De nombreux fervents de la voile ayant acheté ou construit
un moth, un sharpie, un caneton ou autre monotype de série, se trouvent
handicapés du fait de leur isolement. Ils doivent résoudre par leurs propres
moyens les problèmes du transport, du garage, de l’entretien, etc., et ils ne
peuvent participer à ce magnifique sport de compétition qu’est la régate, sans
s’imposer des déplacements onéreux et compliqués, souvent impossibles même à
réaliser. Mais il existe à coup sûr dans la même ville ou dans le voisinage
d’autres isolés, propriétaires ou non d’embarcations, mais amoureux refoulés du
sport de la voile. Si deux ou trois de ces isolés prennent contact, et si l’un
d’eux se révèle animateur, un club peut être fondé ; l’exemple étant
contagieux — et il s’y ajoutera, en l’occurrence, l’attrait de la
nouveauté, — on verra à brève échéance des adhérents grossir l’équipe
initiale. J’ai connu bien des gens fermés à la séduction de la voile.
Invitez-les à bord un jour de jolie brise ; ils viendront en curieux. Huit
fois sur dix, ils sont favorablement impressionnés ; mais, cinq fois sur
dix, ils sont conquis et littéralement « envoûtés ».
Nous avons vu qu’il existait des associations de
propriétaires pour la plupart des séries importantes, et l’adhésion à l’une de
ces associations s’impose à l’amateur qui désire entreprendre une construction.
Il y trouvera l’aide et les conseils nécessaires, ainsi que des matériaux
préfabriqués dans les meilleures conditions. L’association peut, en outre, le
mettre en contact avec les adhérents de sa résidence ou de sa région. Ainsi
peut se former un noyau d’animateurs, condition préalable à la fondation d’un
club. Tout serait très bien à la condition que le monotype choisi convienne aux
exigences locales. S’il en était autrement, il serait bon de consulter la
Fédération française de la Voile (F. F. V.), 82, boulevard Haussmann,
Paris, qui conseillera utilement sur le choix du monotype. En fait, l’amateur
obéit trop souvent à une sympathie spontanée pour un type de bateau. Ici, le sentiment
doit faire place à la technique, sous peine de graves déboires.
Supposons le monotype convenablement choisi. Pour le
développement éventuel de la série, on gardera le contact avec l’association
des propriétaires pour les groupages de commandes, l’achat des éléments
préfabriqués jusqu’au moment où, le club ayant augmenté d’importance, on
trouvera avantage à organiser sa propre coopérative d’achat et de construction.
Mais, pour tout ce qui concerne la fondation et le
fonctionnement du club, c’est à la F. F. V. qu’il faudra s’adresser.
Elle enverra gratuitement aux animateurs sa brochure de propagande :
« Quelques conseils pour créer un club de régates à voiles. » Nous
donnons ci-après un aperçu de l’essentiel de cette très intéressante
publication.
Précisons tout d’abord que la F. F. V. est
l’unique organe de direction du yachting à voile. Elle comprend cinq comités
régionaux : Manche, Atlantique, Méditerranée, lacs et rivières, Afrique du
Nord. Chaque comité se subdivise en deux ou trois secteurs. C’est avec le chef
de secteur qu’on devra prendre contact dès la création de la société.
Le point de départ est la constitution d’un bureau. Choisir
un président avec les qualités traditionnellement requises : personnalité
locale représentative, autorité suffisante, rôle de mécène éventuel. Puis le
trésorier, homme d’ordre, consciencieux, intransigeant avec les resquilleurs.
Enfin le secrétaire, qui est souvent le promoteur du club. C’est l’animateur
numéro un. Il sera dynamique, persuasif, inlassablement dévoué. Il tient les
registres, le fichier, et assure la correspondance avec la fédération et le
comité régional.
Il y aussi un secrétaire des courses, vrai technicien des
régates. C’est l’homme des règlements, qui sera l’éducateur des régatiers et le
président de tribunal. Il organise le calendrier sportif et les rapports avec
les autres sociétés, il assure la conservation du matériel nécessaire aux
régates, envoie les comptes rendus sportifs à la presse, et, quand il lui reste
du temps, il bûche et rebûche le règlement, qu’il doit connaître sur le bout du
doigt pour trancher avec autorité les contestations qui ne manqueront pas de
surgir, le jour des régates, entre d’inévitables « chicanoux ».
