Afin de donner satisfaction à plusieurs personnes qui nous
ont demandé des renseignements sur l’élevage du chat, nous en faisons le sujet
de la présente causerie qui sera le résumé des différentes particularités que
celui qui veut s’y livrer doit connaître.
Le chat est domestiqué depuis la plus haute antiquité. En
430 avant Jésus-Christ, Hérodote nous parle déjà des chats que les Égyptiens
non seulement gardaient auprès d’eux, mais auxquels ils rendaient les honneurs
divins, leur élevant même des temples. J’ai peut-être eu tort de dire que
l’homme avait domestiqué le chat, car celui-ci a conservé plus d’indépendance
de caractère que le chien, par exemple. Il serait plus vrai de dire que le chat
a daigné vivre côte à côte avec l’homme parce qu’il y trouvait son profit, car
il est égoïste et garde rancune, à son maître de la moindre correction. Il ne
chasse pas pour l’homme en réalité, comme le fait le chien d’arrêt. Malgré
tout, le chat est un des animaux les plus gracieux. Qui n’a pas pris plaisir à
contempler de petits chats jouant avec leur mère, ou même seuls avec une boule
de papier ?
En Europe vit le chat sauvage, que quelques naturalistes
considèrent comme étant la souche de notre chat domestique. Il est trapu et
peut atteindre quelquefois presque la taille du renard ; son pelage est
riche, ses moustaches sont longues et abondantes, sa queue courte et annelée
par des cercles noirs ; il a la gorge d’un blanc jaunâtre.
En France, on rencontre quelques rares spécimens de chats
sauvages dans certaines forêts montagneuses. En 1920, l’un d’eux fut tué par
des chasseurs de Saint-Étienne, dans une forêt des environs. Ils nous le
montrèrent. C’était un mâle superbe pourvu d’un pelage soyeux magnifique ;
sa bouche était armée de dents pointues comme celles d’un petit tigre. C’est le
seul que j’ai vu ailleurs que dans les muséums.
Le chat sauvage est farouche et méchant ; aussi,
lorsqu’on lui fait la chasse, il faut avoir grand soin de le bien ajuster, car,
dit-on, s’il est simplement blessé, il se jette sans crainte sur le chasseur.
ÉLEVAGE.
— À la campagne où le chat vit en liberté, on s’occupe
bien peu de son élevage et de son alimentation, il sait rentrer au logis de ses
maîtres au moment des repas. Il n’en est pas de même pour les chats vivant en
permanence dans les appartements et pour lesquels on doit pourvoir à tous leurs
besoins, alimentaires ou autres.
La chatte est apte à la reproduction à partir de 12 à 15 mois ;
elle conserve cette aptitude jusqu’à sept ou huit ans. La durée de la gestation
est de 50 à 55 jours, en moyenne 52. Le nombre des petits, par portée, est
ordinairement de 4, mais il arrive fréquemment qu’il y ait 5, 6 et même 7 chatons.
Les chatons naissent les yeux fermés ; ils s’ouvrent
peu à peu ; le grand jour leur est préjudiciable. La mère les nettoie, et,
deux heures après leur naissance, ils sont propres et leur poil est sec. La
mère tourne ses petits sur le dos, et, en léchant leur ventre du haut en bas,
masse avec sa langue l’intestin et la vessie jusqu’à ce que leur contenu soit
évacué. Alors, procédant comme pour les enveloppes fœtales, elle avale tout,
sans laisser la moindre trace d’urine ou d’excréments. Elle continue ainsi
jusqu’à ce que ses chatons, en grandissant, aient appris d’elle à aller dans la
boîte à sciure. C’est ainsi d’ailleurs qu’agit la chienne nourrice à l’égard de
ses chiots en semblable circonstance. Le sentiment de la propreté est inné chez
ces deux mères qui payent, par des dérangements intestinaux, ce dévouement à
leur progéniture.
