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Chronique ménagère

Le petit déjeuner

Si les repas de midi et du soir sont composés à peu près de la même manière dans la plupart des familles, la plus grande diversité existe au sujet du petit déjeuner. Tel se contente d’un bol de café noir, tel autre prend régulièrement sa tasse de chocolat au lait avec tartines de pain beurrées, tel autre exige un solide « casse-croûte » ; enfin, certains ne prennent rien du tout.

A-t-elle déjeuné avant de quitter sa famille, cette petite élève de sixième qui, subrepticement, tout au long de la première heure de cours, mâchonne, bouchée après bouchée, une partie du petit déjeuner que sa mère lui avait préparé pour la récréation de dix heures ? J’ai peine à croire, en la reprenant, que la faute lui incombe à elle seule ; si elle avait, avant les trois ou quatre heures de classe qu’elle subira dans la matinée, absorbé un déjeuner substantiel, elle n’aurait pas à se cacher pour manger son morceau de pain et de charcuterie — ou sa tartine de pain beurrée — dès huit heures et demie ...

Mamans, faites bien déjeuner vos enfants avant de les envoyer à l’école.

Il est inadmissible — et cependant je sais que cela arrive — qu’un enfant quitte la maison à la hâte, dans la nuit d’hiver, sans avoir rien pris, au seuil de sa matinée de classe, aussi confortable que soit le petit déjeuner qu’il emporte dans sa serviette. Il est pénible de le réveiller de bonne heure, direz-vous ? Vous le laissez dormir jusqu’à la dernière limite, et il n’a pas le temps d’absorber son déjeuner ? Exigez donc qu’il se couche le soir un quart d’heure plus tôt ; endormez-vous vous-même un quart d’heure plus tôt, montez votre réveil un quart d’heure plus tôt : la santé de votre enfant en dépend ; cela en vaut la peine !

Ne lui donnez pas de café noir, et n’en prenez pas vous-même. Le café est un breuvage qui, indiscutablement, rencontre toute la faveur populaire. Il est d’un goût agréable, et il procure à l’organisme le « coup de fouet » du « démarrage » matinal, parfois difficile à obtenir. Il est exact d’affirmer que le café remplit ce rôle, mais, à regarder de plus près, ce rôle est plus néfaste qu’utile. En agissant sur le cœur et le système nerveux qu’il fatigue, le café se révèle davantage comme un poison que comme un aliment. Et plus le « démarrage » aura été rapide, plus grand sera l’abattement quelques heures plus tard. Les amateurs de café noir sont redevables à celui-ci de leur fatigue nerveuse sans raison apparente, et de leur essoufflement du cœur.

Si vous voulez utiliser la maigre ration mensuelle de café qui vous est allouée — bien trop grande au dire de certains hygiénistes — de la façon la plus rationnelle, prenez donc votre tasse de café bien chaud — et aussi léger que possible — à la fin du repas de midi ; une boisson chaude légèrement parfumée facilite la digestion ... Mais ne vous contentez pas de la tasse de café noir pour le petit déjeuner !

Chocolat et tartines beurrées ? Je vous donne ici l’opinion du Dr Tissot : « On ne devrait user du chocolat qu’avec discrétion et discernement. Le chocolat renferme une graisse : le beurre de caco, des matières azotées et minérales, et enfin un excitant : la théobromine. Pris à doses réduites (jamais plus de 40 grammes par jour, soit une grosse bille), il peut être utile pour entretenir l’excitation vitale chez des malades nerveux ou débiles, ou pour aider à supporter l’insuffisance ou la mauvaise qualité des fruits au cours de certaines années. Si l’on en abuse, il se montre, par contre, congestionnant, constipant et aussi malfaisant que le sucre industriel. » On devrait le recommander plutôt comme un aliment-médicament. Le mélange intime de l’aliment excitant, azoté et gras qu’est le cacao, avec le sucre, dans le chocolat, « en fait une nourriture qui répare promptement les forces, mais il ne faut pas en abuser. Le cacao nourrit trop les personnes sanguines, il augmente la quantité du sang, il les échauffe. » N’abusez pas de ce petit déjeuner pour vous-même, mais, à tout prendre, il vaut mieux que vous le serviez à votre enfant qui va partir à l’école, plutôt qu’un bol de café noir, plutôt que rien !

Un casse-croûte ? L’usage de charcuterie ou d’œufs au petit déjeuner est une erreur, au dire de certains hygiénistes, pour deux raisons : parce qu’il surcharge l’estomac aux premières heures de la journée et est inévitablement suivi d’un sentiment de fatigue ; parce que trois repas salés par jour apportent à notre organisme une trop grande quantité de chlorure de sodium : les besoins quotidiens normaux de notre corps en sel sont de 5 à 8 grammes. Tout surplus entraîne pour les reins un surcroît de travail, charge de sel les interstices cellulaires, préparant le chemin à des maladies consécutives à l’imperméabilité rénale : néphrite, œdème, lésion rénale, albuminurie, urémie.

De quelle manière rationnelle convient-il donc de prendre ce premier repas de la journée ? Trois conditions essentielles doivent être remplies par celui-ci :

    — il doit être légèrement sucré ;
    — nourrissant sous un petit volume ;
    — facilement digestible.

L’idéal se trouve réalisé par le petit déjeuner composé de céréales et de fruits. Les flocons d’avoine, préparés en « porridge », à la manière écossaise, semblent réunir ces qualités indispensables. Mais il y a aussi toute la série des farines de céréales : froment, avoine, orge, seigle, maïs ; on peut même, de temps en temps, les remplacer par des farines de légumineuses : lentilles, haricots, pois, fèves ; la farine à base de châtaignes, de bananes ; tous les flocons (avoine, riz, orge, blé vert, etc.), la semoule, le tapioca, etc., remplissent le même rôle. On peut ainsi varier à l’infini ce petit déjeuner ; pour les enfants, le préparer au lait, pour les grandes personnes, à l’eau additionnée d’un peu de lait, d’un peu de sucre. On peut parfumer ces bouillies avec du jus de fruit, du zeste de citron, quelques grains de café cuits avec le mélange et enlevés au moment de servir, de temps en temps même un peu de cacao : ce sont de véritables crèmes dont les enfants et les adolescents sont très friands, les adultes aussi d’ailleurs ... N’importe quel fruit peut accompagner et compléter ce repas : pommes, oranges, raisins, cerises, abricots, etc. Les noix, les dattes, les bananes, les figues sont un peu trop nourrissantes pour s’ajouter à une bonne bouillie. Une excellente confiture de ménage, du bon miel peuvent également remplir un bon office.

A. PEYREFITTE.

Le Chasseur Français N°619 Avril 1948 Page 90