Accueil  > Années 1948 et 1949  > N°618 Février 1948  > Page 18 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

Pêche de la perche

À la branlette

La pêche de la perche, excellent poisson bien connu des pêcheurs et qu’il est inutile de décrire, ne donne, en général, en été, que des résultats fort modérés. C’est à partir de septembre que ce poisson mord le mieux ; octobre, novembre et février sont les meilleures époques pour sa capture, car il ne craint guère le froid et n’est jamais engourdi. Pour réussir des prises sérieuses, il importe de ne pas ignorer ses lieux de station favoris qui, en arrière-saison, sont les suivants : parties assez profondes des rivières, au courant ralenti, voisinage des digues, des perrés ; enrochements composés de gros blocs superposés et non maçonnés, où il trouve d’admirables cachettes. D’excellents points à rechercher sont encore la proximité des vieilles souches immergées, d’arbres morts tombés à l’eau, de vieux pilotis moussus, des berges creuses ou crônes, où se voient des racines enchevêtrées de buissons ou arbustes poussés tout contre les bords.

Un des genres de pêche spécial à la perche et relativement peu connu, quoique fort productif par temps frais, est celui désigné des pêcheurs sous le nom de pêche à la « branlette ». C’est un mode demi-actif qu’il est bon de connaître.

La « branlette », qui tire son vocable de la façon dont on s’en sert, consiste en un petit lingot de plomb, de forme pyramidale ou tronconique, qui a la plus grande analogie avec ces petites sondes qu’emploient les pêcheurs soigneux pour prendre le fond.

Sur son sommet, ce plomb est muni d’un petit anneau de laiton ; quelquefois un simple trou transversal le remplace. Le poids de cet accessoire varie de 20 à 50 grammes environ, selon les lieux où il doit servir.

À l’anneau supérieur, ou au trou, est rattachée l’extrémité inférieure d’un bas de ligne assez solide, fait de 1m,50 de florence « Regular » ou « Fina », voire de crin japonais ou de catgut de calibre moyen.

À 0m,50 environ au-dessus de la « branlette », est fixée latéralement au bas de ligne, par un nœud fait à rebours, une empile plus fine, en général un brin de racine anglaise X ou 2X, de 0m, 15 de longueur, portant à son extrémité, attaché avec le plus grand soin, un hameçon no 8 à tige longue, très pointu et acéré.

De cette façon, quand la « branlette » reposera sur le sol de la rivière, l’appât qui le garnira sera flottant à 0m,35 du fond, ce qui est l’idéal pour prendre la belle perche qui, par eau froide, se tient presque toujours à un niveau assez inférieur, où l’eau est plus douce, mais qui éprouverait de la difficulté s’il lui fallait se saisir d’une esche plaquée sur le fond même.

Le but qu’on se propose, en adoptant ce dispositif, est de pouvoir produire, au moment du lancer à l’eau de l’appât ainsi qu’à celui où la « branlette » touchera le fond, deux petits bruits assez distincts, capables d’attirer l’attention de la perche sans l’effrayer et de la faire accourir d’une certaine distance, qui atteint parfois jusqu’à 7 à 8 mètres, ce qui ne pourrait être obtenu d’un mode silencieux.

L’hameçon est presque toujours esché d’un beau ver bien rouge, parce que conservé dans la mousse humide depuis plusieurs jours ; on peut aussi se servir d’une grappe de trois beaux asticots si l’on peut en trouver, mais j’estime le ver supérieur quand l’eau est froide.

Le pêcheur, après avoir esché avec le plus grand soin pour que son appât reste bien vivant, projette sa ligne à l’eau sans se préoccuper du bruit que fera la « branlette » en touchant la surface ni du second choc qui se produira quand elle touchera le fond, et, pour cela, il ne retient pas sa ligne et laisse couler le plomb librement, en abaissant le scion presque jusqu’à l’eau.

Il garde alors l’engin immobile pendant quelques instants pour donner aux perches le temps d’arriver. Si, au bout de trois minutes, aucune touche ne s’est produite, il relève sa « branlette » de 30 ou 40 centimètres et la laisse presque aussitôt retomber, soit à la même place, soit un peu plus à gauche ou à droite du point de chute primitif.

Il répète cette manœuvre à plusieurs reprises, en commençant près des bords pour aller de plus en plus au large jusqu’à bout de ligne.

Il est bien entendu que ces relevages successifs seront exécutés en douceur, car un ver ne saurait résister à un tirage aussi rapide que celui-imprimé au « poisson d’étain » par le pêcheur à la « dandinette ».

Certains confrères remplacent la « branlette » en plomb par une petite palette hexagonale nickelée et brillante, ou une ancienne, balle Lebel en maillechort poli. Je n’ai pas trouvé, à l’essai, que les résultats fussent supérieurs.

Quoi qu’il en soit, s’il y a des perches à proximité, leur curiosité sera excitée par les bruits produits par le dispositif plus haut décrit ; elles accourront, et la plus leste ou la plus forte s’emparera de l’appât.

Si la ligne est munie d’un flotteur, celui-ci s’enfoncera, et le pêcheur sera ainsi prévenu de la touche ; dans le cas contraire, le tirage de la bannière se répercutera jusqu’à la main du pêcheur qui pourra ferrer à bon escient. En tout cas, il devra s’abstenir de brutalité, car les lèvres de la perche se déchirent pour un rien. L’épuisette est indispensable.

La pêche à la « branlette » est-elle une pêche à la ligne flottante ?

Je ne le crois pas et pense que le pêcheur ne peut l’exercer légalement que dans le lot de la société dont il fait partie ou dans les eaux du domaine privé. Un avis d’un légiste compétent pourrait, seul, se prononcer en connaissance de cause ; soyons donc prudents et méfions-nous toujours d’un garde trop zélé.

R. PORTIER.

Le Chasseur Français N°618 Février 1948 Page 18