La question de température joue un grand rôle dans la
croissance des chiots (1) : tenus à 20-22°, ils poussent évidemment
mieux que ceux laissés à une basse température. Les aliments, au lieu de servir
de défense calorique par leur combustion (un peu comme les Lapons, qui font,
suivant une boutade bien juste d’ailleurs, du « chauffage central »
en eux-mêmes en brûlant des graisses de phoque par leur digestion, ce qui
compense leur climat rude), peuvent être alors mieux utilisés pour la croissance.
Comme on ne peut tout de même pas alimenter un chiot au delà d’une certaine
quantité, il est ainsi possible de « doubler », si l’on peut employer
ce terme, cette dose de nourriture par le chauffage intensif. Chauffage ne veut
pas dire tout de même manque d’air, mais il peut aussi s’interpréter, malgré
tout, absence de courants d’air, les chiots étant très sensibles à cet égard.
Il est certain que le point de vue populaire, qui explique
que les chiots d’été viennent mieux que ceux d’automne, est basé probablement
sur l’observation de la moindre croissance des chiots en fin de saison ou en
hiver. De là aussi l’opinion corollaire disant que les chiots d’hiver sont plus
solides. Il est probable que l’élimination des chiots délicats se fait
automatiquement par la rigueur du climat, ce qui a d’ailleurs déjà été dit pour
la tuberculose, en ce qui concerne les humains : il n’existerait que fort
peu de tuberculeux dans les régions à climat dur et froid.
Une cause très importante de non-croissance normale est la
présence d’« ascaris », gros vers blancs ronds, dans les chiots, à
partir de quatre semaines environ. Il est facile de voir nettement la
différence d’augmentation journalière de poids dans les jeunes avant et après vermifugation.
Le fait de ne pas voir de vers dans les crottes n’est pas une garantie. La
diarrhée qui résulte de la présence interne d’ascaris est en général le
meilleur signe des dégâts causés. Il est facile d’y remédier en utilisant des
capsules de didakène, produit assez difficile à trouver sous cette forme au
moins en très petites doses. Les capsules n’existent plus, en effet, qu’en 1 centimètre
cube, soit pour des chiots de 5 kilogrammes au minimum, poids qu’un
bouvier n’atteint qu’à l’âge de cinq à six semaines environ, ce qui correspond
à peu près, il est vrai, à l’âge auquel on peut vermifuger sans risques. Le didakène
liquide, à mélanger dans un sirop, ne nous a pas donné de résultats
convenables. Outre la complication de son emploi, l’odeur fort désagréable dans
la gueule du chiot l’empêche d’avaler le mélange normalement, et il semble par
ailleurs que la dissolution de l’enveloppe des capsules, qui se fait seulement
dans l’estomac ou l’intestin, permet au produit de mieux agir là où il doit le
faire.
Un seul inconvénient, nul en fait, mais qui effraie les
usagers du didakène, car il n’a malheureusement pas été indiqué sur la notice
jointe aux capsules : les chiots ont l’arrière-train paralysé pendant une
demi-heure environ, dans l’heure qui suit l’ingestion de la capsule. Il a été
dit que le produit, étant de la famille des chloroformes, causait de ce fait
une sorte d’anesthésie locale de l’arrière-train. D’autres ont expliqué que les
toxines sécrétées par les ascaris au moment de leur attaque par le didakène
causaient une sorte d’empoisonnement, donnant un phénomène du même aspect que
l’anesthésie ou l’intoxication alimentaire. Quoi qu’il en soit, cela ne change
pas la valeur du résultat, qui est en général excellent : il a pu être
trouvé dans les crottes ou diarrhées de chiots traités par ce produit jusqu’à
une centaine d’ascaris de 10 à 19 centimètres de longueur, suivant qu’il
s’agissait de vers mâles ou femelles et de leur état de croissance, les mâles
étant les plus grands. L’aspect des vers rendus est tellement compact qu’on
peut quelquefois, faute d’être averti, le prendre pour un trognon de racines de
poireau ! Il est bien évident qu’une telle floraison dans l’intestin du
chiot ne permet en aucune façon, malgré une nourriture excellente et abondante,
une croissance normale ! Il est en général très difficile, même à de bons
éleveurs, de faire comprendre le danger des ascaris, auquel souvent beaucoup
d’entre eux ne croient point ! Mais, quand on prend la peine de garder
deux jours entiers dans une pièce fermée, sans les sortir aucunement, les chiots
ainsi vermifugés, on peut se rendre compte très exactement de ce qu’ils
possédaient dans le corps comme ascaris ! En tout cas, sans tant de
précautions, il est un fait que, neuf fois sur dix, on peut constater une
augmentation importante de croissance journalière dans les deux ou trois jours
qui suivent la vermifugation, cette augmentation se réduisant quelque peu, bien
entendu, au bout d’un certain temps, pour se stabiliser à une croissance
normale.
R. TOUSSAINT.
(1) Voir Le Chasseur Français d’avril 1948.
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