Il faut mettre à la disposition des chats tenus en
appartements une caisse à déjections, remplie partiellement de sable ou de
sciure qu’on renouvelle fréquemment. Les exercices physiques sont également
nécessaires aux chatons ; pour cela, rien de plus simple : une tresse
de 50 centimètres suffit, et grâce à elle les chats courent et sautent,
s’agrippent, selon que vous ferez ramper votre tresse en vous effaçant ou la
ferez monter le long du mur. Il n’y a rien de meilleur pour maintenir la
liberté de l’intestin et fortifier les muscles et l’ossature du chat. Il faut
prévoir aussi un procédé lui permettant de faire ses griffes : un vieux
fauteuil en rotin ou une planche en bois blanc recouverte d’un morceau de tapis
suffisent.
ALIMENTATION.
— En principe, le chat adulte mange les reliefs de la table
de ses maîtres. La nourriture de la mère doit être plus particulièrement
soignée et abondante pendant l’allaitement. Une chatte peut nourrir quatre
petits si elle est robuste. On lui laissera toujours une pâtée pour la nuit, si
elle a faim.
Les chatons commencent à manger à six semaines. Comme
premier repas, donner du lait chaud, mais non bouilli, l’ébullition détruisant
les vitamines, et additionné d’un tiers d’eau. Lorsqu’ils atteignent deux mois
et demi à trois mois, on leur donne, matin et soir, une soupe au lait, et, à
midi, une soupe avec potage de légumes et quelques morceaux de viande hachée.
En outre, pour aider à la formation et au développement du squelette, surtout
l’hiver, donner des fortifiants, surtout l’huile de foie de morue et la poudre
d’os frais râpés. Vers l’âge de quatre mois, distribuer la nourriture normale
des adultes, ou de la viande cuite, de cheval de préférence, avec des légumes,
ou du poisson frais, bien cuit et sans arêtes, etc.
MALADIE.
— Dans la place qui nous est réservée pour cette
causerie, nous ne pouvons évidemment pas examiner toutes les maladies du chat.
Aussi nous bornerons-nous à l’exposé de celles qui sont les plus graves ou le
plus fréquemment constatées. Voici tout d’abord les maladies cutanées.
GALES.
— On observe, chez le chat, trois sortes de
gales ; deux seulement retiendront notre attention :
1° Gale sarcoptiqne.
— Elle débute généralement par la nuque, gagne les
oreilles, le front, s’étend à toute la tête, mais dépasse rarement la partie
antérieure du cou. Les symptômes peuvent se résumer ainsi : prurit
d’intensité variable, agglutination des poils qui tombent rapidement,
épaississement de la peau par suite de la formation de croûtes très adhérentes,
etc. Ajoutons que cette forme se transmet facilement à l’homme, surtout aux
enfants.
Comme traitement, enlever les croûtes par un lavage à l’eau
tiède glycérinée ; appliquer ensuite sur la région atteinte, en la
débordant largement, soit de la pommade soufrée, soit de l’huile d’olives
crésylée au vingtième. Nettoyer la tête au bout de huit jours et renouveler au
besoin l’application. Désinfecter soigneusement la niche.
2° Gale symbiotique ou de l’oreille.
— Se traduit par un prurit intense qui porte le chat à
se gratter les oreilles avec ses pattes de derrière. À l’intérieur de la conque
on trouve un cérumen brun chocolat. On constate des troubles nerveux
intermittents et parfois des vomissements.
Nettoyer les oreilles à l’eau savonneuse tiède, de façon à
enlever le cérumen, et pratiquer une injection avec une solution de sulfure de
potassium à 1 p. 100 dans de l’eau bouillie ; sécher l’oreille et y
laisser couler chaque matin 4 à 6 gouttes d’huile d’olives crésylée au
vingtième. Désinfection de la niche.
GASTRO-ENTÉRITE INFECTIEUSE.
— Appelée encore « maladie » ou typhus des
chats, c’est une grave maladie qui est considérée comme à peu près constamment
mortelle. Elle a fait l’objet d’une précédente causerie (1). Son évolution
est si rapide (de quelques heures à deux ou trois jours) que fréquemment toute
intervention médicale est impuissante à arrêter la maladie. La vaccination
préventive est à recommander.
Le chat a la langue et les gencives tuméfiées,
enflammées ; il bave et ne peut rien avaler. Sa température est très
élevée : 39°. Le traitement comporte des injections de soluseptazine à 6
p. 100 ou de sulfarsénobenzol au dixième, jusqu’à guérison.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
(1) Voir Le Chasseur Français de février 1947.
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