La pénurie alimentaire n’est pas seulement pour les humains.
Elle règne aussi intensément pour vos animaux. La sécheresse de 1947, succédant
aux gelées hivernales, a réduit considérablement les récoltes de grains et de
fourrages. Et si, dans quelques cas, les porcs et les volailles ont mangé le
blé destiné à faire du pain (parce que les cultivateurs-éleveurs achetaient
plus cher les sous-produits pour nourrir ces bêtes que le blé leur était payé),
en revanche, les céréales secondaires qui étaient destinées à ces bêtes sont
maintenant incorporées dans le pain ! Formes d’échanges vraiment
inattendues !
Par conséquent, il vous faut dès à présent prévoir, afin de
vous assurer les semences pour la production, des grains et des fourrages qui
vous assureront les premières provisions et qui vous les fourniront massivement
dès l’automne prochain. Ne craignez pas les excédents, car l’équilibre ne se
rétablit pas aussi spontanément ! J’ai dit grains et fourrages ; mais
il s’agit également des racines et des tubercules : betteraves, carottes,
rutabagas (de fâcheuse mémoire), choux-navets, colraves (choux-raves) et, tout
normalement, pommes de terre, dont la production n’est pas encore au stade
d’avant 1940. Il n’est pas trop tard, surtout en région d’altitude, pour réaliser
ces semis ainsi que les plantations de pommes de terre.
À ces conditions, mettant les productions du gros bétail et
du lait à part, vous pourrez nourrir substantiellement ce que les Alsaciens
désignent sous le nom de menu bétail : toutes les volailles, les lapins,
jusqu’aux chèvres. Dans ces conditions également, les prix des oies
n’atteindront pas dans nos départements du Midi des cours qui font hésiter (en
cet hiver 1947-1948) à préparer ces provisions de si précieux confits d’oies,
de canards, sans compter la graisse des premières et les si onctueux foies de
ces deux palmipèdes.
Et ces dispositions éviteront aussi les importations
massives d’œufs du Maroc et de Hollande, ce qui, évidemment, affecte
l’économie, durement éprouvée, de nos élevages de pondeuses, si remarquablement
et progressivement évolués, au point que des records de ponte battent parfois
ceux si déterminants des États-Unis !
Semez donc, si ce n’est encore fait, jusque vers le 20-25
avril avoine et orge ; aussi, dans les sols granitiques, prévoyez les
semis de sarrasin : depuis la mi-avril, le maïs, si reconstituant et si
dynamique pour les engraissements et pour la ponte. Cela à partir d’avril dans
le Sud-Est et le Sud-Ouest. Semez de front le très généreux sorgho à balai dans
cette zone ; et jusque dans le Nord le tournesol ou grand soleil, aux
grains si nourrissants, qui excitent remarquablement la ponte ; également
le chanvre pour le chènevis ; pour compléter les provisions de petites
graines, les différents millets.
Il vous faut aussi des fourrages. Les vesces de printemps,
auxquelles vous mêlez quelques grains d’avoine, le moha de Hongrie, le maïs
fourrage vous constitueront de très abondants et nutritifs fourrages verts. Les
chicorées à grosses racines, semées dès la mi-avril et jusqu’en mai, même si
les premières semées montent partiellement à fleurs, ainsi que les choux de
printemps, puis les choux d’automne et les choux fourragers et grands choux
frisés seront les bienvenus pour le clapier et le poulailler.
Il est, en général, tard pour les topinambours, sauf si vous
en avez une réserve que vous pourrez arracher et replanter, malgré
l’inconvénient de n’en pouvoir débarrasser le terrain. Mais, si vous avez un ou
plusieurs porcs, ceux-ci s’en chargeront, fouissant le sol avec autant d’ardeur
que s’il s’agissait de chercher des truffes.
Amplifiez vos plantations de pommes de terre ; les
plants sélectionnés sont abondants.
Enfin, aussi bien pour vos lapins que pour vos poules,
donnez la préférence aux betteraves demi-sucrières, plus nutritives, plutôt
qu’aux fourragères. Semez également des carottes pour les premiers :
blanche à collet vert et obtuse du Doubs ; cette dernière à deux
fins : potagère et fourragère.
Grâce à ces dispositions prises et réalisées, vous serez
paré, les fourrages secs vous étant fournis par vos luzernes, trèfles et
sainfoins.
Claude AXEL.
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