Parmi les fléaux qui viennent parfois décimer notre gibier
et s’ajoutent à la liste déjà trop longue de toutes les causes de destruction
dont il est victime, figure la tularémie, appelée communément peste des
lièvres.
Qu’est-ce tout d’abord que la tularémie ?
C’est une septicémie, c’est-à-dire un empoisonnement du sang
causé par la présence dans l’organisme d’un virus qui se propage avec rapidité,
d’un animal à l’autre. Sa ressemblance avec la peste, surtout à son début, lui
a fait donner le surnom de peste des lièvres.
À vrai dire, le lièvre n’a pas l’exclusivité de la
tularémie, mais comme les observations ont surtout porté au début des
recherches sur ce gibier, qui arrivait de Tchécoslovaquie porteur de cette
maladie, c’est à cause de cela qu’on lui ajouta souvent ce second nom.
Les animaux qui en sont aussi affectés sont des rongeurs,
quelques mammifères et des oiseaux sauvages. Ces derniers, lorsqu’ils sont
migrateurs, peuvent répandre la maladie dans des régions encore indemnes. On
l’a également observée dans des troupeaux de bétail.
Cette maladie doit sa transmission, entre animaux, aux
piqûres de toutes sortes d’insectes, comme punaises, poux, moustiques, etc.,
mais ces insectes ne transmettent pas la maladie à l’homme.
Elle serait transmissible à l’homme par contact d’animaux
malades ou par consommation d’un animal infesté, parce que le virus réside
aussi bien dans la peau et les chairs que dans les muscles et le foie.
En effet l’on a constaté la maladie chez une personne qui
avait récemment dépouillé un lièvre et chez une autre qui avait consommé du
lapin, probablement insuffisamment cuit.
Ce sont donc ceux qui manipulent les bêtes mortes et les
peaux qui sont exposés à subir les atteintes de ce mal qui débute par une
invasion brusque, amenant un grand abattement, des douleurs et de la fièvre.
L’eau de boisson infectée ou souillée par des animaux
porteurs de germes est également une cause de propagation.
La tularémie, assez mal étudiée jusqu’à il y a dix ans,
pourrait bien être cause de ces mortalités constatées certaines années où les
lièvres furent moins nombreux à l’ouverture qu’ils ne l’étaient à la fermeture
précédente.
C’est du reste en ces années-là qu’on a trouvé des cadavres
de lièvres sans que l’on se soit expliqué la cause de leur décès. Une statistique
a donné le chiffre de 4 p. 100 de mortalité, mais nous croyons que, dans
les années où cette épidémie s’est étendue, elle dut donner un chiffre bien
supérieur.
En clinique, les cobayes et les lapins, très sensibles à
l’inoculation de sang humain, succombent du cinquième au huitième jour.
C’est en Californie que la tularémie fut découverte par Mac Coy,
en 1911. Puis on la constata au Canada, au Japon, en Sibérie.
En Europe, l’Office international d’hygiène fut saisi en
1937 de mémoires indiquant la propagation de la maladie en Macédoine turque, en
Autriche, en Tchécoslovaquie, où des épidémies ont été constatées. On a aussi
signalé des cas en Norvège et en Italie.
L’examen des sujets atteints fait voir au point de
pénétration du virus une ulcération plus ou moins étendue qui est un chancre
d’inoculation. La fièvre consécutive à cette inoculation peut durer de deux à
trois semaines. La tularémie revêt diverses formes suivant son point de
pénétration, mais son évolution est assez lente, de même que la convalescence,
qui peut durer plusieurs mois.
Une première attaque du mal ne confère pas l’immunité et
l’on observe des récidives plusieurs mois après la première atteinte.
En 1937, l’Académie de médecine a entendu sur ce sujet un
rapport de M. E. Brumpt et a conclu à la nomination d’une commission de
six membres en vue d’étudier la maladie et les moyens de la combattre.
Le ministre de l’Agriculture, cette même année, prit, le 8 octobre,
un arrêt interdisant l’entrée en France des rongeurs domestiques et sauvages,
vivants ou morts, ainsi que leurs peaux fraîches ou vertes, salées ou non, en
provenance de l’U. R. S. S., de l’Autriche, de la Hongrie et de
la Tchécoslovaquie. Cette prohibition s’appliquait également aux cadavres
dépouillés ou dépecés des animaux susvisés.
Quelles précautions peut-on prendre actuellement pour éviter
ces épidémies ?
Il est bien évident que, si la tularémie affecte la forme de
la peste, elle est loin d’en présenter les dangers.
Ce n’est cependant pas un motif suffisant pour négliger de
la combattre, et la première chose à faire est d’exercer une surveillance
attentive de nos frontières, tant terrestres que maritimes. Ce soin est confié
à nos services vétérinaires, qui sont très attentifs à contrôler le bon état
des animaux pénétrant dans notre pays.
Mais cela ne suffit pas. Les premiers intéressés à la bonne
santé du gibier sont les chasseurs eux-mêmes, et il leur incombe d’être
attentifs aux décès suspects qu’ils peuvent observer dans leurs chasses.
Trop nombreux sont ceux qui, voyant quelques animaux crevés,
ne se préoccupent pas de connaître la cause de ces décès. On fait venir le
vétérinaire pour une vache malade, mais on ne le consulte pas sur des
mortalités inexpliquées de gibier. Ce serait cependant très utile, et l’argent
dépensé de la sorte le serait à bon escient, surtout si l’on a trouvé sur la
chasse à la même époque plusieurs cadavres présentant le même aspect.
L’École vétérinaire d’Alfort (Seine) a un laboratoire fort
bien monté, et nous engageons les chasseurs à y envoyer les cadavres d’animaux
morts sans que l’on sache pourquoi.
L’envoi, outre l’adresse, comportera la mention
« animal pour autopsie », et il sera bon d’envoyer en même temps une
lettre explicative.
René DANNIN,
Expert en agriculture (chasse, gibier) près les Tribunaux.
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