Dans notre dernière causerie, nous avons exposé dans leurs
grandes lignes les conditions de formation des associations de chasseurs, ainsi
que les règles qui les régissent. Nous avons signalé l’intérêt qu’il y avait,
en général, à établir un acte de société et un règlement de la chasse, tout en
faisant remarquer que c’est principalement important dans le cas où
l’association comprend de nombreux adhérents. Ceci se produit ordinairement
lorsque l’association dispose d’un territoire de chasse étendu, ce qui est
généralement le cas quand il s’agit d’un groupement de domaines dont les
propriétaires ont fait apport de leur droit de chasse à l’association.
Il nous reste à donner quelques précisions sur les clauses
qu’il importe de faire entrer dans l’acte de société, acte qui va constituer
les statuts de l’association.
Le point de départ, nous venons de le voir, c’est la mise en
commun des droits de chasse dont bénéficient les adhérents, et c’est le premier
point à régler. L’acte doit donc contenir l’énumération des divers adhérents
avec mention de la situation et de l’étendue approximative des propriétés de
chacun ; il doit indiquer que, par le seul effet de leur signature apposée
au bas de l’acte, il est fait apport à l’association du droit de chasse dont
ils jouissent sur le domaine en question, pour profiter à tous les associés. Et
il est utile de noter qu’un tel apport ne constituant pas une location de
chasse, l’acte qui le constate n’entraîne pas la perception de la taxe sur les
locations de chasse, ce qui constitue un avantage appréciable en raison de
l’élévation de cette taxe ; l’acte comporte seulement l’enregistrement au
droit fixe.
Il n’est pas possible de signaler ici toutes les mentions
susceptibles de figurer dans les statuts d’une association de chasseurs ;
elles peuvent varier à l’infini suivant les circonstances. Nous nous bornerons
donc à indiquer celles qui nous paraissent les plus importantes.
Outre la dénomination qui peut être donnée à l’association
et le siège social, il y a lieu de mentionner l’objet de la société,
c’est-à-dire la pratique de la chasse en commun sur le territoire dont la
société dispose, l’organisation de la chasse, la répression du braconnage et la
protection du gibier.
Les statuts doivent ensuite faire connaître les règles d’administration
de l’association, c’est-à-dire l’organisme investi du pouvoir d’administrer
avec l’indication des actes rentrant dans ses attributions, par exemple la
conclusion ou le renouvellement des baux de chasse, s’il en a été consenti à la
société, la commission des gardes particuliers, l’exercice des actions en
justice au nom de l’association, l’emploi à faire des cotisations, etc. Il y a
lieu aussi de mentionner le nombre et les fonctions des diverses personnes
appelées à concourir à l’administration de la société, ainsi que leur mode
d’élection, la durée de leurs fonctions, les conditions et le mode de leur
remplacement.
Dans les sociétés comportant un nombre important de membres,
c’est ordinairement un comité composé de quatre ou six personnes qui est chargé
de l’administration ; il peut comprendre un président, auquel sont parfois
dévolus les pouvoirs du comité, un vice-président, appelé à le remplacer en cas
d’absence ou autre empêchement, un trésorier, chargé de la gestion des fonds
sociaux et de l’encaissement des cotisations, et un secrétaire, chargé des
écritures occasionnées par le fonctionnement de la société, de la tenue et de
la conservation du registre des délibérations.
En certains cas, on peut prévoir la nécessité de réunir
l’assemblée générale des adhérents pour des questions à lui soumettre. On doit
alors régler le mode de convocation des adhérents, de délibération de
l’assemblée, ainsi que la majorité requise pour l’adoption d’une décision.
Les statuts fixent la cotisation qui doit être versée par
les adhérents chaque année, ou à l’origine de l’association, ou bien le mode de
répartition entre les associés des dépenses occasionnées par la chasse ; il
peut être donné de ces dépenses une énumération, sans que cette énumération
soit strictement limitative. La fixation du montant de la cotisation peut être
laissée à l’assemblée générale, ainsi que l’approbation des comptes du
trésorier.
L’acte de société règle les conditions d’admission de
nouveaux membres, soit qu’il s’agisse de nouveaux apporteurs d’un droit de
chasse ou de non-bénéficiaires de droit de chasse ; il y a lieu, en ce
dernier cas, de fixer les conditions auxquelles ils pourraient être admis à
chasser sur le territoire de l’association. On doit également prévoir les
conditions dans lesquelles des adhérents pourraient volontairement sortir de la
société ou en être exclus ou céder leur part sociale, et le cas de décès d’un
associé pour en déterminer les conséquences.
Il y a intérêt aussi à fixer la durée pour laquelle
l’association est constituée, sauf la faculté de la proroger ou de la dissoudre
par anticipation, et de régler le mode de sa liquidation.
Enfin, les statuts peuvent prévoir l’élaboration par le
comité d’un règlement de chasse, les conditions dans lesquelles ce règlement
sera soumis à l’approbation des adhérents et pourra être modifié, ainsi que les
sanctions encourues dans le cas où il ne serait pas respecté. Ces sanctions
peuvent consister soit en pénalités pécuniaires, soit en privation d’un certain
nombre de jours de chasse ou en exclusion du partage du gibier ; elles
peuvent se borner à un simple avertissement et aller jusqu’à l’exclusion de la
société ; en ce dernier cas, l’adhérent exclu peut contester le bien-fondé
de la mesure prise à son encontre et soumettre le différend au tribunal.
Outre les diverses clauses qui viennent d’être envisagées,
il en est d’autres qu’on pourrait faire figurer aux statuts, mais qui seraient
mieux à leur place dans un règlement de chasse. Telles sont celles relatives au
droit d’invitation accordé aux associés, au partage du gibier, enfin aux
limitations à apporter à l’exercice de la chasse. Ces limitations portent sur
le nombre des fusils, sur les jours où l’on chassera, sur l’espèce, le sexe et
le nombre des pièces de gibier que l’on pourra tirer, enfin sur les parties du
territoire où il n’est pas permis de chasser en cas de constitution de
réserves. On sait que l’observation de ces restrictions s’impose aux fermiers
de culture en vertu du décret du 16 janvier 1947, même s’ils n’ont pas
adhéré à la société de chasse ; aussi y a-t-il un grand intérêt à les
formuler expressément.
Paul COLIN,
Avocat à la Cour d’appel de Paris.
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