Salon d’attente que ce dernier Salon. Sans grand éclat tant
sous l’angle technique que sous l’angle commercial. Les acheteurs en puissance
ont défilé désabusés, car on n’a pu encore cette année prendre les commandes.
L’exportation dévore la presque totalité de la production, et cette caricature,
parue dans une revue technique, situe particulièrement la position du marché
automobile ; elle représente un vendeur prolixe qui, se penchant vers des
acheteurs éventuels, type Français moyen, admirant une splendide limousine huit
cylindres sur laquelle est accroché l’écriteau : « Pour l’exportation »,
leur dit : « Et puis, madame, monsieur, nous avons un modèle
semblable pour le marché français avec ... propulsion à pédale. »
Comme elle est profonde cette réflexion, et comme elle est
triste aussi. Nous avons bonne mine, nous, Français, avec nos tacots
essoufflés, à côté de nos amis belges, hollandais, etc. (pour ne parler que de
ceux qui sont repartis aussi bas que nous), et qui conduisent de somptueuses
limousines longues comme des locomotives. Nous n’en demandons certes pas
autant, et notre ambition se borne à pouvoir acquérir des modèles légers de
facture bien française. On nous a dit, en haut lieu, que le marché national,
dans les jours à venir, ne serait plus oublié. Prenons acte.
Mais parcourons les stands. Nous répartirons, si vous le
voulez bien, les constructeurs en trois catégories. Ceux qui nous présentent
des prototypes dont la réalisation en série est assez problématique, à
savoir : Aérocarène, Bernardet, Boitel, Bugatti, Claveau, de Rovin,
Duhoux, Dolo, Grégoire, Irat, Julien. Les grands qui, jouissant de la
protection des dieux et de la répartition, ont exposé leur dernier-né, à
savoir : la Panhard-Dyna, la Peugeot 203, la 4 CV Renault, la
Simca-six. Les grands classiques qui n’exposent que des modèles déjà connus et
éprouvés, tels : Citroën, Delage, Delahaye, Ford, Hotchkiss, Renault,
Salmson, Simca (cinq et huit), Supertrahuit, Talbot.
Si vous aimez la mécanique d’avant-garde, les solutions
originales, alors penchez-vous vers les prototypes. Vous y verrez la 2 litres
Grégoire avec un refroidissement par eau conjugué avec une circulation d’air
canalisé, une suspension avant indépendante à flexibilité variable et ressort
hélicoïdal. Claveau nous a habitués depuis toujours à l’originalité, c’est un
poète de la mécanique ; sa commande hydraulique des soupapes est
remarquable sur sa 2l,300 à 8 cylindres en V. Naïves ou
révolutionnaires, telles apparaissent toutes ses solutions que nous rencontrons
sur les prototypes exposés. Voici Julien avec sa suspension arrière à ressort à
lames combiné avec un amortisseur à friction monté sur un bras métallique.
Julien encore avec sa glace de portière se rabattant à l’intérieur. La 1l,500
Bugatti n’est pas non plus en reste sous l’angle nouveautés techniques.
Aérocarène, comme son nom l’indique, nous apporte un air d’aviation avec sa
carrosserie sans portières, l’accès aux sièges se faisant en déplaçant sur deux
rails tout le capot avant, triplex et plexiglass constituant un ensemble d’où
la visibilité est totale et la transformation torpédo-conduite intérieure
presque instantanée.
Notons que la scission dans les prototypes est très nette.
Alors qu’Irat, Claveau, Bugatti et Grégoire optent pour des cylindrées
avoisinant 2 litres (lisez 140 à l’heure avec 10 litres aux 100),
Julien, Dolo, Boitel, Rovin, Aérocarène poussent leurs deux places restriction,
dites motocars. On note, avec 2 cylindres, la 684 centimètres cubes
Aérocarène, la 500 centimètres cubes Boitel, la 425 centimètres cubes de Rovin
et le quatre-cylindres 571 centimètres cubes Dolo.
