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Causerie médicale

Éruptions estivales

J’envisagerai aujourd’hui différentes éruptions cutanées, de cause et de nature très diverses, dont le caractère commun est de se manifester surtout dans la saison chaude.

Érythèmes solaires.

— La peau des citadins, habituellement protégée par les vêtements et dont les parties découvertes ne reçoivent les rayons du soleil qu’à travers une atmosphère toujours chargée de poussières, réagit, souvent avec violence, quand elle se trouve exposée aux radiations solaires intenses et qui ne sont plus tamisées par suite de la pureté de l’atmosphère, comme c’est le cas au bord de la mer et dans la haute montagne.

Les méfaits de cette « photosensibilisation » sont bien connus ; ils vont de la simple rougeur de l’épidémie aux brûlures étendues, avec phlyctènes suivies de desquamation, qui s’accompagnent souvent de fièvre, de malaises généraux. La cause en est toujours une exposition trop brusque, trop longue au soleil, et, pour ceux qui ont encore le désir d’avoir une peau négroïde, il faut savoir s’exposer prudemment au début à l’ardeur de l’astre, surtout dans le costume réduit qui est de rigueur sur les plages. Il faut aussi se rappeler que les rayons directs ne sont pas seuls en cause et que les rayons réfléchis par les vagues ou par les glaciers, rayons de courte longueur d’ondes, sont plus nocifs, ce qui explique certains coups de soleil attrapés par un temps qui semble couvert.

Rappelons à ceux qui n’ont pas l’habitude des bains de soleil qu’il faut un entraînement progressif, qu’il est prudent de ne pas dépasser quatre minutes la première fois (une minute sur le dos, une sur le ventre et une sur chaque flanc) ; on augmente progressivement et, lorsque la peau commence à se hâler, on peut l’exposer sans danger. Encore convient-il de ne pas abuser, le bain de soleil étant un traitement très actif, qui n’est pas toujours bien supporté par tous, et il va sans dire qu’en cas de tare organique, même légère, le médecin doit être consulté.

Érythèmes causés par des plantes.

— Diverses plantes sont susceptibles de causer des inflammations cutanées ; on a signalé certaines primevères exotiques dont le contact donne une éruption simulant l’érysipèle (mais sans les accidents généraux) ou l’eczéma aigu ; cette éruption est due à de petits poils glandulaires qui se trouvent à la surface inférieure des feuilles ; mais ce qu’il y a de particulier — cela s’observe d’ailleurs pour d’autres éruptions artificielles — c’est que les sujets qui ont eu un contact avec la plante incriminée ne sont pas tous atteints ; il semble y avoir une prédisposition individuelle, un état de sensibilisation, comme on dit aujourd’hui.

Le sumac, arbrisseau employé comme plante ornementale, a causé également des éruptions très violentes ; parmi les plantes indigènes, on a incriminé la clématite des haies, ou viorne, qu’on appelle parfois herbe aux gueux, parce que ceux-ci s’en servaient au Moyen Age pour se donner des ulcères, afin d’exciter la charité des passants.

Certaines personnes ont une sensibilité pour le lierre qui détermine chez elles, après un retard de vingt-quatre à quarante-huit heures, une éruption ortiée, parfois avec des bulles, tout comme l’ortie commune ; on a même incriminé le vulgaire panais d’être la cause d’éruptions prurigineuses.

Pour ces diverses plantes, il semble s’agir d’une irritation locale, d’une sorte d’intoxication ; mais les végétaux peuvent donner lieu à des accidents cutanés par un autre mécanisme. On a décrit, sous le nom de dermatite des prés, une curieuse éruption qui apparaît ordinairement dans les conditions suivantes : il s’agit de personnes, légèrement vêtues, qui, étant mouillées, soit à la suite d’un bain, soit par suite d’une forte transpiration, se sont étendues sur l’herbe et se sont ensuite séchées au soleil ; au bout d’un certain temps, elles présentent une éruption, souvent très prurigineuse, dont les limites semblent décalquées sur les plantes qui leur ont servi de couche ; on admet qu’en pesant de leur poids sur les plantes leur peau humide s’est imprégnée de chlorophylle qui la sensibilise aux radiations solaires, et celles-ci agiront sur cette peau sensibilisée comme sur une plaque photographique. Ces éruptions ne se trouvent que sur les parties découvertes.

Ce genre d’éruption se voit surtout au bord des rivières ; on ne l’observe pas à la mer où les baigneurs s’étendent sur le sable. Mais, chez ceux-ci, on a observé une éruption pour laquelle il faut invoquer le même mécanisme : il s’agit cette fois de personnes qui, après le bain, ou même sans prendre de bain, sont exposées au soleil après s’être frictionnées d’eau de Cologne ou d’un autre alcoolat aromatique, renfermant des essences qui sensibilisent la peau aux radiations solaires et déterminent des plaques rouges, rarement prurigineuses, mais extrêmement tenaces, passant au brun, très difficiles à atténuer.

Le traitement de ces diverses dermatoses est des plus simples, mais le mieux est de ne pas s’y exposer, une fois qu’on en connaît l’origine.

Nous reparlerons quelque jour des éruptions dues à des piqûres ou à des contacts avec des insectes.

Dr A. GOTTSCHALK.

Le Chasseur Français N°620 Juin 1948 Page 136