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Entretien des étangs

À part certaines régions bien spécialisées dans l’élevage en étangs des poissons d’eau douce (carpes, tanches, brochetons), telles que la Sologne, les Dombes, la Lorraine et le Forez, les étangs, en France, se trouvent dans un état lamentable : pêcheries en ruines, digues en mauvais état, surface envahie par les joncs et les roseaux. Ajoutez à cela une méconnaissance totale des races de carpes sélectionnées (carpes royales, carpes miroir, carpes cuir), une ignorance du nombre de têtes à déverser à l’hectare d’eau chaque printemps avant la croissance, et l’ignorance de l’utilité des engrais, et il n’y a pas lieu de s’étonner si le rendement moyen de nos étangs est estimé, d’après les derniers ouvrages d’auteurs faisant autorité en la matière, à 50 ou 60 kilos de poissons à l’hectare. Et pourtant un étang bien cultivé doit atteindre à peu de frais et avec très peu de main-d’œuvre un rendement de 150 à 200 kilos, et la carpe vaut de 80 à 100 francs le kilo.

Les quelques indications ci-dessous n’ont pour but que de donner des principes généraux de la culture des étangs à poissons blancs.

Chaulage.

— C’est une opération capitale. Elle a pour but à la fois de combattre l’acidité de l’eau des étangs due à la formation de la vase et aux dépôts des matières humiques (feuilles, débris de végétations aquatiques), de remplacer la chaux enlevée à l’étang par les poissons pour la constitution de leur squelette, et éventuellement, à l’assec, de tuer les poissons nuisibles tels que le poisson chat.

Le chaulage se pratique l’hiver ou au début du printemps avec de la chaux éteinte.

On peut répandre la chaux à sec pendant l’assec d’hiver, sur le fond de l’étang vidé.

Si ce fond est impraticable, répandre la chaux en février, en bateau sur l’étang rempli, à la surface, même de l’eau, en la jetant à la pelle, de façon aussi régulière que possible.

Les doses normales sont de 100 à 150 kilos à l’hectare pour les étangs peu acides, à 400 ou 500 kilos pour les étangs très acides.

Le chaulage doit être terminé au plus tard le 15 mars.

Épandage d’engrais.

— L’engrais chimique se répand à la surface de l’eau, par jets de pelles du bord d’une barque, en régalant l’engrais le mieux possible. L’engrais de base est l’acide phosphorique sous forme de superphosphate ou de scories. La dose moyenne est de 100 à 200 kilos à l’hectare. Cet engrais sera répandu en deux ou trois fois à trois semaines d’intervalle entre chaque épandage. Un premier épandage aura lieu fin avril-début mai, un autre fin mai, un autre fin juin.

Quelle est l’action de cet engrais ? Il entraîne un fort développement des algues du plancton végétal qui sert d’aliment au plancton animal, lequel est la base de la nourriture de la carpe, et, à un moindre degré, du gardon et de la tanche. Trois semaines après l’épandage, le cycle de transformation est amorcé et l’engrais commence à être transformé en daphnies, cyclops et autres éléments du plancton. La carpe trouve donc une forte nourriture trois semaines après l’épandage.

Il est inutile de répandre des scories en juillet ou août, la carpe terminant fin août sa principale croissance.

Je résume donc l’apport minimum de base de produits chimiques : 200 kilos de chaux l’hiver ; 100 kilos de superphosphate ou scories au printemps et au début de l’été. Quant aux autres engrais, leur utilité est bien moindre.

La potasse se trouve le plus souvent en quantité suffisante dans les eaux, et l’adjonction de sels potassiques aurait surtout pour influence d’exciter la croissance des joncs et des roseaux. Le nitrate de chaux et le nitrate d’ammoniaque (ce dernier étant l’engrais explosif de Texas-City et de Brest) peut avoir son utilité à raison de 50 kilos de nitrate à l’hectare en juin.

Le fumier est excellent, s’il est répandu par petits tas sur les bords les moins profonds de l’étang. Une excellente fumure naturelle est apportée par les animaux venant à l’abreuvoir.

Je rappelle enfin qu’en Dombes les étangs sont cultivés une année sur trois en avoine et que le poisson profite des fumures et labours pratiqués pendant l’assec pour la culture.

Faucardage.

— Cette opération est capitale. Si la végétation submergée (myriophylle, potamots, callitriches) est utile comme nourriture pour les poissons brouteurs et surtout comme nourriture des mollusques et larves aquatiques servant de nourriture au poisson, la végétation verticale (joncs, roseaux, carex) est nuisible, car elle diminue la surface utile de l’eau.

Il faut, en principe, pratiquer deux faucardages par an, l’un à la mi-juin, l’autre fin juillet. Plus tôt, le faucardage ne paraît qu’activer la pousse de la végétation ; plus tard, il est inutile. Le faucardage doit se pratiquer à 20 centimètres sous le niveau de l’eau. Ainsi l’eau peut pourrir la tige restée submergée et la sève sucrée de la tige se déverse dans l’eau, servant de nourriture au plancton.

Le faucardage peut se pratiquer en bateau motofaucardeur ; un tel bateau est très cher (200 à 300.000 francs environ) et son emploi ne se justifie que dans les grandes exploitations piscicoles.

Le bateau faucardeur à main est le plus souvent suffisant. Dans les petits étangs, le faucardage se pratique à la faux à main à bord d’un bateau, ou en bottes cuissardes.

Ces trois opérations faites — chaulage, fumage, faucardage, — il ne reste plus qu’à attendre l’automne pour pêcher l’étang et récolter 150 ou 200 kilos de poissons à l’hectare et parfois même 250 à 300 kilos. À condition toutefois d’avoir rationnellement empoissonné son étang. Nous examinerons la prochaine fois comment « charger » un étang, comment calculer la quantité d’alevins de carpes, tanches et brochetons, en fonction de la surface, du poids d’alevins, du poids moyen du poisson que l’on veut obtenir et de la productivité de l’étang.

DE LAPRADE.

Le Chasseur Français N°617 Décembre 1947 Page 624