« Mini » est un enfant de la misère, mais son
succès est garanti par son faible prix de revient. Toujours à la recherche du
yacht minimum habitable, un architecte naval a conçu « Mini » comme
un record qui peut se résumer ainsi : 3m,70 de long, 2 couchettes,
100 kilos, 100 heures de travail, et enfin, mérite essentiel, 18.000 francs.
« Mini » est un dériveur à formes
angulaires, de construction simple, avec une bonne largeur de 1m,50,
une hauteur de mât de 3m,10 et une surface de voilure de 7 mètres
carrés. Son poids en charge avec deux personnes et les provisions sera de
l’ordre de 280 kilos. On a choisi le gréement de type houari pour garder
un mât court pour le passage sous les ponts. L’originalité de cette
construction consiste en une cabine escamotable. Pas de roof, mais, sur le
pont, deux panneaux relevables, un sur chaque bord, vont donner les côtés de la
cabine et supporter la tente. On obtient alors une hauteur sous la toile de 0m,90,
ce qui n’est pas si mal pour une embarcation embryonnaire. Ainsi dressée au
mouillage ou au sec sur une plage, la cabine, bien abritée, permet de passer la
nuit avec ses deux couchettes de 0m,60 sur 1m,80. Le
cockpit est relativement vaste ; on y trouve de chaque côté de la dérive
deux caissons de 0m,30 X 0m,30 destinés à recevoir le
réchaud et les provisions.
Pour aider les constructeurs amateurs à réaliser le plus
simplement possible cette construction, des plans très détaillés ont été
établis. Ils comprennent à l’échelle du 1/10e le tracé des formes
hors-bordé, le plan de montage, le plan de voilure ; en grandeur vraie, le
plan des ferrures, le plan des membrures, étrave, puits de dérive. Une notice
de montage très explicite accompagne ces planches, ainsi que le débit des bois
et l’échantillonnage. Les nombreux dessins de détail permettent de supprimer
tout gabarit et tracés à la salle. Ainsi peut être réalisé « Mini »
avec le minimum de difficultés et en comptant environ une centaine d’heures de
travail. On aura un bateau de mer et de rivière pour un prix inférieur à celui
d’un canoë.
Il est évident que la croisière-camping trouve sa
solution idéale dans le canoé ou le kayak transportant la tente et le matériel
nécessaire. De nombreux jeunes croisent ainsi chaque été sur les rivières, les
étangs et le long des côtes. On dresse la tente chaque soir, et, après des
heures de pagayage, c’est un délassement appréciable de pouvoir marcher sur le
sol ferme et de trouver dans sa tente un confort relatif, certes, mais souvent
supérieur à celui que peut offrir une petite embarcation de 4 ou 5 mètres
de long. Aussi, quand des moyens financiers réduits ne permettent pas d’arriver
jusqu’au prix du grondin ou du bélouga, par exemple, le canoé-camping reste la
meilleure formule. Mais, avec « Mini », nous trouvons des
possibilités similaires à celles du canoé, avec des particularités
intéressantes. « Mini » sera bien meilleur voilier que le canoé. Il a
sa tente-cabine toute prête à bord et il peut être, lui aussi, tiré au sec.
Mais son principal avantage est de pouvoir être réalisé pour 18.000 francs
au lieu de 35.000 (canoé et matériel compris).
« Mini » va séduire de nombreux amateurs si l’on
en juge par le succès du « week-end » (1), du bélouga (2)
et du grondin (3), mais nous voulons mettre en garde les futurs
constructeurs et leur donner un conseil de prudence. Le lecteur qui juge une
embarcation d’après les plans réduits qui illustrent ces causeries se fait une
idée très approximative des dimensions réelles. Il faut apprendre à lire un
plan et à le transformer en grandeur vraie. Une petite cabine de yacht est
toujours séduisante sur un dessin, mais, lorsqu’il faut s’y déplacer à quatre
pattes, je vous assure qu’on oublie sa séduction. Il est donc prudent, avant
d’engager des frais d’achat de plans et de matériaux, de bien savoir si l’embarcation
choisie correspond à vos projets, à vos possibilités et à vos goûts. Il est
donc indispensable de commencer par une initiation théorique, à défaut d’une
initiation pratique. Il faut lire avant de construire, lire un ouvrage général
sur le yachting ; lecture attrayante et très instructive, où le futur
yachtman puisera les connaissances nécessaires pour orienter et fixer son choix
parmi les divers plans qu’il aura choisis. Même conseil avant de prendre la
scie ou le rabot : étudier un ouvrage sur la technique élémentaire du
charpentier de marine.
Deux livres représentant une dépense minime, quelques heures
de lecture agréable, et vous voilà suffisamment parés pour vous épargner au
moins des déceptions et des frais inutiles. Je dis « au moins », car
il ne faudrait pas croire que cette initiation livresque suffira à faire de
vous un charpentier de marine et un loup de mer. Dans ce domaine plus que dans
tout autre peut-être, il faut savoir rester modeste. La mer, le vent, la voile
posent chaque jour des problèmes nouveaux et nous offrent de perpétuels
enseignements.
Et le vrai marin est comme le sage. Il sait qu’il a toujours
à apprendre.
A. PIERRE.
(1) Voir Le Chasseur Français d’août-septembre 1947.
(2) Voir Le Chasseur Français d’avril-mai 1947.
(3) Voir Le Chasseur Français de février-mars 1947.
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