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L'aquarium d'appartement

Aujourd’hui, nous allons faire connaissance avec un poisson d’aquarium bien particulier. La singularité de sa reproduction, l’éclat de ses couleurs, l’extravagance de sa forme font de ce prestigieux poisson une vedette, au point que le débutant aussi bien que l’amateur chevronné lui font une place de choix.

Il n’a qu’un seul défaut : sa combativité ...

Car c’est bien du « combattant » (Betta splendens) qu’il s’agit.

Ce poisson a été sélectionné, amélioré, pour la décoration ou pour les combats, principalement au Siam. Il est devenu tel que nous le connaissons, assez éloigné de la forme type, avec ses nageoires simples démesurément agrandies, et paré d’éclatantes couleurs, qui varient, selon les spécimens, du rouge-carmin, au bleu-bleuet intense, au vert-émeraude brillant, au violet foncé, indépendamment des variantes claires : rose pâle, bleu pâle, etc., qui marquent la tendance à l’albinisme, fréquent en captivité.

La femelle, par contre, est de couleur assez quelconque et porte à peine la trace des riches couleurs de son époux. Les nageoires sont normales.

C’est un poisson d’une grande voracité et facile à nourrir. Il a besoin d’une certaine température, dont le minimum ne devrait pas descendre au-dessous de 18° C.

La reproduction en aquarium ne présente pas de difficultés spéciales. Elle offre, par son manège fort particulier, beaucoup d’intérêt.

Le mâle construit à la surface un volumineux nid de bulles. À cette fin, il vient prendre une gorgée d’air, qu’il mâche un instant, sans doute afin de l’enrober de la bave qui l’empêchera d’éclater. Il rejette chaque bulle à l’endroit choisi par lui, là où le nid sera assez maintenu : par exemple, dans un angle de l’aquarium, ou quelquefois entre des plantes flottantes. Il procède ainsi sans arrêt jusqu’à ce qu’une masse très importante de bulles soit réunie. Le nid est prêt ... Il est temps de lui présenter une femelle, laquelle doit être absolument prête à la ponte. Une surveillance rigoureuse de quelques minutes s’impose afin de s’assurer que les deux époux s’entendent. Leur comportement est d’ailleurs suffisamment clair.

La femelle se tient sous le nid et fait de son mieux pour attirer l’attention du mâle. Celui-ci survient et l’enlace complètement, avec une extrême douceur et sans hâte. L’étreinte se resserre jusqu’à former un anneau dans quoi la femelle se retourne complètement. À ce moment, quelques œufs sont expulsés, aussitôt fécondés. Puis l’étreinte se desserre, les poissons tombent lentement vers le fond, pour retrouver tout à coup leur attitude normale et s’empresser de prendre dans la bouche les œufs et d’aller les rejeter sous le nid, où ils demeurent adhérents.

De semblables enlacements et les pontes se répètent et durent ainsi quelques heures, après quoi il convient de retirer la femelle, qui risquerait fort d’être dangereusement malmenée. Car le mâle, dès lors, monte une garde vigilante sur la ponte.

De même, après l’éclosion, les jeunes qui coulent ou qui veulent s’éloigner sont happés, mâchés ... et recrachés intacts sous le nid de bulles qui les recueille.

L’élevage des jeunes, je l’ai dit, n’offre pas, en réalité, de bien grandes difficultés, mais c’est là l’affaire de pisciculteurs spécialisés, où l’amateur débutant risque fort de n’avoir que d’assez piteux résultats. Du moins, son ambition saura se borner à n’obtenir que quelques beaux spécimens choisis parmi cette nombreuse descendance.

Autre particularité du combattant : il respire l’air en nature assez fréquemment, au moins pendant la période juvénile, moins souvent plus tard. De cette façon, il ne craint point la vieille eau, même de pureté douteuse, ni les températures élevées. Le combattant se contente des récipients les plus exigus : il est déjà possible de le conserver dans un quart de litre d’eau. Quelques litres le mettent tout à fait à l’aise ; et ceci lui fera pardonner la complication de l’isolement nécessaire.

Le macropode (Macropodus viridi auratus) ressemble assez à son congénère ci-dessus, mais il est de couleurs moins éclatantes, bien que sa livrée à bandes verticales bleues et rouges alternées, ses nageoires rouges le classent parmi les beaux poissons. Il est plus volumineux et il offre l’avantage très appréciable de ne pas craindre du tout les basses températures allant jusqu’à 10 ou 12° C. pendant toute la durée de l’hiver. Il est solide et généralement peu combatif. C’est donc un poisson très recommandable. Sa reproduction est sensiblement la même.

J’ai l’impression que, muni de ces deux espèces, l’aquariophile éprouvera de grandes satisfactions et s’intéressera beaucoup à l’observation de ces mœurs assez inhabituelles ...

Notons que, toujours dans cette même famille, l’un des très proches parents du combattant ne fait pas de nid, mais qu’il est plus singulier encore dans sa reproduction : littéralement, la femelle et le mâle « jouent à la balle » avec les œufs. Le mâle conserve toute la ponte dans sa bouche, où se fait l’incubation. Malheureusement, ce poisson n’est pas importé en France, où l’aquariophilie demeure très en retard.

J. GARNAUD.

Le Chasseur Français N°608 Août 1948 Page 189