La pêche de la perche, excellent poisson bien connu des
pêcheurs et qu’il est inutile de décrire, ne donne, en général, en été, que des
résultats fort modérés. C’est à partir de septembre que ce poisson mord le
mieux ; octobre, novembre et février sont les meilleures époques pour sa
capture, car il ne craint guère le froid et n’est jamais engourdi. Pour réussir
des prises sérieuses, il importe de ne pas ignorer ses lieux de station favoris
qui, en arrière-saison, sont les suivants : parties assez profondes des
rivières, au courant ralenti, voisinage des digues, des perrés ;
enrochements composés de gros blocs superposés et non maçonnés, où il trouve
d’admirables cachettes. D’excellents points à rechercher sont encore la
proximité des vieilles souches immergées, d’arbres morts tombés à l’eau, de
vieux pilotis moussus, des berges creuses ou crônes, où se voient des racines
enchevêtrées de buissons ou arbustes poussés tout contre les bords.
Un des genres de pêche spécial à la perche et relativement
peu connu, quoique fort productif par temps frais, est celui désigné des
pêcheurs sous le nom de pêche à la « branlette ». C’est un mode
demi-actif qu’il est bon de connaître.
La « branlette », qui tire son vocable de la façon
dont on s’en sert, consiste en un petit lingot de plomb, de forme pyramidale ou
tronconique, qui a la plus grande analogie avec ces petites sondes qu’emploient
les pêcheurs soigneux pour prendre le fond.
Sur son sommet, ce plomb est muni d’un petit anneau de
laiton ; quelquefois un simple trou transversal le remplace. Le poids de
cet accessoire varie de 20 à 50 grammes environ, selon les lieux où il
doit servir.
À l’anneau supérieur, ou au trou, est rattachée l’extrémité
inférieure d’un bas de ligne assez solide, fait de 1m,50 de florence
« Regular » ou « Fina », voire de crin japonais ou de
catgut de calibre moyen.
À 0m,50 environ au-dessus de la « branlette »,
est fixée latéralement au bas de ligne, par un nœud fait à rebours, une empile
plus fine, en général un brin de racine anglaise X ou 2X, de 0m, 15
de longueur, portant à son extrémité, attaché avec le plus grand soin, un
hameçon no 8 à tige longue, très pointu et acéré.
De cette façon, quand la « branlette » reposera
sur le sol de la rivière, l’appât qui le garnira sera flottant à 0m,35
du fond, ce qui est l’idéal pour prendre la belle perche qui, par eau froide,
se tient presque toujours à un niveau assez inférieur, où l’eau est plus douce,
mais qui éprouverait de la difficulté s’il lui fallait se saisir d’une esche
plaquée sur le fond même.
Le but qu’on se propose, en adoptant ce dispositif, est de
pouvoir produire, au moment du lancer à l’eau de l’appât ainsi qu’à celui où la
« branlette » touchera le fond, deux petits bruits assez distincts,
capables d’attirer l’attention de la perche sans l’effrayer et de la faire
accourir d’une certaine distance, qui atteint parfois jusqu’à 7 à 8 mètres,
ce qui ne pourrait être obtenu d’un mode silencieux.
L’hameçon est presque toujours esché d’un beau ver bien
rouge, parce que conservé dans la mousse humide depuis plusieurs jours ;
on peut aussi se servir d’une grappe de trois beaux asticots si l’on peut en
trouver, mais j’estime le ver supérieur quand l’eau est froide.
Le pêcheur, après avoir esché avec le plus grand soin pour
que son appât reste bien vivant, projette sa ligne à l’eau sans se préoccuper
du bruit que fera la « branlette » en touchant la surface ni du
second choc qui se produira quand elle touchera le fond, et, pour cela, il ne
retient pas sa ligne et laisse couler le plomb librement, en abaissant le scion
presque jusqu’à l’eau.
Il garde alors l’engin immobile pendant quelques instants
pour donner aux perches le temps d’arriver. Si, au bout de trois minutes,
aucune touche ne s’est produite, il relève sa « branlette » de 30 ou
40 centimètres et la laisse presque aussitôt retomber, soit à la même
place, soit un peu plus à gauche ou à droite du point de chute primitif.
Il répète cette manœuvre à plusieurs reprises, en commençant
près des bords pour aller de plus en plus au large jusqu’à bout de ligne.
Il est bien entendu que ces relevages successifs seront
exécutés en douceur, car un ver ne saurait résister à un tirage aussi rapide
que celui-imprimé au « poisson d’étain » par le pêcheur à la
« dandinette ».
Certains confrères remplacent la « branlette » en
plomb par une petite palette hexagonale nickelée et brillante, ou une ancienne,
balle Lebel en maillechort poli. Je n’ai pas trouvé, à l’essai, que les
résultats fussent supérieurs.
Quoi qu’il en soit, s’il y a des perches à proximité, leur
curiosité sera excitée par les bruits produits par le dispositif plus haut
décrit ; elles accourront, et la plus leste ou la plus forte s’emparera de
l’appât.
Si la ligne est munie d’un flotteur, celui-ci s’enfoncera,
et le pêcheur sera ainsi prévenu de la touche ; dans le cas contraire, le
tirage de la bannière se répercutera jusqu’à la main du pêcheur qui pourra
ferrer à bon escient. En tout cas, il devra s’abstenir de brutalité, car les
lèvres de la perche se déchirent pour un rien. L’épuisette est indispensable.
La pêche à la « branlette » est-elle une pêche à
la ligne flottante ?
Je ne le crois pas et pense que le pêcheur ne peut l’exercer
légalement que dans le lot de la société dont il fait partie ou dans les eaux
du domaine privé. Un avis d’un légiste compétent pourrait, seul, se prononcer
en connaissance de cause ; soyons donc prudents et méfions-nous toujours
d’un garde trop zélé.
R. PORTIER.
|