Vous avez fréquemment des surfaces à masquer. C’est le cas
des hauts murs séparatifs. D’autres fois, il s’agit de pignons de granges,
d’étables. Aujourd’hui, il s’agit d’agrémenter des habitations saccagées par
les événements de guerre et rafistolées. Il s’agit aussi d’atténuer la banalité
de constructions préfabriquées.
Il y a plus : dans les groupements d’habitations du
même type, qui engendrent la monotonie, il est un moyen d’individualiser, de
personnaliser votre maison, de la distinguer des autres. Ayez recours pour
cela, profitablement et agréablement, aux végétaux sarmenteux et à ceux que
vous pourrez en quelque sorte plaquer, appliquer, étaler contre les surfaces
murales.
Vous disposez de végétaux utilitaires et de végétaux
décoratifs. Parmi les premiers, des plantes à renouveler annuellement ;
c’est le cas par exemple de différentes cucurbitacées, des grands pois comme
les mangetout, ou pois gourmands ; mieux encore, des variétés améliorées
des haricots d’Espagne aux inflorescences de fleurs blanches, rouge-ponceau et
panachées, qui composent des revêtements aux couleurs vibrantes.
Il y a mieux, infiniment mieux et d’un caractère durable. Ce
sont les arbres fruitiers : abricotiers, pêchers, poiriers, pommiers,
cerisiers, pruniers. Eh oui ! pruniers et cerisiers pour les expositions
nord qui vous permettent de cueillir, avec un retard assez marqué sur les
productions de plein air, cerises et prunes, très appréciées à une période où
elles prennent une valeur correspondant aux primeurs, parce que ces fruits
n’existent que dans ces conditions. Il y a, bien entendu, également la vigne,
en palissade dès la base du mur, ou en cordons horizontaux formant frises, et
même en plusieurs cordons superposés entre les étages, si étages il y a, jusque
sous les rebords du toit.
Pour les régions plus favorisées où la surface abri
chauffante d’un mur est la bienvenue, il y a le bibacier du Japon (après
essai), le figuier, d’autres essences mi-exotiques. Rien n’est plus prestigieux
non plus pour l’étroite zone de la Riviera que le citronnier.
Tous ces végétaux donnent aux habitations et aux bâtiments
un aspect quelque peu champêtre d’une agréable rusticité classique.
Voulez-vous une verdure plus étoffée, plus enveloppante,
plus somptueuse ? Dans ce cas utilisez les végétaux d’ornement que vous
avez moins à contraindre que les utilitaires ; votre choix est aisé.
Je me tiens aux sortes vivaces durables, sans quoi les
volubilis sont ravissants, les cobées grimpantes pleines d’exubérance
— j’en passe. Mais, pour le sud-ouest et sud-est, l’Ipomée Leari
est une merveille. De sa souche vivace jaillissent sans arrêt des jets qui, en
une saison, font des pousses de 10, 12 mètres, si ce n’est plus. Et que
diriez-vous du houblon, si curieux avec ses panaches de fleurs-fruits ?
Souche vivace également.
Vous disposez de toute une gamme de rosiers sarmenteux. Les
splendides hybrides de Wichura présentent un inconvénient : contre
un mur, ils prennent le blanc, peut-être pas autant à exposition nord. Mais à
tous et au si puissant American Pillar il faut de l’air en même temps que de
l’espace. Moins vigoureux, mais aussi ravissants, vous disposez des rosiers
sarmenteux, les « Clembing » grimpantes, mutations de variétés à
rameaux dressés : Madame Herriot, Caroline Testout en tête.
Comme verdure permanente, rien de mieux que le lierre, ce
beau lierre d’Irlande qui s’accroche seul et dont il existe des variations à
petites, à grandes feuilles, même à feuilles panachées. Contrairement aux
erreurs répétées, le lierre tient les murs secs, car il pomperait l’humidité si
celle-ci existait : quand il est âgé, épais et peu soigné, il abrite
parfois des rongeurs ; il vous est facile de parer à cet état de fait.
Vous disposez de deux vignes vierges qui s’accrochent, se
plaquent, s’adaptent intimement aux murs, aux palissades, aux troncs d’arbres,
par leurs vrilles qui forment ventouses, et qu’elles revêtent superbement. Ce
sont la vigne vierge de Veitch et la vigne vierge des murailles (Ampelopsis
Veitchii et muralis). Elles développent de belles feuilles d’un vert doux
au printemps, qui deviennent vert foncé et comme vernissé, pour virer au
pourpre feu véritablement incendiaire l’automne venu ; toujours le chant
du cygne, avant leur chute, lorsque viennent les premières gelées. Il y a aussi
la vigne vierge ordinaire, vigoureuse en diable, mais qui ne plaque pas ses
frondaisons.
Le choix s’étend avec une renouée d’une vigueur
exceptionnelle, aux amples panaches de fleurs blanches, mais au nom rébarbatif
(Polygonum baldschuanicum) ; les splendides glycines, dont celles
de Chine aux longues grappes fluettes ; les chèvrefeuilles des jardins et
de Chine, qui enroulent leurs tiges, comme l’aristoloche syphon aux larges
feuilles et aux curieuses fleurs en forme de pipe ; les odorants jasmins
blancs et les jaunes inodores qui fleurissent l’hiver ; et l’indiscipliné Tecoma
aux beaux panaches de fleurs brillantes, cuivrées et rouges. Et, naturellement
toutes les clématites enlaçantes à petites et grandes fleurs.
LE DÉCORATEUR.
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