La bonne circulation du sang est une condition nécessaire de
la santé ; on le sent si bien que l’on attribue aisément un grand nombre
de malaises et d’infirmités aux troubles de cette circulation. Mais c’est
prendre un effet pour une cause. Car la circulation n’est pas une fonction
première qui détermine et règle l’activité de nos organes. Bien au contraire,
c’est le fonctionnement des organes qui motive la circulation et en mesure le
débit. Particulièrement nos muscles, selon qu’ils agissent plus ou moins,
c’est-à-dire selon le mouvement que nous nous donnons, font varier le débit
sanguin dans des proportions considérables. Car les muscles ont besoin de
beaucoup de sang pour travailler ; et, d’autre part, ils représentent, en
poids et en volume, les deux tiers du corps.
Nos muscles sont rouges parce qu’ils sont gorgés de
sang ; ce sont comme des éponges tout imbibées de ce liquide nourricier.
Lorsqu’ils se contractent, ils se vident d’une partie de ce sang, comme des
éponges que l’on presse. Lorsqu’ils se décontractent, ils se remplissent de
sang nouveau, en l’aspirant en quelque sorte, en même temps que les artères le
lui amènent sous l’influence de la poussée du cœur. Ainsi, par des alternatives
de contraction et décontraction musculaires, toute partie de notre corps mise
en mouvement se trouve irriguée, suivant l’intensité de l’exercice, de deux à
huit fois plus de sang qu’à l’état de repos.
Cette augmentation du débit sanguin résulte de ce que les
muscles ne peuvent travailler qu’en consommant une grande quantité de matériaux
nutritifs. Ceux-ci leur sont apportés par le sang, sous forme de glucose, qui
est brûlé, oxydé, transformé en eau et acide carbonique à mesure qu’il leur
parvient. Cette oxydation détermine une augmentation parallèle du débit respiratoire
qui apporte l’oxygène nécessaire à une telle opération chimique.
Lorsque le mouvement se trouve localisé dans une petite
partie du corps et qu’il ne s’exécute qu’avec peu d’énergie, comme il est de
règle dans les gestes de la vie courante, l’augmentation du débit sanguin local
n’influence guère la circulation générale. Quand l’exercice met en action
vigoureuse tout le corps ou sa majeure partie, c’est dans presque tous les
vaisseaux sanguins, artères et veines, que le sang se trouve obligé de circuler
beaucoup plus vite et beaucoup plus abondamment qu’à l’ordinaire.
Il faut remarquer aussi que ce ne sont pas les muscles qui
peuvent, à eux seuls, assurer cette accélération du cours sanguin. L’organe
moteur, le cœur, intervient aussitôt que l’exercice physique exige que les
muscles soient abondamment servis de sang nourricier. Les pulsations augmentent
de fréquence, de force et d’ampleur, chacune de ces pulsations représente un
coup de pompe qui pousse dans les artères une ondée sanguine deux à trois fois
plus volumineuse que l’ondée de repos d’environ 100 centimètres cubes.
Les artères, recevant ces ondées accrues, réagissent en se
dilatant, puis en se contractant plus énergiquement ; elles participent ainsi
à l’effort mécanique du cœur.
Il n’y a pas jusqu’aux veines qui ne bénéficient de
l’accélération sanguine, surtout celles des membres inférieurs, dans lesquelles
l’inaction, l’immobilité, surtout en station debout, tendent à laisser stagner
le sang ; car, dans ces conditions, luttant contre la pesanteur, la
colonne sanguine veineuse a beaucoup de peine à remonter jusqu’au cœur :
d’où production de varices et de grosses jambes cellulitiques. Or l’exercice,
augmentant le nombre et la vigueur des pulsations du cœur, fait que celles-ci
agissent encore puissamment sur le sang veineux ; et, d’autre part, les
muscles des jambes, quand ils sont en action cadencée, comme dans la marche, la
course, la nage, le cyclisme, compriment rythmiquement les veines en chassant
leur contenu vers le cœur.
Ainsi l’exercice agit efficacement sur tous les organes
moteurs de la circulation, muscles, artères et cœur, de façon à assurer une
circulation facile et abondante.
L’inaction physique a des effets tout opposés. La
musculature, cette bonne moitié de notre corps, n’exigeant que d’insignifiants
apports nutritifs, ne fait aucun appel au travail du cœur ; et celui-ci,
qui n’est qu’un muscle, s’affaiblit à ne donner jamais que des pulsations sans
ampleur ni vigueur. Les artères perdent de leur élasticité contractile, ce qui
les prédispose à la sclérose. Les veines se dilatent sous la surcharge et la
stagnation de leur sang.
Contre ces troubles circulatoires, on emploie généralement
des régimes et des médications qui désencombrent les vaisseaux et stimulent la
contractilité du cœur et des artères ; et certes, ces traitements
s’imposent dans bien des cas. Mais l’exercice physique bien réglé paraît le
meilleur moyen d’abord de les éviter, puis de les guérir quand ils sont encore
légers.
Dès la jeunesse passée, on se laisse trop facilement aller à
l’inaction physique, à laquelle une fâcheuse loi naturelle nous prédispose et
que favorise de plus en plus le progrès mécanique. La fréquence et la gravité
des troubles circulatoires peuvent être attribuées en grande partie à cette
diminution générale de l’activité corporelle. On ne se fait et on n’entretient
un cœur souple et vigoureux que par l’exercice physique assez intense, pratiqué
pendant toute sa vie. Lorsque, faute d’avoir agi ainsi, on commence à souffrir
de troubles circulatoires, il faut recourir à l’exercice ; mais avec
précaution et méthode. La réadaptation progressive à l’effort doit d’abord être
assurée par des exercices analytiques et respiratoires. Notre gymnastique
fondamentale permet de réaliser aisément cette remise en état des muscles, des
articulations et des poumons. Après quoi, on pourra, sans danger, se donner
assez de mouvement pour avoir une bonne circulation.
Dr RUFFIER.
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