Beaucoup de gens vivant à la campagne élèvent des
abeilles ; point n’est besoin pour cela de posséder de grandes étendues de
terrain : l’abeille qui butine une fleur n’a cure d’en connaître le
propriétaire, et tel propriétaire, pourtant réputé si jaloux de son bien, n’a
jamais songé à identifier les petites voleuses de nectar ! Aussi bien, le
miel est une denrée courante dans toutes nos campagnes. Sa vente en est libre
en ville, et on commence à trouver ce produit dans quelques magasins. Il est
cher, direz-vous ? Certes oui. Mais peut-être moins cher qu’on ne croit,
eu égard à ses qualités ; bien moins cher en tout cas que le sucre au
marché noir.
Car, tandis que le sucre est un produit chimiquement pur,
qui n’apporte absolument à l’organisme que du saccharose de formule bien
définie, C12H22O11, le miel est un composé
d’aliments simples précieux entre tous. Tandis que le sucre blanc, produit
industriel dénaturé, privé de couleur, de parfum, surtout de vitamines, de sels
minéraux, à tel point qu’absorbé seul notre organisme ne pourrait pas
l’utiliser, le miel est un produit vivant, naturel, et si riche ! Cent
grammes de miel de composition moyenne renferment en effet : 77 grammes
d’hydrates de carbone, 1gr,20 de sels minéraux, 0gr,80
d’albuminoïdes, 21 grammes d’eau, des vitamines, de l’invertine, de
l’acide formique.
Les hydrates de carbone s’y rencontrent sous forme de
glucose et lévulose directement assimilables (le saccharose, au
contraire, doit subir des transformations au cours de la digestion pour donner en
définitive du glucose et du lévulose ; mais le rendement est loin d’être
total ; certains hygiénistes ont calculé que le rendement était seulement
de 20 p. 100 pour le sucre de betterave). C’est donc un aliment
énergétique de premier ordre. Les sels minéraux y sont en quantité
relativement faible, mais combien ils sont précieux ! C’est d’abord l’acide
phosphorique, indispensable aux cellules les plus nobles de
l’organisme : les cellules nerveuses ; puis la chaux, qui joue
un si grand rôle dans l’ossification ; enfin le fer, dont
l’importance est si considérable et qui, de la plante où il se trouve en
abondance, s’infiltre directement dans le miel ; les miels bruns surtout
en renferment des quantités fort appréciables.
Quant à l’invertine, sa présence dans le miel peut
étonner. L’invertine est, en effet, un produit sécrété par notre intestin, et
qui achève la digestion de certains aliments, en particulier des sucres ;
certains intestins paresseux, d’ailleurs, n’en sécrètent que très peu ou pas du
tout. Or le miel nous apporte cette précieuse et fragile invertine et constitue
ainsi un précieux auxiliaire pour nos organes digestifs.
Le miel contient en quantité des vitamines, et
particulièrement des vitamines antiscorbutiques, au point que certains
puériculteurs recommandent de rendre au lait bouilli ses éléments vitalisants
en y ajoutant du miel. Comment n’en serait-il pas ainsi d’ailleurs ? Le
miel est du sirop, de la gelée de fleurs ! Comme nous exprimons le jus des
fruits, les abeilles aspirent le suc des fleurs, liquide sucré et aromatisé,
mais impropre à la consommation et surtout à la conservation ; elles le
transforment dans leur mystérieux laboratoire, le rendent essentiellement
assimilable, y ajoutent une petite quantité d’acide formique qui assure
sa conservation et lui communique des propriétés médicinales. Le miel est en
effet un des rares produits qui se conservent presque indéfiniment (tout au
plus perd-il son eau par évaporation, petit à petit, et de liquide devient plus
épais et finit par se cristalliser) ; mieux encore : une denrée
périssable enrobée de miel se conserve aussi bien que si elle avait été
stérilisée par le procédé Appert ! Sait-on que les abeilles elles-mêmes
enrobent de miel le cadavre de petits animaux ayant pénétré dans la ruche et
évitent ainsi la décomposition bien désagréable du cadavre à l’intérieur de
leur demeure ? Tel apiculteur a trouvé ainsi dans une ruche le cadavre
d’un lézard parfaitement conservé.
Quel miel employer ? Le blanc ? Le brun ?
Cela dépend de vous.
Pour un estomac délicat, le miel blanc (sainfoin, trèfle,
acacia, romarin) convient parfaitement, mais il est un peu insipide. Le miel de
tilleul, un peu ambré, est moins doux, mais plus parfumé. Le miel très foncé
(bruyère, sarrasin, châtaignier), très riche en phosphates, très aromatisé, est
peu employé pour la table. C’est pourtant un aliment de premier ordre :
les paysans bretons en font des cures merveilleuses.
Comment utiliser le miel ?
Le plus simplement possible. Faites-en d’appétissantes
tartines pour vos enfants au petit déjeuner, au goûter. Si vous avez du beurre,
faites-leur de minces sandwiches, un côté enduit de miel, l’autre de beurre. Si
vous avez de la crème, mélangez une cuillerée à café de miel pour deux
cuillerées de crème, étendez le mélange sur des tartines de pain.
Ajoutez-le à toutes les boissons chaudes, de préférence au
sucre industriel : les infusions sucrées au miel sont particulièrement
recommandées dans le traitement des angines. Pour guérir les rhumes et empêcher
les quintes de toux, si désagréables pendant la nuit, prenez, le soir en vous
couchant, du lait très chaud sucré avec du miel et additionné de 12 à 15 gouttes
de teinture d’iode.
On conseille aussi contre le rhume le lait de poule au
miel : dans un bol, battre un jaune d’œuf avec une cuillerée à bouche
de miel. Verser dessus une tasse d’eau chaude, peu à peu et en battant, de
façon à ne pas cuire le jaune d’œuf. Au besoin, ajouter quelques gouttes d’eau
de fleur d’oranger ou de jus de citron.
Le miel, par ses vitamines et ses sels minéraux surtout, est
un reconstituant de premier ordre. Mamans, ne l’oubliez jamais !
A. PEYREFITTE.
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