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Le porcelaine

Parmi les chiens courants de race française destinés à la chasse du lièvre, le chien courant de la race dite Porcelaine a toujours été considéré comme un des mieux doués au point de vue finesse de nez, gorge admirable, et aussi au point de vue de son physique si caractéristique, si élégant, si particulièrement bien français.

Chien élégant, distingué, sous-poil blanc, d’un blanc mat argenté, marqué de taches oranges, aux oreilles souvent mouchetées soit d’orange sur fond blanc, soit de blanc sur fond orange ; il a un cachet tout spécial qui attire l’attention et force même l’admiration de tout chasseur au chien courant. Habitué à chasser dans les forêts accidentées de l’Est de la France, au sol souvent rocailleux, desséché par les chaleurs de l’été et de l’automne, grâce à la finesse de son nez, il relèvera les voies les plus légères et saura, par sa ténacité, après un rapproché admirable, lancer le lièvre gîté dans les rochers. Sa gorge de hurleur au timbre harmonieux vous permettra tout au cours du lancer de jouir d’un concert délicieux jusqu’au coup de fusil qui terminera la chasse. Très tenace dans les défauts et ayant l’habitude de se servir seul, le porcelaine n’a pas besoin de la présence et de l’appui du maître pour persévérer dans sa quête. Il est ajusté sur la voie sans être clabaud et très requérant.

Tour à tour porté aux nues, puis décrié à tort, ce chien a néanmoins d’excellentes qualités qui sont incontestables. Briquet, chassant d’habitude seul ou par couple dans l’Est, au moment de sa présentation aux premières expositions canines par le Dr Coillot de Montbozon, on a voulu en faire un chien de chasse à courre, dans l’Ouest surtout. Pour cela, on a cherché à renforcer sa constitution et sa taille par des croisements plus ou moins avoués et heureux, avec notamment des chiens de Chambray et de Billy. De cette façon, on a augmenté sa taille, sa vigueur, mais aussi son entretien. Pour lui donner le goût de prendre son animal, on lui a donné dans les veines du sang anglais, en général sang harrier, et il faut reconnaître que cette infusion a souvent donné aux premiers croisements des qualités de chasse indéniables, sans trop altérer le type porcelaine.

C’est de cette façon que l’on a fait du briquet porcelaine un chien de meute ; par contre, on a produit un animal de grand format, d’un entretien coûteux, d’un transport difficile.

1920 et surtout 1945 : les conditions de la chasse au chien courant ont changé d’une façon capitale. Les malheurs des temps, les restrictions alimentaires, la multiplication des porteurs de permis ont imposé à la chasse aux chiens courants une physionomie toute spéciale. Où sont les meutes d’antan ? Où sont les piqueux en habit de vénerie et les joyeuses fanfares de l’hallali ? En chasse, au premier récri des chiens, dans la plaine chasse banale, chaque poste voit accourir un tireur pressé d’arrêter d’un coup de fusil la menée de votre lièvre et de le glisser en hâte dans son carnier. Repliés sur eux-mêmes, ceux qui sont mordus par le virus de la chasse au chien courant ne peuvent plus, dans l’immense majorité des cas, satisfaire les goûts grandioses de leur passion. Néanmoins, plutôt que de tout mettre bas, ils gardent encore quelques chiens de race pure, de ces races qui leur ont procuré tant de satisfaction ; et, à l’automne, ces quelques chiens échappés au désastre leur procurent encore, avec une détente bienfaisante, l’illusion des plaisirs passés et la confiance dans l’avenir.

Aussi, plutôt que de laisser tomber dans un oubli total et définitif la race porcelaine, le Club de ce chien a pensé qu’il était nécessaire de suivre l’évolution. Les nécessités actuelles ont mis en vedette les races de chiens de volume réduit : épagneuls bretons, beagles. Pourquoi le porcelaine, tout en gardant des points de force, ne verrait-il pas sa taille s’abaisser de quelques centimètres ? Je me rappelle avoir vu moi-même aux expositions des Tuileries, en 1902 et 1903, des meutes de porcelaines à M. Baillet, et ces chiens étaient loin d’avoir la taille des chiens montrés vingt années plus tard aux expositions. Pour chasser le lièvre, surtout à tir, nous n’avons que faire de chiens de 0m,60. Un chien de 0m,50 à 0m,53 fera le même travail, aura vraisemblablement plus d’influx nerveux, coûtera moins à nourrir et sera plus facile à transporter. Sans en arriver aux déformations du nanisme, j’estime que les nécessités actuelles doivent diriger l’élevage vers un modèle de 0m,50 à 0m,55, gardant suffisamment de substance pour ne pas être une claquette et pour pouvoir poursuivre un animal en tout terrain, avec un train normal pour la chasse à tir.

Je ne pense pas qu’on puisse traiter d’utopie ces nouvelles directives de l’élevage. L’expérience de l’élevage du porcelaine nous a permis souvent de réussir, dans la taille indiquée ci-dessus, des chiens du plus pur type et d’une utilité incontestable en chasse. C’est dans ce sens qu’il importe à l’avenir de diriger l’élevage de cette belle race pour lui permettre de survivre et d’éviter la disparition qui frappe inévitablement les espèces qui ne veulent pas évoluer.

Dr DELACOUR,

Président du Club, à Clerval (Doubs).

Le Chasseur Français N°620 Juin 1948 Page 111