Mais voyons les grands. Ici, c’est plus sérieux. La Dyna
Panhard, qui venait de naître au Salon 1946, commence à sortir en série. Son
moteur, qui possède 2 cylindres opposés avec 610 centimètres cubes, à
refroidissement par air et rappel des soupapes à l’aide de barres de torsion,
fourmille de solutions d’avant-garde que la route et l’usage mettront à rude
épreuve. Traction avant, avec combinaison de barres de torsion et d’amortisseurs
doivent assurer dans ce modèle une tenue de route excellente. Boîte de
4 vitesses, avec quatrième surmultipliée, complète le tout.
La 203 Peugeot, que nous n’avons pas eu d’ailleurs le loisir
d’étudier dans tous ses détails au dernier Salon, a soulevé l’intérêt du grand
public. Ici, on a voulu s’approcher de la voiture populaire à quatre places que
demande la majorité de la clientèle française. C’est un quatre-cylindres
classique à culasses hémisphériques pourvu de soupapes de grand diamètre.
Performances : 7l,500 d’essence aux 100 kilomètres, à 70
kilomètres-heure de moyenne avec quatre passagers et 80 kilogrammes de
bagages. Vitesse limite : 115 kilomètres-heure. La 203 ne fera son
apparition sur le marché que d’ici plusieurs mois ; sa ligne est moderne
et son visage nettement américain.
La 4 CV Renault est déjà une vieille connaissance.
Quelques privilégiés nous la font admirer. Son moteur 760 centimètres cubes est
à l’arrière, ainsi que les principaux organes : boîte trois vitesses,
pont, attaque des roues, radiateur, etc. C’est une véritable « chambre des
machines » qui se trouve ainsi isolée du compartiment voyageurs. Notons, à
titre indicatif, une des performances réalisées : Paris-Lyon (500 km.)
à 62 kilomètres-heure de moyenne avec 61,153 aux 100 kilomètres.
La chaîne s’est ébranlée. Encore un peu d’effort et beaucoup de patience.
La Simca-six, sœur de la Simca-cinq, a une physionomie, en
deux places, qui se rapproche assez de la précédente 4 CV Renault. Elle se
livre exclusivement en décapotable. Même cylindrée que la Simca-cinq avec
amélioration de la puissance grâce à une distribution par soupapes en tête
culbutées. Suspension à roues indépendante. Réservoir à l’arrière, avec, à
côté, dans un berceau spécial, la roue de secours.
Un mot sur nos « classiques ». Rien de particulier
sur la 686 Hotchkiss, 6 cylindres, 3.485 centimètres cubes, qui reste
toujours un châssis de grande classe avec ses 19 kilos au cheval. La S.-4 E
Salmson, double arbre à cames, boîte électro-magnétique Cotal, nous confirme
son haut rendement et sa tenue de route parfaite. Delahaye se classe dans le
groupe grand luxe, à excédent de puissance, avec son moteur 6 cylindres de
4l,500 et sa boîte Cotal. Talbot, toujours hors classe, enlève cette
année le Grand Prix de l’A. C. F. avec Chiron et nous présente à ce
Salon sa 4l,482 avec boîte présélective Wilson et suspension de
premier ordre. Ford attire nos regards avec sa 13 CV, moteur V 8 de
fabrication française, et sa petite Ford « Perfect », fabriquée à
Dagenham (Angleterre).
La construction étrangère est dignement représentée à ce
dernier Salon. Voici les Italiens, qui se débattent, eux aussi, avec les pires
difficultés, et qui nous présentent des châssis réussis avec Alfa-Roméo, Fiat,
Isotta, Lancia, Maserati. Les Anglais, dont l’effort est gigantesque avec
300.000 châssis en perspective cette année, nous ont envoyé comme
ambassadeurs : Austin, Bentley, Singer, Moriss, Wolseley, Riler, etc.
Enfin, les Américains, dont la participation cette année est brillante, nous
ont fait admirer le groupe de la Général Motors avec Cadillac, Chevrolet, Buick ;
la Chrysler Corporation, avec Chrysler, Dodge, de Soto ; le groupe F ord,
avec Lincoln ; les indépendants, tels que Nash, Packard, Hudson, Frazer.
Partout, pas de révolution. À part Studebaker et Kaiser- Frazer qui réalisent
des voitures 100 p. 100 d’après guerre, tous les autres modèles sont des
« classiques », agrémentés cependant par des améliorations de détail
ou des transformations de ligne extérieure.
G. AVANDO,
Ingénieur E. T. P.
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