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Philatélie

Bureaux anglais

de l'Amérique latine

Les timbres de l’Amérique latine connaissent une vogue croissante auprès des collectionneurs, vogue justifiée tant par l’intérêt philatélique de ces vignettes que par le bon marché relatif de beaucoup d’entre elles, compte tenu de leur rareté intrinsèque. Il est certain que, si les vieux classiques d’Amérique du Sud étaient chiffrés sur la même base de rareté relative que notre national 1 franc vermillon par exemple, les prix du catalogue devraient être multipliés par un quotient appréciable. Particularité qui n’a pas échappé à ceux des philatélistes dont la passion se double d’esprit spéculatif à longue échéance.

La philatélie latino-américaine possède un autre avantage : c’est d’offrir un champ d’études et de spécialisation excessivement vaste pour celui particulièrement intéressé par le chapitre oblitérations, timbres sur lettres, histoire postale en général, le Mexique et le Brésil n’étant pas les seuls pays intéressants en ce domaine, loin de là !

Parmi les variétés de la branche oblitérations, les marques des différents bureaux britanniques ayant opéré en Amérique latine sont particulièrement intéressantes et recherchées. Quelques-unes sont très rares.

Commençons par l’Argentine. Il semble probable que, dès 1820, il y eut à Buenos-Aires tout au moins ce que l’on pourrait appeler une organisation postale britannique, opérant par l’intermédiaire du Ship-Office vers l’Angleterre, et par navires bénévoles vers Rio-de-Janeiro, alors plaque tournante des affaires de l’Amérique du Sud. L’ouverture d’un consulat britannique suivit de peu : 1824. La voie postale la plus rapide fut alors le transit par Valparaiso et Lima : toutes les lettres de cette époque, particulièrement celles portant des intéressantes marques de transit, sont aussi rares que recherchées. Par la suite, un service mensuel maritime anglais fut créé, le port d’une lettre simple étant fixé à trois shillings et demi, ce qui, joint aux deux réales retenus en outre par la poste argentine, faisait un total onéreux.

Ce service consulaire fonctionna jusqu’à 1860, date à laquelle fut ouvert un bureau de poste relevant de Londres et utilisant les timbres anglais : ceci jusqu’à 1873. Les lettres du service consulaire sont assez rares, surtout celles des premières années. Les timbres anglais oblitérés de Buenos-Aires (B 32) ne sont pas parmi les plus rares ; mais ils font quand même des primes de cinq à six shillings sur les quatre pence et one shilling, sept à huit shillings sur les six pence, et à peu près le double pour les one penny. Ces mêmes timbres sur lettres, clairement oblitérés, voient leur prime multipliée par cinq au moins, davantage dans le cas de tarifs ou d’usages anormaux, ou encore de marques de transit et de marques maritimes hors série.

Le courrier transatlantique pour le Brésil fut bien plus volumineux que pour l’Argentine. Ce qui n’empêche que bien des points de l’histoire postale restent encore à éclaircir. Contrairement à l’Espagne, le Portugal attacha toujours une grande importance aux bonnes relations postales entre la métropole et ses prolongements d’Amérique. Des lettres du XVIIIe siècle sont connues, mais sans marques postales, et l’on ne sait rien de précis quant au service postal de cette époque.

Un service métropole-colonie fut créé en janvier 1798, et une administration postale à Rio-de-Janeiro en avril 1799 ; mais les plus vieilles marques postales conservées, du type « en ligne » habituel, ne remontent pas au delà de 1802. Le Portugal ayant déjà à cette époque des relations politiques très étroites avec l’Angleterre, la voie anglaise par l’intermédiaire d’agents britanniques, pour le courrier Royaume-Uni et Nord de l’Europe, semble avoir fonctionné dès 1805. Le tarif postal de cette époque et jusqu’aux environs de 1850 semble s’être toujours maintenu à trois shillings et demi pour les postes britanniques, plus trente reis pour le Brésil, tarif simple. Les lettres de cette période ne sont pas très rares, sauf certaines origines brésiliennes.

En 1853, un accord postal fut signé et le gouvernement britannique fut autorisé par la suite à ouvrir trois bureaux de postes, le tarif postal étant alors réduit à un shilling et la taxe brésilienne augmentée à 240 reis. Ces bureaux ne furent approvisionnés en timbres anglais qu’en 1866. Ils cessèrent de fonctionner en 1874. Les oblitérations anglaises furent C 81 pour Bahia, C 82 pour Pernambuco, C 83 pour Rio-de-Janeiro. Les primes pour ces oblitérations sont à peu près du même ordre que pour Buenos-Aires, sauf pour le six pence et le one shilling de Pernambuco (C 82) qui valent de une demie à une livre de mieux. Même échelle de cotation pour les timbres sur lettres que pour B. A. Les lettres mixtes, timbres anglais et brésiliens, ne sont pas particulièrement rares, ceci pour les raisons postales indiquées plus haut.

Les premières relations postales avec le Chili furent beaucoup plus difficiles. Les premières décades du XIXe siècle restent encore obscures, et les lettres de cette époque sont rares. En 1845, à la suite d’un accord avec la Colombie, les postes anglaises pour le Pacifique furent transitée par l’isthme de Panama, et dès 1846 un service maritime régulier vers le Chili fut créé, le consul anglais de Valparaiso centralisant le courrier en liaison avec les autorités postales chiliennes. Trois autres bureaux anglais furent ouverts par la suite. Ils ne furent approvisionnés en timbres anglais qu’à partir de 1865. Les bureaux britanniques furent fermés en 1881, lors de l’adhésion du Chili à l’U. P. U.

Toutes les lettres de la première époque en provenance du Chili, marques postales en ligne, sont rares, quelques-unes très rares. La situation change après l’accord de transit anglo-colombien de 1845, qui fit de Valparaiso le principal centre anglais sur le Pacifique. Les trois autres bureaux annexes n’eurent jamais qu’une activité réduite, et leurs oblitérations sont de rares à très rares.

La prime sur les timbres britanniques de 1865 à 1881 oblitérés C 30, de Valparaiso, est plutôt faible, légèrement inférieure à celle de Buenos-Aires. Sur lettres originales, à multiplier par trois. Le bureau de Caldera (C 37) s’apparente comme rareté à Pernambuco-Coquimbo (C 40), légèrement plus rare, surtout pour les petits timbres qui commencent à faire des primes sérieuses, au moins trente shillings pour les one penny et four pence. Quant au plus rare de tous, Cobija (C 39), la prime va jusqu’à trois livres pour n’importe quel timbre et de six à sept livres sur les one shilling ; cette oblitération est particulièrement désirable sur lettre entière. Les lettres affranchissements mixtes avec timbres du Chili sont intéressantes, surtout celles portant des marques ou des oblitérations maritimes : P. S. N. C° ou autres. Les timbres du Chili de cette époque, utilisés coupés en diagonale, n’offrent aucune rareté. De même les timbres chiliens du premier type oblitérés « cancelled », qui est non pas un indice d’origine postale anglaise comme on pourrait le croire, mais une marque oblitérante chilienne fournie par des Anglais, qui avaient sans doute oublié que l’espagnol était la langue nationale de leurs clients.

M. C. WATERMARK.

Le Chasseur Français N°608 Août 1948 Page 188