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À quelle vitesse vole la sauvagine ?

On a beaucoup étudié cette très intéressante question de la vitesse des oiseaux.

À mon avis, on ne peut donner sur ce sujet aucune précision absolue.

Les questions de vent interviennent là d’une façon très nette ; aussi bien faut-il, en l’espèce, n’établir de moyenne qu’après avoir tenu compte des résultats de très nombreux chronométrages.

Le colonel R. Meinertzhagen, qui servait à la British Royal Air Force au cours de la guerre 1914-1918, a publié un rapport très intéressant sur ce sujet. Aidé de tous les instruments de précision possible, il en est arrivé à cette conclusion que les oies et les canards ne dépassent guère, en période de migration, la vitesse de 95 kilomètres à l’heure.

Le Dr William Bruette, grand éditeur cynégétique à New-York, donne dans son livre : American duck, and goose and brant shooting, le tableau suivant sur les vitesses horaires de vol :

Le col-vert vole entre 65 et 80 kilomètres à l’heure.
Le souchet 65 et 80 — —
Le pilet 80 et 96 — —
Le siffleur 96 et 112 — —
Le milouin 128 et 144 — —
La sarcelle 128 et 160 — —
L’oie 96 et 112 — —

Il faut bien noter que, suivant qu’un canard fait un vol de migration ou qu’il voltige dans un marais à la recherche d’un bon coin, sa vitesse n’est pas la même. Après un coup de fusil, la vitesse d’une bande de sarcelles peut augmenter dans de grandes proportions ... comme si elles avaient le feu au derrière.

N’oublions pas enfin qu’un jeune homme de vingt ans sera susceptible de courir le 100 mètres plat en onze secondes deux cinquièmes et qu’il mettra, vingt ans plus tard, beaucoup plus de temps pour parcourir la même distance. Il en est de même pour les canards. Une vieille cane de huit ou neuf ans ne vole certainement pas aussi vite qu’un canard dans la force de l’âge, et il arrive souvent, malgré la régularité dans la forme des vols, qu’on remarque des oiseaux qui ne peuvent plus suivre le train et qui rament, essoufflés, à quelque distance en arrière. Certains auteurs ont essayé de dresser des tableaux pour guider le tireur dans l’appréciation des vitesses de vol. À 25 mètres, une sarcelle qui vole à x ... à l’heure doit être tirée à n ... centimètres en avance. À 45 mètres, la même sarcelle doit être tirée à n ... mètres en avant, etc. ...

Je crois que ce sont là des spéculations théoriques inutiles. Seule une bonne expérience sur chaque oiseau nous fera tirer quelquefois où il faut. Tir de marais. Tir très spécial.

Combien en ai-je vus, de très grands fusils en battue ou devant eux, n’être que très médiocres le premier jour sur des bécassines ou à la passée des sarcelles ! Comme ils avaient de la classe, ils rectifiaient leur tir et devenaient très vite de très bons fusils de marais.

Je crois qu’on peut, sans tomber dans l’erreur, affirmer que l’oiseau le plus rapide au marais ou en mer (en dehors du martinet, qui a été bâti pour la course et dont les vitesses sont extrêmement grandes) est la bécassine en groupe et en déplacement — et la sarcelle d’hiver. Combien de fois, dans mes débuts de chasse à la sauvagine, ai-je été débordé par ces oiseaux me chargeant ! Ne les ayant pas attaqués assez tôt (60 à 70 mètres, je le répète à dessein), il m’était impossible de tirer sur ces éclairs après leur passage à mes côtés. Les pilets, milouins, siffleurs sont également des canards très rapides ; enfin le col-vert, de l’avis unanime, est plus lourd et plus lent que ces si rapides coursiers des airs.

J’ai été surpris de voir, par de très grosses journées de passage (il m’a été donné d’assister à une dizaine de ces ruées de canards), combien la circulation aérienne aux plus vives allures s’établissait souplement, sans réglementation policière.

On pense que deux vols vont s’entrechoquer : ils s’unissent en de charmants dessins, sans accidents, et s’en vont ainsi montant, descendant, en de belles courses qui doivent constituer pour eux une merveilleuse figure de danse, ou le plus passionnant des sports.

Jean DE WITT.

Le Chasseur Français N°620 Juin 1948 Page 99