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Les chances de la France

aux prochains Jeux Olympiques

1948 — si aucune catastrophe mondiale ne vient contrarier le programme — marquera pour les sportifs du monde entier une grande date : la résurrection des Jeux Olympiques, qui, du fait de la guerre récente, n’ont pas eu lieu depuis 1936, à Berlin. En 1940, ils auraient dû se tenir à Helsinki-Ceux de 1948 auront lieu à Londres.

À la veille de ces jeux, qui représentent pour les athlètes des deux hémisphères le véritable championnat du monde et pour lesquels la préparation bat déjà son plein, comment se présentent les chances de la France ?

Il m’est agréable de pouvoir dire que, au milieu de toutes les peines et de tous les soucis dont nous souffrons depuis sept longues années, la situation actuelle de notre pays dans le domaine du sport pur est un des rares « secteurs » dans lesquels nous avons le droit d’être optimistes. Certes, nous n’avons pas la prétention de battre l’Amérique, qui sélectionne ses athlètes, d’ailleurs remarquables, sur l’échelle d’un continent, tandis que les pays d’Europe recrutent les leurs sur l’échelle nationale. Mais nous pouvons sans nous tromper affirmer que, depuis que les Jeux Olympiques ont été rénovés (il y a quarante ans !), jamais notre pays, malgré ses déboires et ses privations, n’aura présenté une sélection aussi forte que cette fois-ci.

Jusqu’ici, nous ne pouvions compter que sur quelques « phénomènes » (comme Jean Bouin, Ladoumègue, Suzanne Lenglen ou Lucien Gaudin), tandis que, en 1948, nous aurons une « équipe », c’est-à-dire une bonne douzaine d’athlètes de classe internationale, secondés par des « lièvres » d’excellente tenue.

Pourquoi ? Parce que — à quelque chose malheur est bon — parmi tant d’argent inutilement gaspillé pendant l’occupation et, hélas, depuis la Libération, la France a fait un bon placement. Celui qui a consisté à attribuer enfin à la préparation physique et à la santé de ses enfants un budget important — que nous n’avions pas de notre temps. Il en est résulté la poussée en flèche de stades, de piscines, qui ont permis une décentralisation du sport. Sur tout le territoire et dans chaque canton sont nés des clubs locaux dans lesquels ont poussé de jeunes aiglons. Les fédérations ont pu acquérir tout ce qui, jusqu’ici, nous faisait défaut : des pistes meilleures, des entraîneurs et moniteurs compétents et suffisamment appointés pour se consacrer à leur tâche, des moyens de transport et de diffusion permettant aux jeunes athlètes de se confronter plus souvent avec leurs aînés ou avec leurs anciens maîtres des pays étrangers, dont ils sont ainsi devenus les égaux. Si bien que, cette année, il n’est guère de semaine où nous ne voyions tomber un ancien record ou naître un nouvel « espoir ».

Parmi les anciens et les nouveaux sur lesquels nous sommes en droit de fonder des espoirs pour voir nos couleurs figurer dans les finales, nous pouvons d’ores et déjà citer en athlétisme : en demi-fond, Hansenne et Chefdhotel ; sur les haies, Arifon, Marie et André (fils du grand champion Géo André) ; dans les concours : Damitio, Valmy, etc.

En natation, avec Jany, Vallerey et nos plongeuses, nous partirons, dans de nombreuses épreuves et pour la première fois dans l’histoire sportive, favoris. Jany, digne successeur de Taris, vient de battre en deux semaines quatre records du monde, performance que seuls avaient atteinte un Weissmuller ou un Harbig, chacun dans sa spécialité !

En tennis, malheureusement, aucune étoile nouvelle ne se lève chez nous. Mais en football, cyclisme, poids et haltères, une pléiade de jeunes, sans atteindre la classe des sus-nommés, peut, d’ici un an, progresser de telle façon que nous puissions espérer quelques accessits.

Les prochains Jeux se présentent donc, en résumé, pour notre pays, sous des auspices favorables. Certes, la concurrence sera ardue et les places seront chères. Mais nous sommes convaincus que, si les derniers mois sont bien employés à amener nos athlètes, le jour venu, dans leur meilleure forme, la représentation française sera cette fois très brillante et que, plusieurs fois, les trois couleurs monteront au sommet du fameux mât olympique.

Robert JEUDON.

Le Chasseur Français N°617 Décembre 1947 Page 626