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Cactus et plantes grasses

Les cactées et les plantes grasses sont de plus en plus appréciées comme plantes d’appartement, dans lequel elles se comportent admirablement et constituent des curiosités de tout premier ordre. Quelle progression en une cinquantaine d’années, puisque, dans le fameux Dictionnaire d’horticulture dont Mottet éditait une traduction en 1892-1893, il était dit que la culture des cactées est abandonnée en France !

Autrefois, on admettait surtout des Épiphyllums (je suis obligé d’employer les noms botaniques, car ils n’ont pas toujours de correspondants en français) greffés en saule pleureur au sommet d’une tige épineuse de Pereskia (cactée feuillue) ou svelte de cierge rostré. Également des Phyllocactus, aux fleurs d’une rare beauté, que, dans les campagnes, on palissait sur des armatures en forme de raquette, en les hivernant derrière les fenêtres des maisons villageoises pour jouir de leurs floraisons splendidement généreuses sur des sujets aussi âgés que robustes et d’une incomparable vitalité, mais aux amyles, grasses, soyeuses et brillantes corolles si fugaces.

Le Muséum d’Histoire naturelle de Paris (Jardin des Plantes) a, sans doute pour aviver encore le goût de ces plantes étranges et d’un galbe si moderne, organisé dernièrement une fort curieuse exposition de ces étonnantes cactées.

J’ai revu ces serres de cactées avec plaisir. Elles m’ont rappelé une phase de ma jeunesse, au cours de laquelle, stagiaire dans les serres du Muséum, on m’avait promu à l’âge de dix-sept ans chef des serres de cactées ! Je pouvais les étudier à loisir, étiquetées et disposées derrière une rangée d’une fine et brillante graminée retombante d’un vert doux et luisant qui a nom Isolepis gracilis (encore un nom botanique que les jeunes jardiniers avaient traduit en français d’un nom que je ne puis vraiment imprimer). Presque chaque jour venait le Dr Weber, le grand spécialiste cactophile des Rhipsalis, une cactée aux tiges toujours charnues, filiformes, grêles, longues, multiples, ramifiées, donnant de minuscules fruits, rappelant les baies du gui, qui identifiait, classait, nommait toutes les sortes importées. Les visiteurs étaient rares, car ces plantes, qui font fureur aujourd’hui, n’intéressaient personne. Seul un horticulteur en possédait à Paris.

Les grands cierges du Pérou (Cereus peruvianus) étonnaient (mais n’attiraient pas), étonnent toujours par leur taille, plus encore lorsqu’on les voit dans le fameux jardin des Cactées de Monaco, sans doute unique au monde. Mais plus curieux encore est le fameux cierge de vieillard (Pilocereus senilis), constamment coiffé d’une énorme perruque d’un blanc argenté, vraie chevelure de vieillard chenu !

Au moins aussi curieux sont les très prestigieux Echinocactus Grusoni (encore un nom latin !), véritables mappemondes hérissées d’énormes épines jaunes, acérées, et qui, plus que la grenouille, peuvent imiter sans éclater le bœuf gras dont elles surclassent l’ampleur de la panse ! Toutes ces cactées, originaires, pour la plupart, des pampas arides du Mexique, des montagnes Rocheuses, etc., atteignent à Monaco les tailles géantes de celles sauvages. Il en est de même des fameuses « raquettes » de Figuier de Barbarie que sont les Opontias (Opuntia) de l’Afrique du Nord. Ces cactées ont leurs imitateurs dans les rébarbatives Euphorbes tentaculaires, qui, à la moindre entaille, à la moindre piqûre, sécrètent un latex blanc, épais, qui est un poison violent. Il s’ajoute les Agaves, qui, dans la zone méditerranéenne, expriment le chant du cygne lorsqu’elles lancent dans l’espace leurs si pittoresques inflorescences qui montent jusqu’à 6 à 8 mètres de haut, étalant, superposant tout au sommet d’une tige aussi volumineuse que le tronc d’un peuplier de huit à dix ans des ramifications dont les fruits rappellent la forme de minuscules bananes. Elles disparaissent après cet effort, mais des jets surgissent à leur base et dans les gousses se pressent des semences pas toujours fertiles !

Et puis, il y a les Aloès aux espèces multiples, à la sève noire, aux fleurs de couleur de feu.

Également les calmes Écheverias, aux feuilles épaisses, étalées comme de grandes oreilles et charnues, douces comme du satin, dont une sorte, l’Echeveria metallica, lance de superbes reflets métalliques !

Et, le saviez-vous ? il existe des espèces d’Opontias rustiques de rochers traitées comme les plantes saxatiles montagnardes !

Si les cactées possèdent des espèces géantes qui dépassent en hauteur le roi de nos forêts, elles recèlent aussi des espèces minuscules, d’un faciès étonnant, qui rampent sur le sol comme des serpents ; d’autres encore que vous prendriez pour de tout petits et inertes cailloux roulés et qui sont des végétaux pleins de vie.

Qu’il s’agisse de ces espèces minuscules ou de celles atteintes de gigantisme, mais qui, dans leur jeunesse nanifiée, se comportent admirablement dans l’appartement dans des pots de 5 à 10 centimètres de diamètre, à condition que vous les teniez en pleine lumière, vous n’avez pas pour cela à les contraindre, ainsi que le font les Japonais pour leurs arbres nains qui, à l’âge de cent, deux cents, trois cents ans, tiennent encore dans un pot de 15 à 20 centimètres de diamètre ! Mais il vous plaira, certes, de posséder ces plantes robustes, résistantes, curieuses, originales, à traiter sans contrainte, que vous verrez s’amplifier, toujours bienvenantes et si faciles à soigner, à condition que vous ne leur ménagiez pas la lumière et que vous ne les priviez pas d’arrosages sous le prétexte que ce sont des plantes désertiques. Encore qu’elles supportent, grâce à leurs réserves, de la substance pour demeurer turgescentes et pleines de vie si, parfois, vous oubliez de leur donner à boire.

Vous lirez prochainement quelles sont les sortes que vous pouvez utilement choisir et graduellement comment les soigner en appartement toute l’année et, si vous le désirez, dans le jardin en été.

A. DE BRETEUIL.

Le Chasseur Français N°618 Février 1948 Page 30