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De beaux géraniums

Avant les deux guerres, qui ont ruiné tant de jardins, en particulier ceux de Deauville, les jardins des superbes villas de cette station balnéaire étaient splendidement décorés en été par de grands géraniums, resplendissant de fleurs. Ces grands et vieux géraniums, qui mesuraient jusqu’à trois mètres de hauteur, revêtaient des palissades taillées de massifs d’arbustes : troènes, fusains, lauriers, amandiers, etc.

Les grands géraniums en buissons de Deauville étaient forcément rentrés chaque hiver en serre ou dans une orangerie pour être remis en place dans la seconde quinzaine de mai de chaque année. Ce traitement leur confère une robustesse spéciale.

Le propriétaire d’un vaste jardin au cap d’Antibes voulut lui aussi obtenir des effets pareils avec les géraniums. Cela est beaucoup plus facile sur la Riviera, parce que les géraniums ne gèlent pas, quelle que soit leur hauteur. En même temps, il voulait obtenir des tapis de ceux-ci (Pelargonium zonale) et surtout des géraniums à feuilles de lierre (Pelargonium peltatum Hederæ folium). Il fait aussi des centaines de boutures en pleine terre et avec les géraniums à feuilles de lierre, qui s’étalent en pelouses constamment fleuries comme le feraient des soucis et des capucines en été, des pensées, des violettes cornues et des pâquerettes mères de famille au printemps. Ces géraniums sont des splendeurs de vigueur, de puissance florale ; à peine sont-ils moins brillants, tout en continuant à fleurir, de la fin décembre à février. Mais, dès mars, ils entrent de nouveau pour huit à neuf mois dans leur sphère de puissante beauté.

Savez-vous à quoi, empiriquement, ce propriétaire atteint de « géraniomanie » attribue cette vigueur, cette générosité florale, cette floribondité, ces inflorescences amples comme celles des plus volumineuses ombelles d’hortensias ?

Il ne veut pas trop qu’on le dise, mais vous allez tout de même le savoir : tout simplement aux arrosages, de temps à autre, avec de l’urine largement additionnée d’eau. Les 3/4 aux 4/5 d’eau, car l’urine contient une telle dose d’azote, d’acide phosphorique, etc., qu’employée pure elle brûlerait ces plantes. C’est la raison dominante qui favorise, au même titre, l’enracinement rapide des boutures.

Cette méthode de culture est donc à la portée de tous ; naturellement, mettez-la en œuvre non seulement pour les géraniums que vous cultivez en pleine terre, dans toutes les régions plutôt tempérées que chaudes, mais aussi pour les géraniums que vous tenez constamment en pleine terre, si vous avez la chance d’habiter la zone méditerranéenne ; à plus forte raison, arrosez ainsi les plantes en pots que vous tenez dans une cour jardin, sur une terrasse, sur un balcon ou sur une fenêtre. Mais attention, dans ce cas, étant donnés la contenance réduite des pots, le volume peu important de terre, de ne pas « griller » vos géraniums. Ne les arrosez, par conséquent, qu’avec de l’urine largement additionnée d’eau, à raison de huit parties d’eau pour deux d’urine, et seulement si la terre est déjà mouillée, jamais sur une terre sèche lorsque vos plantes ont soif.

Cette méthode de fertilisation, que vous pouvez d’ailleurs appliquer à quantité d’autres plantes, vous explique également le coup de fouet que donnent sur la végétation les arrosages au purin très dilué, ou ceux avec le contenu des fosses, que les Belges, aussi bien Wallons que Flamands, qui l’emploient largement, nomment « engrais flamand ». Sans aucun doute, cela est dû au large apport de substances azotées naturelles qui favorisent la nitrification, au même titre que l’apport, le semis en couverture, de nitrate donne ce coup de fouet qui agit sur le blé en fin d’hiver ou au début de printemps ; mais aussi et surtout, tant le dosage d’azote est infime dans le purin — l’engrais flamand est largement additionné d’eau, — très vraisemblablement aux hormones animales naturelles que ces excréta contiennent. Leur composition est d’ailleurs voisine de celle avec laquelle on fabrique des hormones de synthèse ou phytohormones, et cela explique leur action sur la croissance, le développement et les floraisons exubérantes. Vous disposez donc d’un moyen remarquable d’accroissement de plantes sans avoir à entreprendre des dépenses importantes. Commencez vos essais dès avril-mai, lorsque vos plantes entrent de nouveau en végétation.

A. de BRETEUIL.

Le Chasseur Français N°620 Juin 1948 Page 125