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Philatélie

Imperio do Brasil (1843-1889)

Les premières émissions du Brésil, celles de la période du débonnaire empereur don Pedro, appartiennent à la grande famille des classiques de la philatélie. Non que les émissions postérieures de la République ne présentent aucun intérêt — au contraire ! — mais les variétés qu’elles offrent ne sont guère connues et recherchées en dehors du Brésil même. Tandis que les « chiffres » ou les « don Pedro » font partout l’objet de spécialisations avancées, en particulier en Grande-Bretagne et aux États-Unis, où de grandes collections universellement connues rivalisent en importance avec celles des amateurs brésiliens.

Depuis quelques années, et récemment encore plus, le Brésil est devenu très populaire chez nos philatélistes. Malheureusement, cette mode n’est pas exempte d’idées extra-philatélistes, trop souvent ces néo-spécialistes ayant surtout en vue un placement apparenté au dollar et moins onéreux que par l’intermédiaire des timbres américains proprement dits. Nous ne discuterons pas de stratégie financière, encore que ces questions fassent de plus en plus dévier la philatélie, mais nous nous permettons quand même de trouver que des achats de timbres brésiliens, à des prix qui, par rapport à ceux pratiqués à New-York en ventes publiques, font ressortir le dollar entre 5 et 600 francs, constituent des placements de sécurité bien curieux ! Sans parler des variétés même pas mentionnées dans les ouvrages spécialisés et vendues trois ou quatre fois ces prix de base, déjà exagérés. Ces excès financiers mis à part, les vieilles émissions du Brésil n’en restent pas moins très intéressantes et offrent encore à l’étudiant un grand champ de recherches, aussi bien dans la spécialisation planchage que dans celle relative à l’utilisation postale et aux oblitérations.

La première émission, les fameux « Œils-de-bœuf », date de 1843. Ce fut la seconde émission de timbres-poste créée par une administration centrale, immédiatement après les fameux penny de Grande-Bretagne. Il est curieux de constater que cette invention du timbre-poste, qui devait rendre de tels services, ait été comprise et appréciée par un pays de type féodal agricole, comme l’était le Brésil de 1840, bien avant des nations commerciales et industrielles importantes comme la Hollande, la Prusse, la France.

Quoi qu’il en soit, malgré leur siècle d’existence bien compté, les « Olho de Boi » offrent encore de nombreux mystères philatéliques non résolus. Tout d’abord, l’origine du dessin et surtout l’origine du fond de sûreté, composé d’un guillochis de fines lignes blanches, selon un procédé alors connu des seuls graveurs américains (lathework) et qui se retrouve dans la plupart des premières émissions américaines et britanniques. Ensuite le planchage, qui présente encore de nombreuses lacunes.

Les spécialistes sont d’accord pour admettre l’existence de six planches d’Œils-de-bœuf. Les deux premières, celles de 1843, étaient composées chacune de trois panneaux superposés de dix-huit timbres de chaque valeur, par trois rangées horizontales de six. (Les paires verticales montrant deux valeurs différentes sont de toute rareté.) Chacune de ces planches est connue en quatre états différents, correspondant aux différentes retouches effectuées à la monnaie de Rio-de-Janeiro. Les planches suivantes furent tirées par valeurs. Deux pour le 30 reis (54 et 60 empreintes) et deux aussi pour le 60 reis, chacune de soixante unités. Ces trois planches de soixante étant connues chacune en deux états, un rapide calcul nous apprend que le planchage complet des Œils-de-bœuf représenterait 846 positions : ce qui, au prix actuel des timbres, n’est vraiment pas à la portée d’un philatéliste même moyen.

Contrairement à ce que l’on croit en France, les multiples de cette émission ne constituent pas des raretés introuvables. Non seulement l’on connaît de nombreuses paires, sur lettres ou détachées, mais encore des blocs importants et même des panneaux entiers. Dans cet ordre d’idées, les premières émissions des États-Unis, du Canada, de l’Argentine et d’autres républiques américaines sont beaucoup plus rares. Cette survivance de pièces aussi importantes est curieuse. Peut-être faut-il en chercher la raison dans l’absence de grosses valeurs, ce qui obligeait à employer une grosse quantité de figurines pour le règlement de tout port sortant de l’ordinaire. Et comme, d’autre part, les timbres, vu leur format peu banal, ne pouvaient guère être utilisés en certain nombre du côté de l’adresse, l’habitude vint d’affranchir les lettres au verso, ce qui permettait l’usage de larges blocs.

Pas mal de faux, mais sans aucun danger pour le collectionneur disposant de bons documents. Toutes ces imitations sont lithographiées : ce qui ne constitue pas précisément un procédé de choix pour rendre les gravures. Le fond guilloché est régulièrement plus que raté. (Ce vieux procédé du « lathework » est encore employé avec succès aux États-Unis contre les faussaires en banknotes ou en valeurs mobilières.) De plus, les volutes ornementales des chiffres ne correspondent que de très loin avec les originales, certaines même, dans le 30 reis par exemple, occupant une tout autre position.

Se méfier des réparations, en particulier pour les multiples, lesquels furent souvent abîmés lors de l’ouverture des lettres, la nature des papiers employés pour l’impression des Œils-de-bœuf permettant d’adroits « stoppages » assez difficilement discernables. Enfin ne payer de primes pour les timbres sur lettres qu’en connaissance de cause, les truquages étant très nombreux.

M.-L. WATERMARK.

Le Chasseur Français N°618 Février 1948 Page 47