvons évidemment pas avoir la
prétention de les étudier toutes ! ...
D’ailleurs, pour nous pêcheurs, une grande, partie de ces
insectes s’éliminent d’eux-mêmes, soit qu’ils soient trop grands, soit,
surtout, qu’ils soient trop petits. En outre, nous ne devons
considérer— ce qui en diminue considérablement le nombre — que ceux
que l’on trouve en France ; de plus, parmi ceux dont la taille pourrait
convenir, beaucoup sont peu communs ou rares ; or il nous faut des
insectes communs que les poissons voient souvent. Nous choisirons donc ceux que
nous trouverons facilement et souvent, sous nos pas, sans les chercher. Nous nous
munirons d’un flacon à large goulot et bouchon de liège, contenant un peu de
sciure de bois humectée de quelques gouttes d’éther acétique, et nous y
mettrons les victimes que nous rencontrerons, soit en pêchant, soit à la
promenade.
Nous en aurons l’occasion surtout au printemps et au début
de l’été, mais aussi en automne et même en hiver ; avec un peu de goût,
nous en tirerons, si nous voulons, de nombreuses mouches. Nous nous rendrons
vite compte que nous pouvons les synthétiser en quelques types seulement qui
nous suffiront pour parer à tout. Nous aurons ainsi le plaisir de pêcher avec
une mouche originale, je veux dire personnelle.
On trouve dans le commerce de nombreuses imitations
de coléoptères : cock-y-bondhu, chenilles (red palmer, grey palmer, black
palmer), coochman à ailes noires ou blanches, red tag, zulu, etc., toutes ces
imitations ou fantaisies ayant fait leurs preuves. Mais repartir à zéro est
d’un bon profit, sans compter que, beaucoup d’espèces ayant un habitat limité,
tout pêcheur a intérêt de pouvoir lui-même, d’après les insectes qu’il trouve dans
ses lieux de pêche, interpréter les mouches à employer. Le débutant
élucidera du coup l’embarras énorme du choix judicieux parmi les si nombreuses
mouches commerciales. Je sais que l’on prend du poisson avec n’importe
quelle mouche, mais ! ...
Commençons par le premier coléoptère venu : Pyrochroa
coccinea par exemple, qui est très beau et qu’on trouve dans toute la
France. Il est de la famille des pyrochroïdés, il vit sur les fleurs, dans les
taillis, en mai et juin. Sa longueur totale varie de 12 à 17 millimètres.
L’ensemble a la forme d’un triangle allongé à base arrondie en demi-cercle. Le
corps aplati est noir brillant, comme celui du grillon, ainsi que ses pattes
(11 millimètres) et ses antennes (8 mm.). Seuls le dessus du thorax
et les élytres (10 mm.) sont d’un rouge-coquelicot écarlate. Comme
toujours, les élytres sont translucides, ce qui, par transparence, les rend
claires ; une plume opaque de petit oiseau pour les imiter est donc une
hérésie. L’extrémité de la tête, triangulaire aussi, a 2mm,5, la
plus grande largeur aux élytres est de 6 millimètres. Les antennes sont
pectinées chez le mâle (cas de la figure), en dent de scie chez la
femelle ; les ailes (15 mm.), couleur noir de fumée, plus longues que
les élytres, ont trois plis, ce qui leur permet de se loger sous les élytres au
repos.
MOUCHE.
— Matériaux. — Hackle de coq noir, fil de
soie noir, barbules de coq blanc teintées en rouge écarlate, barbules de coq
gris-fumée, hameçon nos 10, 11 ou 12.
Faire le corps en hackle de coq noir, genre chenille, mais
en coupant les barbules très courtes, n’en laissant que quelques-unes entières
pour imiter les pattes. On peut aussi faire le corps en hackle de plume
d’aigrette de vanneau. Monter dessus, à plat, à l’espagnole, un pinceau de
barbules de coq gris-fumée et par-dessus un pinceau de barbules écarlates. (La
longueur des barbules doit correspondre aux dimensions de l’insecte.) Cette
opération peut se faire en un seul temps, en faisant à l’avance des deux
pinceaux gris et rouge un seul pinceau, sans les mélanger (se servir d’une
pince pour le transport et la pose).
On obtient une très belle mouche particulièrement meurtrière
sur les vandoises, en mai et début de l’été, par les méthodes classiques
ordinaires en sèche ou noyée. Adopter des hameçons no 12, fins
de fer, pour les mouches sèches. Le poids de l’hameçon est à considérer quand
on dépasse le 14 pour avoir une bonne flottaison.
P. CARRÈRE.
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