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Fusils qui blessent le chasseur

Il est parfaitement désagréable de posséder une arme donnant toute satisfaction au point de vue du tir et de la sécurité, mais occasionnant des contusions aux doigts, à l’épaule ou à la joue. Un remède de première urgence consiste dans l’emploi de sabots amortisseurs et de bagues en caoutchouc ; ces appareils atténuent les effets d’un recul malencontreux, mais n’en suppriment nullement la cause, et il est, dans bien des cas, possible de ne pas en faire usage après diverses modifications de l’arme ou des vêtements.

Voyons d’abord ce qui concerne les contusions de l’épaule qui vont généralement de pair avec celles de la joue droite. Nous supposerons, bien entendu, que nous avons affaire à une arme de poids normal tirant des munitions raisonnablement chargées, et que, par conséquent, le recul est normal. Dans ces conditions, il convient de remarquer que toute contusion implique un choc ou un glissement suivi d’un choc, et nous pouvons rattacher ces deux cas aux causes ci-après :

Certains chasseurs n’épaulent pas fermement et pressent la détente un peu trop vite ; dans cette hypothèse, on voit tout de suite que le jeu laissé entre l’arme et l’épaule entraîne fatalement un recul de l’arme, qui aborde l’épaule avec contusion, ou double contusion si la joue est touchée en même temps. Même dans le cas où l’arme est correctement épaulée, il peut y avoir glissement de la plaque de couche sur le vêtement, glissement dont on peut trouver l’origine dans une inclinaison de la plaque ne convenant pas au tireur, dans un vêtement de chasse trop glissant et même dans une pente de crosse anormale. En général, une augmentation de la pente de l’arme supprime les inconvénients dont nous venons de parler, puisque cette modification change l’angle de la plaque de couche et du canon. Une arme trop avantagée tend à glisser latéralement et à blesser la partie du bras voisine de l’épaule.

L’emploi du sabot amortisseur améliore le manque de confort de l’arme à la fois par sa souplesse, son épaisseur et son adhérence. La souplesse n’est vraiment intéressante que pour les armes de gros calibre, et il est bien préférable d’allonger la crosse en cas de besoin et de rechercher l’adhérence entre la plaque de couche et le vêtement.

Il est très facile d’allonger une crosse à titre expérimental en intercalant entre la plaque de corne et le bois un morceau de liège fin taillé à la demande et auquel on donnera une épaisseur de 5 à 15 millimètres suivant le cas. Si cette petite modification donne un bon résultat, on pourra mettre en place à titre définitif une cale de bois dur noirci, d’un aspect très satisfaisant. Notons, en passant, que l’allongement de la crosse augmente la pente puisqu’elle fait porter la joue un peu plus loin du canon : on en tiendra compte dans les essais.

S’il s’agit d’un glissement de l’arme sur le vêtement, le remède consiste à garnir ce dernier d’une petite pièce de cuir souple choisi de manière à donner une bonne adhérence à la crosse. Beaucoup de vêtements de chasse sont actuellement munis de cette plaque, fort utile également pour le port de l’arme.

Il faut enfin noter que certains chasseurs ont une conformation de l’épaule telle que la crosse tend à glisser naturellement vers l’extérieur : un léger rembourrage constitué par une épaulette américaine placée transversalement sur la poitrine de manière à donner de l’épaisseur vers l’extérieur de la veste ou mieux du gilet donnera toute satisfaction dans ce cas ; ce même dispositif corrige également le pivotement au bec, inconvénient des crosses à bec trop prononcé. En même temps, le susdit rembourrage atténue légèrement la sensation de recul sans l’emploi d’un accessoire disgracieux.

Venons-en maintenant aux contusions des doigts ; elles sont au moins aussi désagréables que celles de l’épaule et méritent que l’on s’y arrête quelque peu.

Deux doigts de la main droite sont susceptibles d’être blessés, l’index et le médius. L’index est généralement touché par la première détente lors de l’emploi de la seconde, et, étant donné que la bague en caoutchouc est gênante entre les deux détentes, il vaut mieux user d’une détente articulée qui peut se replier sous le choc tout en conservant son fonctionnement normal. Ce dispositif est assez employé dans les armes légères affligées d’un recul congénital.

Le médius, lui, est touché par le pontet, et, bien que l’on ait inventé des pontets à glissière, on peut employer contre ce genre de contusion la bague de caoutchouc, qui ici ne sera pas trop gênante ; un morceau de doigtier en feuille anglaise est le plus souvent suffisant et ne cause pas trop de gêne au chasseur. Il convient également d’adoucir à la pierre l’angle du pontet, souvent tranchant comme un couteau et qui enlève facilement des lambeaux d’épiderme.

Mais nous insistons pour conseiller aux chasseurs, avant d’avoir recours en dernier ressort au sabot ou à la bague, de rechercher dans des modifications de crosse, dans le rembourrage de l’épaule et dans la suppression du glissement de la plaque de couche le véritable remède à leurs maux.

Très souvent, ils seront en outre agréablement surpris de voir l’efficacité de leur tir sensiblement améliorée de ce fait.

M. MARCHAND,

Ingénieur E. C. P.

Le Chasseur Français N°617 Décembre 1947 Page 609