Au cours de l’été dernier, l’attention des chasseurs a été
attirée sur l’existence d’une grave maladie sévissant sur les lièvres et les
lapins de garenne : la tularémie. Cette affection contagieuse, virulente
et inoculable, est commune à l’homme et à certaines espèces animales, les
lièvres, lapins sauvages et écureuils en particulier. Elle est due à un germe
ou microbe spécifique : le bacterium tularense, qui se transmet à
l’homme, soit directement par contact avec des animaux, des viandes et des
produits infectés, soit indirectement par piqûres d’insectes : tiques,
taons, punaises, etc.
Jusqu’en 1937, la tularémie était peu connue en France. Ce
n’est que l’apparition de quelques cas de transmission qui provoquèrent la
prise de l’arrêté du 8 octobre 1937 qui interdit l’importation en France
« des rongeurs domestiques et sauvages, vivants ou morts, ainsi que de
leurs peaux fraîches ou vertes, salées ou non, en provenance de l’U. R. S. S.,
de l’Autriche, de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie ». Il était dès lors
indiscutable que la tularémie constituait pour nous une menace et que, bientôt,
il nous faudrait sans doute compter avec elle, apprendre à la reconnaître et
lutter contre ses atteintes. Elle prit d’ailleurs une telle extension, ainsi
qu’on le verra plus loin, que le gouvernement, par décret du 10 juillet
1947, prescrivit la déclaration obligatoire de la tularémie, comme pour la
fièvre typhoïde ou la diphtérie : non pas que la tularémie soit
contagieuse de l’homme à l’homme, mais pour connaître l’étendue des régions
envahies. C’est ainsi que les directions départementales de la Santé, les
directions des Services vétérinaires et les conservations des Eaux et Forêts
ont été alertées dans différentes régions où la maladie a été constatée ;
Côte-d’Or, Aube, Haute-Marne, Hautes-Alpes, Doubs, etc.
Symptômes.
— Chez les rongeurs, le plus souvent atteints, la
maladie se manifeste par une diminution d’activité et de vigueur, la difficulté
de la marche, l’incoordination des mouvements, ainsi que par des attitudes ou
comportements anormaux. Les animaux conservent, en général, leur embonpoint.
Leur capture est rendue souvent possible du fait qu’ils se déplacent avec peine
et s’approchent volontiers des habitations. La mortalité peut être très
importante.
Chez l’homme, la tularémie se manifeste habituellement par
une ulcération au point d’inoculation, par exemple à la main, et l’apparition
de gros ganglions douloureux au coude et à l’aisselle, avec une fièvre assez
élevée. La vie du malade n’est généralement pas en danger, mais la perte des
forces est considérable et la convalescence longue : il n’est pas rare que
l’incapacité de travail dure six mois.
Après une période d’incubation qui varie de un à vingt
jours, la maladie peut évoluer sous quatre formes différentes, selon la région
par laquelle a pénétré le virus :
1° Ulcéro-ganglionnaire, comme dans l’infection par la main ;
2° Ganglionnaire, avec hypertrophie et tuméfaction ganglionnaire, sans lésion cutanée ;
3° Oculo-ganglionnaire, avec conjonctivite et petites ulcérations des paupières ;
4° Typhoïde, sans lésion cutanée ni ganglionnaire.
La reconnaissance formelle de la tularémie chez l’homme peut
être faite par un séro-diagnostic pratiqué dans un laboratoire spécial de
l’Institut Pasteur de Paris, sur un petit échantillon de sang du malade. Quant
au traitement, il rentre dans les attributions du médecin traitant.
En ce qui concerne le diagnostic de la maladie sur les
rongeurs trouvés dans les bois, vivants ou morts, il pourra être établi en se
conformant aux dispositions suivantes, édictées par la direction des Services
vétérinaires de la Nièvre :
La constatation, sur des lièvres ou des lapins, des signes
anormaux mentionnés ci-dessus et de toute mortalité doit, être immédiatement
portée à la connaissance des Services vétérinaires de la Nièvre. La découverte
de tout cadavre de gibier suspect et la capture de tout gibier malade
permettront de vérifier l’existence de la maladie par des examens de
laboratoire.
En ce qui concerne l’envoi des cadavres au laboratoire, il y
a lieu de prendre les précautions suivantes : les personnes appelées à
manipuler les animaux atteints de tularémie se protégeront les mains par des
gants de caoutchouc ou, à défaut, se serviront d’un instrument leur évitant le
contact direct.
Les gants, les pinces, sacs ou récipients ayant servi à
prendre ou à transporter lesdits animaux devront être désinfectés ou détruits
par le feu après usage.
Les cadavres devront être emballés de telle sorte qu’aucun
liquide ne puisse s’écouler à l’extérieur du colis. À cet effet, il sera
nécessaire d’utiliser une caissette en bois ou, mieux, en métal, et d’en caler
le contenu avec des fibres de bois, de la sciure ou toute autre matière
absorbante.
La mention « diagnostic de tularémie, dangereux »
devra figurer très apparemment sur la caissette, celle-ci étant enveloppée d’un
emballage portant l’adresse du destinataire.
Dans tous les cas où les délais de transport et les
conditions atmosphériques le permettront, l’expédition sera faite de préférence
à M. le Directeur du Laboratoire central de Recherches vétérinaires, 22,
rue Pierre Curie, Alfort (Seine), auquel seront envoyés en même temps
tous renseignements utiles concernant le lieu de prélèvement et les
constatations relatives à l’état sanitaire du gibier de la région. Une copie de
ces renseignements sera adressée sans délai à la direction des Services
vétérinaires de la Nièvre, à laquelle les intéressés feront également savoir la
date et la nature des envois.
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Nous avons cru devoir reproduire in extenso les
instructions si bien documentées de notre confrère, parues dans la presse de sa
région, avec l’espoir qu’elles pourront aplanir bien des difficultés que
peuvent rencontrer les chasseurs, les sociétés de chasse ou les gardes
particuliers.
Dans les conditions naturelles, la tularémie se propage
entre lapins et lièvres par la tique du lapin et la tique du chien. Chez
l’homme, une légère blessure cutanée favorise la pénétration du germe ;
elle est le plus souvent pratiquée par des fragments d’os de lapins tués à coup
de fusil, par le couteau, les épines, etc. Enfin le microbe peut franchir la
peau normale, infecter la conjonctive, sans qu’une blessure soit indispensable
pour permettre l’infection.
Nous souhaitons que, malgré toutes les recommandations
faites au cours de cette causerie, les chasseurs habitant les régions
contaminées ne se détournent pas de savourer un râble rôti ou surtout un civet,
car une cuisson suffisante fait disparaître tout danger.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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