Cette petite île fait partie des Antilles anglaises, de ce
groupe administratif que nos amis appellent West Indies. Elle offre au point de
vue philatélique un champ de spécialisation à la fois compact et varié, avec
des ouvertures vers presque toutes les grandes spécialisations
classiques : marques postales anciennes, courriers maritimes, « used abroad »,
variétés de planches, surcharges, oblitérations et lettres, etc. Elle permet
ainsi une spécialisation sans aucune monotonie, qui reste néanmoins limitée. D’autre
part, les vieilles émissions sont très populaires, non seulement en
Grande-Bretagne, mais aussi aux États-Unis, parce que
« américaines ». Ce qui constitue un élément non négligeable de
sécurité quant à la valeur permanente des timbres.
En France, ses émissions sont relativement peu prisées par
les amateurs de « classiques », qui s’obstinent un peu trop à ne
considérer comme telles que les premières émissions non dentelées, qui
justement n’existent pas pour ce pays. Elles sont donc relativement meilleur
marché qu’ailleurs. Et comme, d’autre part, les nombreuses variétés qui
existent y sont pour ainsi dire inconnues de tous les marchands, tous les
éléments d’une spécialisation intéressante se trouvent ainsi réunis.
Le premier bureau de poste permanent, branche du G. P. O.
de Londres, fut ouvert en 1858. La période antérieure est encore emplie
d’obscurités. Les plus anciennes lettres connues remontent à 1700 environ et
sont très rares. La plus ancienne marque postale enregistrée,
« Saint-Vincent » en ligne, ne paraît pas avoir été utilisée avant
1794. Elle est très rare, ainsi que les types suivants, sur plusieurs lignes,
en fleurons ou autres. Même les marques postales de la dernière époque, vers
1850, présentent encore un degré de rareté incontestable.
De 1855 à 1862, l’on utilisa les timbres britanniques
contemporains, qui furent oblitérés « A 10 ». Ces « used abroad »
sont parmi les plus recherchés et font de fortes primes lorsque rencontrés en
bon état ; l’oblitération complète et lisible 1 penny rouge : £ 3 ;
2 pence bleu : £ 6 ; les 9 pence et one shilling vert
quasi introuvables, les autres timbres plus courants : de une à deux
livres de prime. Sur lettres originales, ils valent de deux à trois fois
l’unité détachée.
La première émission propre à la colonie vit le jour en
1861. Ainsi que les émissions suivantes, elle fut l’œuvre de la fameuse firme Perkins
Bacon, qui exécuta pour Saint-Vincent quelques-unes de ses plus belles
réussites artistiques. Toutes ces émissions offrent les variétés de planches
habituelles aux timbres gravés. Il semble que, dans ce domaine, on soit encore
assez loin de tout connaître, et qu’il y ait encore de nombreuses recherches à
faire. Il existe aussi de nombreuses variétés de nuances, non cataloguées, et
quelques-unes très rares.
Mais la particularité la plus intéressante des émissions du
premier type, tout au moins jusqu’à 1880, est l’extrême variété des dentelures.
Ce champ spécial, très peu connu en France, mérite d’être étudié de près,
d’autant plus que certaines variétés, « compound perforations » ou
omission de piquage, font des primes astronomiques sur les timbres types, ainsi
qu’il en ressort par ce court résumé :
Émission 1861-1866 : dentelé 14-16 ; le one penny
dentelé « clean cut » : X 12 ; non dentelés entre (en
paires ou blocs) ; one penny ; X 10 ; six pence : X 50 ;
double piquage : X 3.
Émission 1863-1668 : dentelé 11-12,5 ; en composé,
11-12,5 X 14-16. Le one penny vaut X 300 neuf et X 60 oblitéré.
La paire non dentelée entre du 4 pence bleu : X 50.
Les primes sont du même ordre pour les émissions suivantes
1871 et 1880.
L’autre particularité de Saint-Vincent est l’abondance des
surcharges sur les émissions provisoires et leur grand intérêt. (Se méfier de
faux très bien faits sur la première série provisoire de 1880-1881, en
particulier le 4 d.) Il semble que ces timbres soient très nettement
sous-évalués, car leur rareté est certaine. En effet, il n’a été émis que 1.800
timbres du 1 d. sur moitié de 6 pence (1880) ; 1.440 du 1/2 d.
sur moitié de 6 pence (1881) ; 1.620 one penny sur 6 pence
(1881) et 630 seulement 4 d. sur one shilling. Que l’on compare les prix
de ces timbres avec ceux d’autres infiniment plus chers, quoique tirés en
quantité bien plus importante.
C’est sans doute pourquoi de grands marchands anglais et
américains que nous connaissons ramassent imperturbablement tout ce qui se
présente sur le marché international. Ils en font d’ailleurs autant avec le
five shillings de 1880, qui réunit la beauté à la rareté, et qui, quoique
dentelé, peut rivaliser comme placement de capitaux avec n’importe quel
« classique » non dentelé : un franc vermillon, double de
Genève, trois de Saxe, et autres.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les blocs, tout
au moins neufs, ne sont pas extrêmement rares. Ils ne valent guère que de six à
dix fois l’unité.
Les essais, particulièrement ceux en noir sur coins de
graveurs, sont assez difficiles à trouver. Ils sont de toute beauté. Certains
timbres surchargés « spécimen » sont aussi peu communs.
Les différentes oblitérations sont recherchées par les
spécialistes, particulièrement celles émanant de petits bureaux de poste, vers
1880, et reconnaissables par des lettres (autres que K) telles : BI, BU,
CH, etc. Se méfier des premiers britanniques oblitérés « A 10 »,
il existe d’assez nombreuses imitations de cette oblitération appliquées sur
des timbres lavés.
Tous les timbres sur lettres originales jusqu’à 1880 sont
véritablement rares et valent intrinsèquement bien plus que la prime
habituellement demandée de deux à cinq fois l’unité. Le five shillings de 1880
est inconnu sur lettre : avis aux chasseurs.
M.-C. WATERMARK.
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