Le bureau ainsi formé, on peut tenir une assemblée générale
qui discute et adopte les statuts et procède à l’élection définitive du conseil
d’administration. Ensuite viennent les démarches administratives :
affiliation à la F. F. V. et déclaration à la préfecture. Nous
laisserons l’infortuné secrétaire à ses obligations, dont il trouvera la liste
dans la brochure de propagande et dont nous épargnerons à nos lecteurs les
détails fastidieux.
Avec la recherche du plan d’eau commence le travail de
réalisation des animateurs. À la mer, pas de difficultés. Les bouées en place
peuvent être utilisées. On peut en mouiller une ou deux devant le poste de
pointage, ce qui donne la ligne de départ. Le parcours idéal est un triangle,
ce qui implique une navigation sous différentes allures. En rivière, c’est plus
compliqué. On procède à l’inventaire sur la carte des plans d’eau possibles de
la région en tenant compte des possibilités d’évolution, des courants, des
profondeurs, des moyens d’accès, de l’aménagement éventuel d’un club house, et
surtout du régime des vents régnants. À titre indicatif, notons qu’un plan
d’eau de 500 à 600 mètres avec 50 à 60 mètres de largeur suffit pour
un petit dériveur. Ce choix et très important, et il est en principe définitif.
Notre pays offre une assez grande variété de rivières, lacs et étangs, auxquels
s’ajoutent des lacs de barrage de plus en plus nombreux, pour offrir aux
régions les plus déshéritées des plans d’eau à quelques kilomètres à la ronde.
Le secrétaire des courses va préparer, avec l’aide de
quelques adhérents dévoués, son matériel de poste de départ.
On en trouve les plans dans le règlement de courses de la F. F. V.
Le mât doit être assez haut pour que les pavillons soient nettement visibles de
la ligne de départ. En tête de mât, on envoie le pavillon de société. Sur les
barres du mât de signaux, les pavillons de série, le pavillon des parcours qui
indique le nombre de tours, le sens de virage des bouées ...
Le règlement international prévoit trois signaux de départ.
Voici comment on procède pour les grandes épreuves :
— Attention, 10 minutes avant le
départ : pavillon de série hissé à une des barres de flèche.
— Avertissement, 5 minutes avant le
départ : lettre P hissée à la barre de flèche sur une poulie à côté
du pavillon de série.
— Départ : lettre P et pavillon de
série amenés simultanément.
Le plan du parcours, les signaux et heures de départ sont
affichés dans le club house. Toutes les instructions sont données par écrit. Si
plusieurs clubs participent aux compétitions, les instructions écrites doivent
être remises à chaque régatier. Les bouées de virage doivent porter un pavillon
nettement visible. En rivière, il ne peut être question de parcours en
triangle. On se contente d’une bouée en amont et d’une en aval. La question du
mouillage doit retenir l’attention des dirigeants. Le mouillage contre la berge
abîme les peintures. Sur les eaux où le courant se renverse, le mouillage
individuel sur corps mort est recommandé. En rivière, on peut amarrer par
l’avant et par l’arrière à deux pieux ou deux fûts reliés au fond par des
socles en ciment et des chaînes. Un canot de service est indispensable pour
mouiller les bouées ou secourir un coureur en difficulté.
Pour la mise à terre et à l’eau, la F. F. V. a
étudié un équipement standard pour les séries officielles. Pour les petites
séries, un chariot sur pneus sera suffisant. Un club équipé en dériveurs légers
aura intérêt à pouvoir rentrer chaque soir tous ses bateaux. Ceux-ci resteront
bien propres et se conserveront en excellent état.
Les petites sociétés dont les moyens financiers sont
modestes réduiront leur club house à un simple abri. La location d’une grange
de ferme est, dans certains cas, une solution de début. Une cabane en planches
avec toit en zinc ou fibro-ciment peut également suffire. Plus tard, les
recettes augmentant avec les adhésions, on adjoindra un hangar à matériel et un
vestiaire, en attendant la salle de réunion et le bar.
Tout le reste viendra plus tard, et certainement beaucoup
plus vite qu’on ne le pense. Chacun paiera de sa personne et suivant ses
moyens. Certains clubs se sont ainsi constitués sans bourse délier, l’un
prêtant son camion et ses ouvriers, l’autre offrant des bois et des matériaux
de construction. Aux dirigeants de savoir profiter de l’enthousiasme du début
et des bonnes volontés.
L’essentiel, c’est le départ. Il suffit d’un animateur avec
sa ferveur. Toutes les grandes choses de ce monde ont été faites avec une
volonté et une foi.
A. PIERRE.
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