Accueil  > Années 1948 et 1949  > N°619 Avril 1948  > Page 58 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

Un destructeur

Le chat

Je ne m’attarderai ni à la description de l’animal, ni aux questions sentimentales qu’il pourrait soulever. Il faut admettre que cet animal, dès qu’il a pris l’habitude de passer ses nuits dehors, doit être coté comme maraudeur et traité en conséquence. Le chat est plus nuisible que la plupart des animaux classés comme tels. Il faut voir ses marches d’approche savantes, ses affûts interminables et les bonds dont il est capable, pour comprendre tout le mal que le chat peut faire au gibier et aux petits oiseaux, si utiles à l’agriculture. Or on peut admettre que sur 100 chats de campagne, 80 sont des maraudeurs, malgré leurs allures de bons apôtres.

Fort heureusement, le garde qui fait son méfier se charge aisément de les éclaircir rapidement. Il dispose à cet effet des boîtes et des pièges.

Les boîtes placées sur les sentiers à fauves entretenus correctement, c’est-à-dire nettoyés des feuilles et maintenus secs, prennent sans difficulté tous les chats qui se présentent. J’ai remarqué qu’un chat qui a été pris une fois dans une chattière n’y revient que rarement. Doit-on amorcer les boîtes ? Je n’en vois pas l’utilité, mais la chose est parfaitement admissible pour cet animal. On a alors le choix entre le poisson ou la tripaille de poulet ou de lapin. Les décoctions de valériane à dose d’une poignée de racines pour un litre d’eau attirent nettement ces animaux dans les boîtes. Donc pas de difficultés pour la capture des chats à l’aide des boîtes.

Du côté des pièges, il n’en existe guère non plus. Le chat n’est pas un animal méfiant. Son odorat est moyen ; on fera donc bien de piéger pas trop loin des sentiers de piégeage, je devrais dire sentiers à fauves, puisqu’il a été convenu que, sur ces sentiers, on ne doit jamais trouver de pièges, ceci pour le grand bien du gibier qui les emprunte également. Donc piégeage avec appât à quelque 5 à 10 mètres du sentier.

La plus grande partie des procédés de piégeage conviennent au chat. Nous trouverons le jardinet, dont il est un client habituel, le piégeage au pendu, le piégeage à la traînée, aux appâts fragmentés, au portique, etc.

Ce dernier genre de piégeage a fait l’objet d’un article spécial dans Le Chasseur Français de novembre 1939. Il offre le gros avantage de ne menacer en rien le gibier.

Étant donné l’odorat moyen du chat, il est bon de l’amener au piège par une courte traînée et, de plus, d’exciter sa curiosité par une touffe de plumes blanches en automne, noires par neige, ou en pendant un petit oiseau (moineau) à environ 80 centimètres du sol. Le piège se trouve alors placé à 20 centimètres de la verticale de l’oiseau et du côté où doit arriver le maraudeur. On guide au besoin cette arrivée à l’aide de petits brins de bois piqués dans le sol, ou couchés. L’emploi de ronces ou d’épines est ce qui convient le mieux pour ce travail. Si l’on veut « fignoler » la tendue, ou complète le dispositif à l’aide d’une branchette de 1 centimètre de diamètre posée ou, mieux, piquée en oblique dans le sol, à 5 centimètres du sol et à 10 centimètres en avant du piège. Bien entendu, on se trouvera bien d’observer toutes les règles relatives à la tendue d’un piège, car on peut toujours avoir la surprise de trouver un tout autre animal pris dans le piège, putois, fouine, renard même.

Il vaut toujours mieux prendre le maximum de précautions que d’avoir un raté regrettable, dû à une négligence si facile à éviter.

Le piégeage du vrai chat sauvage demande l’observation stricte des règles de tendue. Il faut, en outre, piéger avec un piège solide de la taille de ceux réservés aux renards. La tendue des pièges se fait alors dans les cantons de forêt occupés par ces animaux. Ces cantons sont généralement très fourrés et parsemés de rochers. Comme le chat domestique, le chat sauvage est très régulier comme itinéraire et comme horaire. Mais il n’y a pas moyen de confondre les deux animaux quand on a eu en mains un échantillon de vrai chat sauvage. L’animal est beaucoup plus gros, plus haut sur pattes, sa queue est en forme de massue, annelée de raies noires au nombre de 3 pleines et de 3 ou 4 demi-circulaires ; le bout en est noir. L’ensemble est fauve, plus ou moins nuancé de gris et rayé. L’empreinte de la patte est de la taille de celle du renard, mais, point capital, les griffes sont absentes. L’animal pris au piège est excessivement agressif. Le chat sauvage est l’hôte des grands massifs forestiers. C’est un terrible destructeur de gibier, chassant aussi bien à terre que sur les branches et même s’intéressant à la pêche.

Mais, dans l’ensemble, son piégeage diffère peu de celui du chat domestique.

Une remarque en passant. Il arrive fréquemment que les matous, lorsqu’ils deviennent vieux et que les dents leur tombent, se mettent à détruire les pigeonneaux au nid et à prendre les petits poussins. Les chattes, par contre, n’attendent pas l’âge mûr pour rapporter des lapereaux et des levrauts à leurs chatons. Le plus curieux de l’affaire est que cet apport se fait quelle que soit la nourriture donnée à ces bêtes par leur propriétaire. J’en ai connu de bien grasses et fort bien nourries qui apportaient régulièrement leurs captures à leurs chatons, ce qui semble bien une renaissance atavique des habitudes ancestrales.

A. CHAIGNEAU.

Le Chasseur Français N°619 Avril 1948 Page 58