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La conservation des fruits

par la mousse

Ce procédé de conservation, relativement nouveau, tend actuellement à se répandre chez les producteurs de fruits de commerce.

Il a été imaginé par un ingénieur suisse, M. Krebser, après constatation par celui-ci des excellents résultats obtenus grâce à un emballage dans la mousse humide de plantes des régions tropicales expédiées en Europe.

M. Krebser a, tout d’abord, réalisé une notable amélioration pour la conservation des fruits, dans sa propriété personnelle située dans le Valais, en pratiquant de diverses façons des trappes de ventilation et en disposant de différentes manières de la mousse dans les locaux affectés à cette conservation. Il a ensuite étendu ses essais dans les caves à fruits et à fromages de l’Union des coopératives de Sion, également dans le Valais.

Au début, la technique consistait simplement à disposer des couches de mousse humide provenant soit des bois, soit des marais, sur le sol du local (en recouvrant cette mousse d’une sorte de plancher à claire-voie), ainsi que sur un faux plafond en fibro-ciment présentant des solutions de continuité pour permettre l’humidification de la mousse. Des cheminées d’aération et des trappes de ventilation permettaient, selon la température extérieure, ou de profiter au mieux de celle-ci pour renouveler l’air — soit dans le local tout entier, soit seulement sur les lits de mousse en circuit ouvert — ou bien de tenir le local complètement isolé de l’extérieur. Des perfectionnements furent, peu après, apportés à cette technique. Ils consistèrent dans l’addition de ventilateurs et de gaines de conduite de l’air afin d’assurer une douce ventilation en circuit fermé, l’air circulant alternativement sur la mousse et sur les fruits ou autres produits entreposés.

Plus tard encore, M. Krebser imagina de rassembler la mousse dans des cylindres faits avec du grillage, suspendus verticalement le long des parois du local, ceci présentant, entre autres avantages, celui de réduire l’encombrement sans pour cela modifier le principe de la circulation de l’air sur la mousse et les denrées entreposées. D’autre part, l’humidification fut réalisée à l’aide d’eau aussi froide que possible et le local lui-même eut des parois isolantes de façon à permettre d’y conserver une basse température variant entre + 5 et + 8° C. Ces améliorations donnèrent d’excellents résultats, supérieurs même à ceux obtenus en frigorifiques, particulièrement en ce qui concerne la conservation du poids et des qualités spéciales des fruits et notamment de leur saveur.

Au dernier congrès de la Société pomologique de France, tenu à Perpignan en septembre dernier, M. Chouard, professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, faisait part des conclusions qu’il pensait pouvoir dégager d’un certain nombre d’expériences de caractère scientifique qu’il avait entreprises, en collaboration avec MM. Castan et André Faure et Mme Lamit, dans le but de chercher à élucider les différents modes d’action des éléments mis en œuvre dans le procédé Krebser. Ces conclusions peuvent se résumer comme suit :

a. La mousse agit comme régulateur d’humidité de l’atmosphère du local où elle se trouve, absorbant l’excès d’humidité lorsqu’elle est en contact avec de l’air plus humide, restituant, au contraire, celle-ci lorsque l’air est trop sec.

En mouillant la mousse, il devient donc possible de réaliser, à peu de frais, une atmosphère suffisamment humide pour éviter les pertes de poids des fruits, mais pas trop humide cependant, ce qui aurait pour effet de favoriser le développement des moisissures.

b. La mousse agit, dans une certaine mesure, pour abaisser la température et surtout la régulariser. — En effet, au contact de l’air sec, l’eau qui se trouve à la surface de la mousse s’évaporant et provoquant ainsi un refroidissement, il est possible, par un jeu bien étudié des circuits de ventilation du local de conservation garni de mousse, d’abaisser la température de celui-ci au niveau de celle du thermomètre humide du psychromètre. Mais il est impossible de la faire descendre davantage, à moins d’arroser la mousse avec de l’eau très froide ou de faire intervenir une installation frigorifique annexe.

c. La mousse, à condition d’être vivante, agit comme absorbant de différents gaz, notamment, en ce qui concerne les fruits, de l’aldéhyde éthylique et de l’éthylène produits par ces fruits, qui contribuent à accélérer leur maturation. Du fait même de cette absorption, les phénomènes de maturation se trouvent ralentis, et les fruits se conservent plus longtemps.

Ce dernier point a, d’ailleurs, tout récemment été contesté par M. Kessler, de la Station fédérale de Wädensvil (Suisse), tout au moins en ce qui concerne l’éthylène, que, d’après ce savant, la mousse n’absorberait pas ...

Ces différents résultats permettent de penser que le procédé Krebser, découvert sans doute par hasard, repose en réalité sur des bases scientifiques dont la parfaite connaissance permettra encore l’amélioration de ce procédé.

Il ne peut évidemment être question de lui demander plus qu’il n’est capable de donner, c’est-à-dire qu’à des températures de + 15 à + 25° il se révèle assez peu efficace parce que, dans ces conditions, l’accélération de la maturation due à la température élevée, prime de beaucoup, comme effet sur celle-ci, l’absorption par la mousse de l’aldéhyde éthylique et de l’éthylène, absorption qui tendrait à ralentir cette maturation.

Il n’y a, comme l’ont pensé certains, aucune opposition entre le procédé Krebser et l’emploi des frigorifiques. Ces deux systèmes se complètent. En employant le procédé Krebser, il est parfois possible de se passer de frigorifique quand il n’y a qu’à conserver des fruits d’hiver dans des pays à hivers froids. On peut alors se fixer comme objectif de ne pas permettre à la température de dépasser + 8 à + 9°, au lieu de chercher à la maintenir à 0° ou + 1°.

Telle est, actuellement, la situation de cette technique dans laquelle d’autres progrès seront vraisemblablement réalisés dès que les phénomènes biologiques qui sont à la base de ce procédé auront fait l’objet d’études complètes et seront, de ce fait, mieux connus.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°619 Avril 1948 Page 74