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Le commerce des chevaux

Le commerce des animaux domestiques, des chevaux en particulier, qu’il s’agisse de ventes ou d’échanges, a été, de tout temps, une source inépuisable et sans cesse renouvelée de discussions, de contestations et finalement de procès, dont quelques marchands se sont fait une spécialité ... peu recommandable.

Malgré les codes et les lois, que nul ne devrait ignorer, il est fort difficile, au point de vue juridique, de se faire une opinion dans tous les cas de litige.

Suivant les circonstances, les conventions et les individus, les paroles ou les écrits échangés, il se produit autant de cas d’espèce, se présentant sous des aspects tellement différents tellement embrouillés, que bien souvent les juges eux-mêmes n’arrivent pas à se mettre d’accord « pour en connaître ».

D’une manière générale, le vendeur a pour obligations principales de délivrer et de garantir la chose (ou l’animal) qu’il vend (art. 1603 Code civil). La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur (art. 1604, ibid.).

Quant à la garantie que le vendeur doit à l’acquéreur, elle a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires (art. 1625, ibid.).

Si, lors de la vente, aucune stipulation n’est faite au sujet de la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet et non déclarées lors de la vente (art. 1626, ibid.).

Les parties peuvent, par des conventions particulières, ajouter à cette obligation de droit ou en diminuer l’effet ; elles peuvent même convenir que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie (art. 1627, ibid.). Mais il est bon de spécifier que ces conventions ne doivent pas être faites en paroles ... qui s’envolent, mais consignées, en bonne et due forme, par écrits ... qui restent et peuvent être de précieux témoignages à produire devant les tribunaux.

Les articles 1602 et suivants du Code civil obligent le vendeur à expliquer clairement ce à quoi il s’engage, en le prévenant que toute convention ambiguë ou obscure sera interprétée contre lui.

Le vendeur doit délivrer l’animal dans le même état où il a été vendu (pas de toilette intempestive, pas d’écourtage de queue, pas de suppression de crinière, etc.), la délivrance étant faite sur le lieu où l’animal se trouvait au moment de la convention, s’il n’y a pas eu d’entente préalable lors de la vente. Si cette délivrance n’est pas faite en temps voulu, l’acquéreur peut demander la résolution de la vente et même faire condamner son vendeur à des dommages et intérêts, s’il en est résulté un préjudice quelconque pour l’acheteur. À noter tout spécialement (art. 1138, ibid.) que l’obligation de livrer l’animal est parfaite, par le seul consentement des parties contractantes. Elle rend l’acheteur propriétaire et met l’animal à ses risques dès l’instant où il aurait dû être livré, encore que la tradition n’en ait été faite, à moins que le vendeur ne soit en demeure de le livrer et ne l’ait pas fait, auquel cas l’animal reste au risque de ce dernier.

En ce qui concerne les défauts cachés ou vices rédhibitoires, pour lesquels existe une loi spéciale, que nous verrons plus loin, deux sortes de garanties peuvent être appelées à jouer : la garantie de droit, qui existe sans convention spéciale dans toutes les ventes, et la garantie de fait, qui résulte d’une décision spéciale du vendeur, donnant volontairement des garanties supplémentaires à son acheteur.

L’article 1641 du Code civil donne cette excellente définition des vices rédhibitoires, s’adaptant parfaitement à ceux énumérés dans la loi et aussi à quelques autres, pouvant fournir matière à procès ; l’article est ainsi libellé : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de l’animal vendu qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur n’en aurait pas donné le prix ou qu’il n’aurait pas conclu le marché. »

Le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie. Par contre, il n’est pas tenu des vices apparents dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même (art. 1642, ibid.).

En matière de vente et d’échanges d’animaux domestiques, les droits et obligations des parties contractantes sont fixés par la loi du 2 août 1884, qui dit dans son article 2 :

« Sont réputés vices rédhibitoires et donnent seuls ouverture aux actions résultant des articles 1641 et suivants du Code civil, sans distinction des localités où les ventes et les échanges auront lieu, les maladies ou défauts ci-après, savoir :

» Pour le cheval, l'âne et le mulet : l’immobilité ; l’emphysème pulmonaire (pousse) ; le cornage chronique ; le tic proprement dit, avec ou sans usure des dents ; les boiteries anciennes intermittentes ; la fluxion périodique des yeux. »

L’action en réduction de prix, autorisée par l’article 1644 du Code civil, ne pourra être exercée dans les ventes et échanges d’animaux énoncés à l’article ci-dessus lorsque le vendeur offrira de reprendre l’animal vendu, en restituant le prix et en remboursant à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente.

S’il n’y a pas d’arrangement possible (et notons en passant qu’un médiocre arrangement vaut souvent mieux qu’un bon procès !), le délai pour intenter l’action rédhibitoire est de neuf jours francs, non compris le jour fixé pour la livraison, excepté pour la fluxion périodique, pour lequel ce délai est fixé à trente jours francs, dans les mêmes conditions.

Quel que soit le délai pour intenter l’action, l’acheteur, à peine d’être non recevable, doit provoquer dans les délais ci-dessus indiqués la nomination d’experts chargés de dresser procès-verbal ; la requête sera présentée, verbalement ou par écrit, au juge de paix du lieu où se trouve l’animal ; ce juge constatera dans son ordonnance la date de la requête et nommera immédiatement un ou trois experts qui devront opérer dans le plus bref délai, donneront leur avis et affirmeront par serment, à la fin de leur procès-verbal, la sincérité de leurs constatations.

Si l’animal vient à périr avant la demande en garantie, le vendeur n’est responsable que si l’acheteur établit que la perte de l’animal provient de l’une des maladies prévues par la loi.

Si la perte a lieu après la demande en garantie, l’acheteur conserve tous ses droits, même si l’animal a péri pour une cause étrangère au vice en litige.

Au demeurant et pour conclure, nous conseillons aux futurs acheteurs de chevaux de se souvenir de se méfier avant l’achat, et d’être des observateurs très attentifs et très clairvoyants dès qu’ils auront un nouvel animal dans leur écurie, car un cheval n’est jamais si beau que le jour où on l’achète.

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°618 Février 1948 Page 34