Le Douglas

Nous avons déjà eu l’occasion de citer plusieurs fois cette acquisition si précieuse pour notre flore forestière, mais l’importance et l’intérêt du Douglas, lorsqu’il est bien employé, nous font juger nécessaire de lui consacrer une chronique détaillée.

Le Douglas (Pseudotsuga Douglasii = PS. taxifolia) est un résineux, un « sapin » dont le feuillage reste toujours vert. Ses feuilles ou aiguilles sont souples, étroites, aplaties, vert clair avec deux lignes blanches à la face inférieure. Elles sont disposées assez irrégulièrement et isolément sur un rameau brun, taché de jaune à leur point d’insertion. Elles dégagent, quand on les froisse, une odeur de citronnelle. Les bourgeons sont relativement gros, allongés, aigus, brun luisant. Les cônes rappellent, par la consistance et la couleur des écailles, les « pommes » d’Épicéa, mais ils sont plus courts et surtout, entre les écailles, dépassent des bractées, appendices à trois pointes caractéristiques. Ces cônes sont pendants au bout des branches.

La tige très droite, avec une grande régularité des couronnes de branches, est lisse dans le jeune âge avec des poches de résine fluide ; plus tard, vers trente ans, l’écorce épaissit, elle est brune avec des fissures longitudinales plus claires, très typiques.

Originaire de l’Ouest de l’Amérique du Nord, il y occupe une aire immense depuis le Mexique jusqu’à l’Alaska (3.500 kilomètres) et depuis le niveau de l’océan Pacifique jusqu’à 2.000 mètres d’altitude dans les Montagnes Rocheuses. Son intérêt économique y est considérable : tout au moins dans la zone côtière, où il constitue de vastes forêts vierges et où il atteint des dimensions impressionnantes (3 mètres de diamètre sur 80 mètres de hauteur). C’est l’essence qui fournit le plus gros volume de bois du monde entier. Le bois de ces arbres ayant crû à l’état serré est d’une qualité exceptionnelle et est propre à de multiples usages : sciages, menuiserie, charpente, etc. Il est importé en Europe sous le nom de « Pin d’Orégon ».

Découvert à la fin du XVIII^e siècle, introduit en France en 1827, ce bel arbre se répandit dans les parcs, puis, au XX^e siècle, dans les reboisements. On en connaît de très gros spécimens dépassant 3 mètres de circonférence et 40 mètres de hauteur, et plus de 10.000 hectares de jeunes peuplements.

L’expérience a montré que seuls réussissaient bien dans notre pays les arbres originaires de la région côtière américaine (Colombie britannique, Orégon, Washington).

Par contre, certaines formes originaires des régions montagneuses de l’intérieur ne donnent que des déboires : c’est le cas du Douglas bleu ou du Colorado (Pseudotsuga glauca), dont le seul intérêt est d’être ornemental.

Nous ne parlerons dans la suite de l’article que de la belle race côtière, appelée souvent par les pépiniéristes « Douglas vert ».

Originaire d’une région très arrosée, le Douglas n’est pas susceptible de réussir dans les climats trop secs, surtout si le sol n’est pas assez frais et profond pour lui donner l’approvisionnement en eau nécessaire. Il est cependant assez accommodant et, pendant la désastreuse année 1947, il a beaucoup mieux supporté la sécheresse que l’Épicéa.

Pour le sol, il est encore plus accommodant : acceptant sols légers de Sologne, sols compacts de Lorraine, sols siliceux du Massif Central, sols calcaires de Bourgogne, à condition, toutefois, qu’ils soient suffisamment profonds et non mouilleux.

Le Douglas est une essence de demi-lumière : il supporte très lien un abri latéral, mais s’étiole très vite sous un couvert qui le prive de la lumière verticale.

Il ne craint pratiquement pas les gelées d’hiver et n’est pas très sensible aux gelées de printemps. Ses branches sont cassantes, il craint donc le vent et la neige, ce qui prohibe son emploi au bord de la mer et en haute montagne.

Il répare avec la plus grande facilité ses blessures et reconstitue aisément sa cime brisée ou desséchée.

Quelques insectes ou maladies l’attaquent : en particulier un champignon (Adelopus), qui cause la chute prématurée des aiguilles, surtout à la suite d’années humides ; ce champignon est rarement dangereux dans les peuplements éclaircis.

Possibilités d’utilisation.

— Dans la plus grande partie de la France, sauf le Sud-Ouest côtier, la région méditerranéenne et les hautes montagnes ; il réussit particulièrement bien dans tout le Massif Central, en Normandie, en Lorraine, etc.

Partout il produit en vingt-cinq ou trente ans de l’excellent bois de mines, en quarante-cinq ou cinquante ans du bois de sciage, inférieur évidemment au bois américain de trois cents ans, mais cependant de bonne qualité et recherché dans toutes les régions où il est mis sur le marché.

La production atteint en bons sols 25 mètres cubes par hectare et par an, y compris les bois enlevés en éclaircie. Un arbre de trente ans cube 1 mètre cube à 1^m3,500 ; l’arbre de soixante ans, 4 mètres cubes.

La régénération naturelle est excellente.

Technique.

— L’extension de cette précieuse essence est limitée par les difficultés de se procurer graines et plants. Il est donc indispensable de repérer les beaux arbres porte-graines (un arbre de parc isolé donne beaucoup plus de semences qu’un arbre de massif) pour ne pas laisser perdre la récolte. Aucune fructification ne s’étant produite en 1947, on peut espérer qu’elle sera abondante en 1948.

Les cônes sont mûrs à la fin du mois d’août : ils laissent alors échapper leurs graines ailées, qui se dispersent au gré du vent. Il faut donc les cueillir sur les arbres peu avant leur maturité : travail lent et dangereux, car les cônes sont à l’extrémité de branches flexibles et cassantes.

Un hectolitre de cônes donne 0^kg,500, soit 50.000 graines.

On sème les graines fin avril en pépinière, dans un sol léger, frais, et on ombrage les jeunes semis après la levée : la croissance est rapide.

Haut de 10 à 15 centimètres, le semis est repiqué à un an et, deux ans après, atteignant 50 centimètres, il est bon à mettre en place.

On peut parfois récolter des semis naturels près d’un gros arbre et les repiquer en pépinière : on évite ainsi les aléas du semis.

Les meilleurs plants du commerce sont les plants de trois ans repiqués et suffisamment forts.

Plantation à grand espacement : 2 mètres au moins entre les plants (2.500 à l’hectare). Ils poussent vite et doivent être au début dégagés.

Éclaircir tôt pour produire du bois de mines. L’élagage des branches basses, à la scie et au ras du tronc, améliore la qualité du bois de sciage qui sera produit plus tard.

Conclusion.

— Le Douglas est une des meilleures essences à utiliser pour obtenir un boisement rapide et rémunérateur.

LE FORESTIER.

Le Chasseur Français N°619 Avril 1948 Page 78