Le public est souvent intrigué par les flèches ou les croix
tracées à la craie qu’il découvre à la campagne ou en ville. Des scouts sont
passés là ...
La « piste », chez les éclaireurs, fait, en effet,
l’objet de jeux passionnants, très variés. Un groupe cherche à suivre le même
chemin qu’un éclaireur, grâce aux signes laissés par lui.
Les pistes apprennent aux garçons à observer avec
patience (distinguer dans la nature des indices de dimensions très
réduites), à interpréter les signes ainsi découverts (ces deux branches
croisées sont-elles bien une marque conventionnelle, signifiant « chemin à
ne pas suivre », ou bien ne sont-elles pas tombées ainsi sur le sentier
par pur hasard ? Cette flèche n’est-elle pas ancienne, et tracée au cours
d’un jeu précédent ?), à critiquer leur raisonnement, en revenant
toujours de l’inconnu au connu, de l’incertain au certain.
À travers un effort physique — car le parcours peut se
prolonger sur des kilomètres, —les pistes imposent donc aux
« suiveurs » toute une discipline intellectuelle.
Elles demandent un effort d’égal intérêt au
« traceur », qui doit, même dans un jeu difficile, laisser derrière
lui des signes certains, exempts d’ambiguïté.
Parmi les signes qu’utilisent les éclaireurs, certains sont
bien connus et font même partie du domaine public : ainsi le triangle,
pour signaler un danger réel.
Mais la plupart sont restés spécifiquement scouts. La flèche
à plusieurs têtes veut dire, dans un jeu, qu’il faut se hâter à cet
endroit ; si elle est barrée d’un trait, au contraire, ralentir ; de
deux traits, franchir et non contourner l’obstacle qui se présente. Surmontée
d’une petite tente d’indien, elle signifie que le camp se trouve dans cette
direction (ce symbole pictographique est emprunté aux Peaux-Rouges authentiques !).
Une croix de Saint-André indique un chemin à ne pas suivre ...
Les scouts cachent aussi des messages, en clair ou en
chiffré, sur le bord de la route, pour donner aux « suiveurs » des
instructions détaillées. Ils les signalent par ... Mais ils nous en voudraient
certainement de dévoiler tout leur langage secret, et il faut arrêter les
confidences.
Ils tracent parfois des pistes plus
« hermétiques » encore, que seuls des camarades très entraînés
peuvent comprendre. Par exemple, ils utilisent le morse de la façon
suivante : des nœuds plus ou moins espacés, sur une ficelle accrochée dans
une haie, représentent des points et des traits. Ou bien une guirlande de
feuilles différentes revêt un sens ... si l’on sait prendre l’initiale de
chaque feuille : C (chêne), À (aubépine), M (marronnier), P (poirier),
donc « camp ».
Plus subtile encore, peut-être, est la piste formée par des
branches d’un arbre, à peine visibles dans un arbre qui lui ressemble
beaucoup : le tilleul et le noisetier, l’aulne et le charme, le sycomore
et le platane. Ici, aucune erreur d’interprétation n’est possible pour un
initié : le phénomène ne s’est pas produit tout seul (tout au moins, si
les feuilles sont vertes, on ne peut accuser le vent), donc l’éclaireur est
bien passé par là.
Signalons en terminant le procédé qui consiste, pour le
traceur, à chausser des souliers ferrés d’une certaine manière, ou même imitant
le sabot d’un animal !
On voit que les scouts n’ont pas besoin, pour se guider en
forêt, des serpentins de cross-country, ni des cailloux blancs du petit Poucet.
Et qu’ils se préparent — notamment — à devenir d’excellents
chasseurs.
Fernand JOUBREL.
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