Accueil  > Années 1942 à 1947  > N°617 Décembre 1947  > Page 616 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

La tularémie

Parmi les fléaux qui viennent parfois décimer notre gibier et s’ajoutent à la liste déjà trop longue de toutes les causes de destruction dont il est victime, figure la tularémie, appelée communément peste des lièvres.

Qu’est-ce tout d’abord que la tularémie ?

C’est une septicémie, c’est-à-dire un empoisonnement du sang causé par la présence dans l’organisme d’un virus qui se propage avec rapidité, d’un animal à l’autre. Sa ressemblance avec la peste, surtout à son début, lui a fait donner le surnom de peste des lièvres.

À vrai dire, le lièvre n’a pas l’exclusivité de la tularémie, mais comme les observations ont surtout porté au début des recherches sur ce gibier, qui arrivait de Tchécoslovaquie porteur de cette maladie, c’est à cause de cela qu’on lui ajouta souvent ce second nom.

Les animaux qui en sont aussi affectés sont des rongeurs, quelques mammifères et des oiseaux sauvages. Ces derniers, lorsqu’ils sont migrateurs, peuvent répandre la maladie dans des régions encore indemnes. On l’a également observée dans des troupeaux de bétail.

Cette maladie doit sa transmission, entre animaux, aux piqûres de toutes sortes d’insectes, comme punaises, poux, moustiques, etc., mais ces insectes ne transmettent pas la maladie à l’homme.

Elle serait transmissible à l’homme par contact d’animaux malades ou par consommation d’un animal infesté, parce que le virus réside aussi bien dans la peau et les chairs que dans les muscles et le foie.

En effet l’on a constaté la maladie chez une personne qui avait récemment dépouillé un lièvre et chez une autre qui avait consommé du lapin, probablement insuffisamment cuit.

Ce sont donc ceux qui manipulent les bêtes mortes et les peaux qui sont exposés à subir les atteintes de ce mal qui débute par une invasion brusque, amenant un grand abattement, des douleurs et de la fièvre.

L’eau de boisson infectée ou souillée par des animaux porteurs de germes est également une cause de propagation.

La tularémie, assez mal étudiée jusqu’à il y a dix ans, pourrait bien être cause de ces mortalités constatées certaines années où les lièvres furent moins nombreux à l’ouverture qu’ils ne l’étaient à la fermeture précédente.

C’est du reste en ces années-là qu’on a trouvé des cadavres de lièvres sans que l’on se soit expliqué la cause de leur décès. Une statistique a donné le chiffre de 4 p. 100 de mortalité, mais nous croyons que, dans les années où cette épidémie s’est étendue, elle dut donner un chiffre bien supérieur.

En clinique, les cobayes et les lapins, très sensibles à l’inoculation de sang humain, succombent du cinquième au huitième jour.

C’est en Californie que la tularémie fut découverte par Mac Coy, en 1911. Puis on la constata au Canada, au Japon, en Sibérie.

En Europe, l’Office international d’hygiène fut saisi en 1937 de mémoires indiquant la propagation de la maladie en Macédoine turque, en Autriche, en Tchécoslovaquie, où des épidémies ont été constatées. On a aussi signalé des cas en Norvège et en Italie.

L’examen des sujets atteints fait voir au point de pénétration du virus une ulcération plus ou moins étendue qui est un chancre d’inoculation. La fièvre consécutive à cette inoculation peut durer de deux à trois semaines. La tularémie revêt diverses formes suivant son point de pénétration, mais son évolution est assez lente, de même que la convalescence, qui peut durer plusieurs mois.

Une première attaque du mal ne confère pas l’immunité et l’on observe des récidives plusieurs mois après la première atteinte.

En 1937, l’Académie de médecine a entendu sur ce sujet un rapport de M. E. Brumpt et a conclu à la nomination d’une commission de six membres en vue d’étudier la maladie et les moyens de la combattre.

Le ministre de l’Agriculture, cette même année, prit, le 8 octobre, un arrêt interdisant l’entrée en France des rongeurs domestiques et sauvages, vivants ou morts, ainsi que leurs peaux fraîches ou vertes, salées ou non, en provenance de l’U. R. S. S., de l’Autriche, de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie. Cette prohibition s’appliquait également aux cadavres dépouillés ou dépecés des animaux susvisés.

Quelles précautions peut-on prendre actuellement pour éviter ces épidémies ?

Il est bien évident que, si la tularémie affecte la forme de la peste, elle est loin d’en présenter les dangers.

Ce n’est cependant pas un motif suffisant pour négliger de la combattre, et la première chose à faire est d’exercer une surveillance attentive de nos frontières, tant terrestres que maritimes. Ce soin est confié à nos services vétérinaires, qui sont très attentifs à contrôler le bon état des animaux pénétrant dans notre pays.

Mais cela ne suffit pas. Les premiers intéressés à la bonne santé du gibier sont les chasseurs eux-mêmes, et il leur incombe d’être attentifs aux décès suspects qu’ils peuvent observer dans leurs chasses.

Trop nombreux sont ceux qui, voyant quelques animaux crevés, ne se préoccupent pas de connaître la cause de ces décès. On fait venir le vétérinaire pour une vache malade, mais on ne le consulte pas sur des mortalités inexpliquées de gibier. Ce serait cependant très utile, et l’argent dépensé de la sorte le serait à bon escient, surtout si l’on a trouvé sur la chasse à la même époque plusieurs cadavres présentant le même aspect.

L’École vétérinaire d’Alfort (Seine) a un laboratoire fort bien monté, et nous engageons les chasseurs à y envoyer les cadavres d’animaux morts sans que l’on sache pourquoi.

L’envoi, outre l’adresse, comportera la mention « animal pour autopsie », et il sera bon d’envoyer en même temps une lettre explicative.

René DANNIN,

Expert en agriculture (chasse, gibier) près les Tribunaux.

Le Chasseur Français N°617 Décembre 1947 Page 616