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Une grande saison sportive

Les mois actuels, malgré les soucis qui nous accablent, trouvent dans le sport une consolation. La saison 1946 nous ramène à une activité sportive que nous ne connaissions plus depuis dix ans !

Quelle est la position de la France sur le plan international ?

Nous n’insisterons pas sur le football, car, si la performance de Lille, gagnant pour la troisième fois la coupe, est remarquable, nous n’avons guère à nous féliciter des productions de l’équipe nationale devant l’Italie et la Belgique.

Ni sur l’effondrement de nos crossmen dans les Six Nations, qu’on peut considérer, il est vrai, comme un accident.

Par contre, nos victoires très nettes en rugby sur l’Angleterre et sur l’Australie sont de premier ordre.

Et voici qu’au moment où paraîtront ces lignes le Tour de France qui a retrouvé l’importance de ceux d’avant-guerre, nous aura offert le spectacle de qualité d’un farouche duel entre Italiens, Belges et Français.

D’autre part, et c’est le grand clou de l’année, les Jeux Olympiques de Londres, pour la première fois depuis 1936 à Berlin, permettent de réunir la fine fleur des athlètes du monde entier, que la guerre a si longtemps séparés.

Rappelons pour les profanes que ces Jeux, qui se déroulent tous les quatre ans — durée d’une Olympiade — ont été ressuscités il y a quarante ans par un Français, le baron de Coubertin. Les premiers eurent naturellement lieu à Athènes, puisqu’il s’agissait de rénover les jeux de la Grèce antique, belle époque à laquelle l’art et le sport occupaient une telle place dans la civilisation qu’ils étaient partie intégrante de l’activité des hommes sur un plan égal à la culture intellectuelle et morale et à la religion. Puis ce furent les jeux de Londres, de Stockholm, d’Anvers, Paris, Amsterdam, Los Angeles et, en 1936, Berlin.

La plupart des records du monde ont été battus à l’occasion des jeux, et tous les quatre ans ceux-ci consacrent l’apparition non seulement de nouveaux super-champions, mais de nouvelles techniques d’entraînement, qui seules peuvent expliquer que les records continuent à s’élever, puisque les possibilités humaines ont des limites et que, malgré cela, les performances ne cessent de s’améliorer. Ce sont les jeux qui ont consacré les grands noms tels que ceux de Schrubb, de Nurmi, de Paddock, Owens, Harbig, et des Français Jean Bouin, Guillemot, Lucien Gaudin, Suzanne Lenglen, par exemple.

La différence essentielle entre les jeux qui commencent et ceux de 1936 sera dans l’absence de l’équipe allemande, qui, il faut le reconnaître, avait alors produit une pléiade d’athlètes telle qu’aucun pays en Europe n’en avait jamais présenté. Pourquoi faut-il qu’au lieu de rechercher la gloire dans ces luttes pacifiques du stade ces beaux athlètes aient préféré se laisser entraîner dans la folle aventure voulue par une caste dont l’orgueil et l’esprit de conquête ont anéanti et déshonoré toute une génération ?

Si bien que, cette fois, la supériorité des Américains sera écrasante, et qu’ils remporteront, malgré la valeur des Suédois, des Finlandais et de quelques individualités, la plus grande partie des épreuves. Nos hommes, devant une telle sélection, ne peuvent guère espérer de première place en athlétisme pur, mais nous remporterons certainement quelques accessits, et il est probable que plusieurs records de France seront améliorés.

Par contre, dans les autres sports, où notre palmarès olympique est déjà imposant (poids et haltères, cyclisme, yachting, etc., où nous avons triomphé souvent dans le passé, nous pouvons cette fois encore espérer quelques victoires. Entre autres en natation, où, derrière Jany, nous avons plusieurs hommes de grande classe, et en boxe, où nos deux jeunes « gars du Nord » : Humetz et Novicki, qui viennent de se couvrir de gloire en Amérique, d’où ils nous ont ramené le « Gant d’Or », partiront favoris.

Ce qui est certain, en tout cas, c’est que nous assisterons à des luttes sévères et à des performances remarquables, et que, grâce à l’apport et à la vulgarisation de nouvelles techniques qui n’ont pas eu l’occasion de se produire depuis 1936, le sport fera encore, grâce aux Jeux, un pas en avant. Comme si l’essor de la machine humaine vers le « toujours plus vite, toujours plus haut, toujours plus fort » n’était pas limité par l’envergure de ses ailes !

Robert JEUDON.

Le Chasseur Français N°608 Août 1948 Page 165