De nombreux lecteurs nous demandant à chaque saison comment
employer au mieux les chevrotines, nous sommes obligé de revenir plus ou moins
périodiquement sur cette question. Il nous est, en effet, impossible de
renvoyer nos lecteurs à la dernière édition de Balistique cynégétique
actuellement épuisée, et, en attendant son remplacement par une nouvelle, nous
allons donner aujourd’hui les indications d’ensemble réclamées.
Voici, d’abord, ce que nous fournit le commerce en fait de
projectiles intermédiaires entre la balle et le plomb ordinaire :
Calibre 12 |
Numéros |
2 |
4 |
6 |
8 |
Poids Diamètre Nombre de grains par rangs Nombre de rangs |
3gr,70 8mm,65 3 3 |
2gr,70 7mm,65 4 3 |
1gr,90 6mm,80 5 3 |
1gr,40 6mm,20 7 3 |
Calibre 16 |
Numéros |
3 |
5 |
7 |
9 |
Poids Diamètre Nombre de grains par rangs Nombre de rangs |
2gr,87 7mm,90 3 3 |
2gr,00 7mm,05 4 3 |
1gr,50 6mm,30 5 4 |
1gr,10 5mm,65 7 4 |
On voit immédiatement, à l’inspection de ce tableau, que le
nombre de projectiles contenus dans la cartouche varie comme suit :
— entre 9 et 21, avec un poids total d’environ 33 grammes,
en calibre 12 ;
— entre 9 et 28, avec un poids total de 25 à 30 grammes,
en calibre 16.
Bien entendu, les différents numéros classés ci-dessus ont
été étudiés pour fournir des rangs complets dans le diamètre exact de la
douille normale, tout en se tenant au voisinage du poids de la charge
correspondant au calibre.
On sait, d’autre part, d’après les travaux du général
Journée sur la pénétration des projectiles et leur puissance de choc, que les
chevrotines de 8mm,65 sont susceptibles de briser sûrement les os
d’un sanglier de 90 kilogrammes à 20 mètres et de 70 kilogrammes
à 40 mètres ; quant aux chevrotines de 7mm,90, elles
agissent utilement sur un animal de 70 kilogrammes à 20 mètres et de
55 kilogrammes à 40 mètres. On voit ici la supériorité du calibre 12
sur le calibre 16 dans ce genre de tir.
En dehors de la pénétration, il y a lieu d’examiner le
groupement dans le tir des chevrotines. Étant donné que le diamètre du cercle
circonscrit au rang de ballettes est précisément égal au diamètre intérieur de
la douille, il y a un premier forcement au passage du cône de raccordement de
la chambre au canon ; il y a un deuxième forcement au passage du choke.
Non seulement ce genre de forage n’agit pas comme dans le cas de la menue
grenaille, mais il tend plutôt à augmenter la dispersion, par suite de la
déformation des projectiles. Des lecteurs nous ont signalé une dispersion
qu’ils jugent excessive avec certains canons très rétrécis à la bouche :
il n’y a d’autre remède que l’essai de projectiles d’un diamètre légèrement
inférieur, avec calage dans la douille par une substance pulvérulente (sciure
de bois dur, os en poussière, fécule), et non au moyen de suif ou de paraffine,
dont l’emploi fait monter la pression.
Dans un canon lisse, le tir est généralement plus régulier.
On peut encore diminuer la dispersion par l’emploi de chevrotines attachées les
unes aux autres au moyen de fils métalliques fins et résistants ; on peut
également loger la charge dans un concentrateur tubulaire dont les dimensions
sont à peu près celles de la douille du calibre inférieur, ce qui permet
d’employer les chevrotines correspondant exactement à ce dernier calibre.
Quelques essais permettront du chasseur de déterminer ce qui
convient le mieux à son arme et à la distance à laquelle il en fait
habituellement emploi.
En ce qui concerne la charge de poudre, il convient de ne
pas s’écarter des charges normales employées dans le tir à plombs, étant
entendu que l’on n’augmentera pas le nombre de projectiles de manière à
dépasser le poids de la charge ordinaire du calibre.
Nous terminerons par quelques réflexions sur l’emploi des
chevrotines. Étymologiquement, ces projectiles semblent avoir été créés en vue
du tir du chevreuil, et il est probable qu’ils n’ont existé à l’origine que
dans leurs plus petits numéros. D’autre part, les anciens auteurs cynégétiques
ne parlent guère que du tir à balle dans le cas du sanglier. Actuellement,
balles et grosses chevrotines se partagent la faveur des chasseurs pour le
sanglier, et on ne tire plus guère le chevreuil qu’avec de gros plombs (0, 1, 2) ;
il tombe d’ailleurs très bien avec du 4 ; en cas de besoin, ne pas hésiter
à employer ce numéro, à la condition de tirer en tête, dans la région du cou.
En forêt, lorsque l’on peut avoir l’occasion de tirer à
l’improviste un chevreuil, un renard ou un sanglier, on se trouvera bien de
mettre à droite du plomb no 0 et à gauche des chevrotines no 6
en calibre 12 et no 7 en calibre 16. Tirées d’assez près,
ces deux dernières munitions feront encore d’assez sérieuses blessures à un
sanglier moyen. Si l’on est certain d’avoir à tirer exclusivement le sanglier,
il vaut mieux recourir aux grosses chevrotines et à la balle de calibre.
Ne pas hésiter à employer pour les cartouches la meilleure
qualité de douilles possible, car la conservation de ce genre de munitions
demande à être assurée souvent pendant plusieurs années. On évitera ainsi
certains déboires au moment de l’emploi.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
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