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Une mouche à chevesne

La punaise des choux

L’ordre des hétéroptères contient des insectes très communs de toutes couleurs : jaune, vert, bleu, rouge, noir et rouge, noir et jaune, brun, etc., qui justifient à eux seuls toutes les couleurs imaginées ou imaginables des mouches d’ensemble ou de fantaisie, araignées ou palmers.

La punaise des choux (Eurydema ornatum) se trouve partout : dans les herbes, dans les légumes des jardins, particulièrement dans les choux à partir de mai. Cet insecte pullule parfois et hiverne, entassé, dans les endroits abrités du froid et de la pluie, sous de vieilles planches, du bois mort et autres objets. Il est bien connu des pêcheurs à la mouche naturelle. C’est une amorce remarquable facile à trouver et à saisir. Il en existe plusieurs espèces peu différentes.

Ses dimensions sont : totale, 10 millimètres en longueur, 5mm,5 en largeur (femelle légèrement plus grande) ; ailes supérieures, 8mm,5 (chitinisées) ; inférieures, 7 millimètres ; pattes, 9 millimètres ; rostre, 5 millimètres ; antennes, 4 millimètres.

Pour la description, qui serait trop longue, je renvoie le lecteur au dessin, en lui disant que ce qui est clair — compte tenu du modelé — est rouge-coquelicot ; ce qui est noir est noir mat, sauf pour les pattes qui sont brillantes et pour l’extrémité des ailes supérieures qui, noires aussi, ont, en plus, un reflet vert qui met en valeur les fines nervures dont elles se composent.

Si je recule devant une description écrite, il ne me déplaît pas, simple pêcheur que je suis, de dessiner l’un de ces insectes, qui, à mon avis, doivent faire l’admiration de ceux qui regardent. La nature, en apparence si confuse et si désordonnée, nous donne en lui un exemple, parmi tant d’autres, du charme que l’on peut obtenir par la symétrie des lignes et les combinaisons géométriques, à condition qu’un peu de fantaisie ou quelques petits défauts viennent en rompre le rythme monotone. En regardant ce dessin, je pense à l’art musulman : reliures anciennes de vieux corans, tapis orientaux, broderies aux points, stucs aux entrelacs variés, mosaïques naïves ou savantes. La nature n’aurait-elle point servi de modèle à ces ouvriers artistes des époques lointaines ?

... Il paraît que non ! Parmi tant d’autres insectes au décor ornemental oriental, celui-ci est déjà bien remarquable par son dessin qui varie quelque peu dans le détail d’une espèce à l’autre, si ce n’est dans le même insecte. C’est ainsi, par exemple, que parfois, dans celui-ci, l’abdomen est complètement noir dans toute la partie centrale. Qui aurait pu croire que le pêcheur à la mouche, peu ou prou entomologiste par force, trouverait dans sa passion les joies esthétiques que donne un art abstrait ? ...

Je m’excuse de ces réflexions, pour le moins inattendues, mais ceci devait être dit, en passant, une fois pour toutes, afin de répondre à ceux qui, dédaigneusement, plaignent ces malheureux atteints du virus entomologique et de la manie de la mouche exacte. Qui faut-il plaindre ? Ceux qui découvrent la beauté ou ceux qui passent sans la voir ou la sentir ? Il est vrai que, retombant, après ce petit voyage dans le domaine du beau, dans le terre à terre, c’est-à-dire dans « la mouche », nous serons bien obligés de renoncer à toute cette beauté, par impuissance, convaincu, par ailleurs, de l’indifférence totale du poisson à cet égard. De tout ce décor, que reste-t-il à imiter ? Un ove bigarré de noir et de rouge, agrémenté de pattes noires.

Mouche.

— Ce petit insecte flotte à plat sur l’eau. Nous ferons donc une mouche flottante aux ailes à plat, montée de préférence sur un hameçon à ergot no 15 ou 14. Monter d’abord les pattes — auxquelles, pour cette mouche et les autres, j’attache une grande importance — avec un hackle brillant de coq noir, que nous fixerons par un fil noir. Enrouler ensuite sur l’ergot un hackle de coq blanc teint en rouge écarlate et un hackle de coq noir. Ces deux hackles réunis enroulés ensemble mélangeront leurs couleurs et produiront sur la rétine du poisson une impression semblable à celle qu’il doit éprouver à la vue de cet insecte mi-flottant mi-noyé, la réfraction des rayons lumineux de la partie flottante devant troubler l’image.

On peut aussi l’interpréter plus simplement avec les mêmes éléments en chenille, comme nous le ferons pour les coléoptères, sur hameçon court.

Méthode de pêche.

— Méthodes classiques en sèche en remontant à la fouette sur les graviers, sous les arbres, sur les rochers irréguliers cannelés ou avec trous quelquefois à peine recouverts de quelques centimètres d’eau.

Si l’on dispose d’une embarcation, pêche à la fouette sous les arbres pour les rivières où le « wading » est impossible de mai à octobre inclus. En octobre, surtout, lancer à toucher la rive.

P. CARRÈRE.

Le Chasseur Français N°620 Juin 1948 Page 113