La Société canine bretonne entreprend une œuvre de longue
haleine, sans doute hérissée de plus de difficultés que ne fut la réforme de
l’épagneul breton au début de ce siècle. Nous partîmes en effet de l’avant avec
un cheptel bien fourni et, quoi qu’on en ait dit, aussi homogène qu’on pouvait
le souhaiter. Les difficultés que nous aurons à vaincre maintenant pour faire
revivre un courant fauve (exactement un briquet fauve à poil dur) rappelant le
grand chien fauve disparu sont autrement nombreuses. La matière première fait
quelque peu défaut et, en outre, parmi les amateurs intéressés, ceux qui ont la
chance d’avoir moins de soixante ans, aucun n’a vu les derniers représentants
des fameux chiens à loups célébrés par le R. Davies, au mi-temps du siècle
dernier. Aux premières années du présent siècle, il existait encore quelques
équipages et nombre d’isolés. Pour ma part, j’ai pu admirer en Haute-Bretagne,
en 1900, un lot de six à huit paires de fauves sous robe froment doré, que
n’eussent pas désavoués les compagnons des Saint-Prix du Frétay et autres
chasseurs de loups.
Leur propriétaire leur reconnaissait toutes les
qualités éminentes de leur race et aussi le caractère entier et batailleur,
cause principale de la désaffection dont ils ont été victimes. Tant qu’il y eut
du loup on les conserva : leur grand courage devant ce carnassier si
redouté des autres chiens en faisait de précieux auxiliaires. Le loup disparu,
et même avant, on eut recours à des croisements pour les assagir, et je tiens
d’un veneur breton mort presque centenaire, il y a une vingtaine d’années, que
ce fut surtout le croisement avec le griffon vendéen, le seul vraiment
pratiqué. Les traces de ce sang apparaissent nettement dans les têtes d’un
certain nombre des briquets fauves qui nous ont été présentés.
Car ce qu’il demeure de la race n’est que briquets réputés
pour leur qualité comme chasseurs de sangliers, ayant hérité du courage de la
souche ancestrale, réputés aussi pour la finesse de leur nez comme chiens à
lièvre. Il faut se rappeler que seuls les chiens bien doués sous ce rapport
pouvaient prétendre au rôle de rapprocheurs de loups, dont la voie est légère,
rapprocheurs dépêchants, car les traînards n’étaient pas là à leur place.
Nous allons donc travailler ce cheptel, puisque, moins
heureux que nos collègues du Nivernais, nous n’avons pas la chance comme eux
d’avoir conservé notre chien provincial sous ses deux formats, le grand fauve
étant disparu.
Se souvenir que le fauve de Bretagne était un chien à poil
dur, très peu broussailleux d’aspect, et qu’il en était de très authentiques
presque à poil plat, avec un peu de poil dur aux lèvres et aux sourcils
seulement. C’est au croisement vendéen qu’on dut le gros poil.
La tête de notre objet diffère considérablement de celle du
vendéen, telle qu’elle était autrefois, plus courte et carrée que maintenant
(chez le basset en particulier), avec une oreille plus plate et plus arrondie.
Enfin le « stop » du fauve est beaucoup moins accusé que celui du
chien de Vendée. Mieux que toute description, la reproduction dans le Chasseur
Français de la gravure illustrant le présent article fixera l’opinion du
lecteur. On trouvera la tête de même type dans un ouvrage datant de la fin du
dernier siècle, dû à la plume de Pierre Mégnin. Enfin, dans la monographie
générale de Bylandt, figurent, page 772, les chiens Lourdaud et Glaneur,
de même modèle céphalique. Il ne peut y avoir le moindre doute, par conséquent,
sur ce qu’il doit être.
Qu’il y ait affinités entre notre chien et le Nivernais, ce
n’est pas douteux. Bien mieux, il y a eu alliances. Il y a longtemps, je voyais
exposé aux Tuileries un lot de griffons bretons-nivernais, dont certains
portaient la livrée froment doré du fauve de Bretagne. Lors d’une exposition
tenue à Bourges cette année, j’ai perçu parmi les Nivernais de petite taille
l’un ou l’autre fauve clair avec tête que nous ne désavouerions pas en
Bretagne.
Surtout il ne faut pas s’indigner et pousser les hauts cris,
si nous avons besoin de l’appui de nos confrères du Nivernais. Nous pouvons
trouver dans cette province des éléments de retrempe qui apporteront de
nouveaux courants de sang, sans modifier sensiblement l’extérieur de nos chiens
et pas du tout les aptitudes. Du fait qu’il y a eu déjà croisement entre eux,
il n’est rien de surprenant qu’il y ait des ressemblances. Alors, vu le petit
nombre des éléments dont nous disposons, rien de plus légitime que d’utiles
alliances.
Entre les deux guerres, nous avions encore un petit basset
dérivé, vif, très allant, fin de nez, nullement entêté, qu’on trouvait en
nombre. Il est inexplicable que l’élevage n’en ait pas été continué, car
c’était un modèle tout spécial parmi nos bassets nationaux, par sa taille
réduite et le train extraordinaire qu’il pouvait cependant développer.
Deux causes doivent être invoquées. Sa jolie robe l’a fait
confondre trop souvent au fourré avec lièvre ou renard. D’autre part, certains
éleveurs ont opéré des croisements avec le Teckel, d’où les oreilles plates,
les têtes en poire et un moral complètement changé. Que ces croisés chassent
lapins et autres bêtes aux voies fortes, rien d’étonnant ; mais, comme
chiens à lièvre, ils n’ont pas les mêmes vertus. Pourra-t-on ressusciter au
physique et au moral, tels qu’ils doivent être, nos petits bassicots ?
Souhaitons-le, sans toutefois trop de présomption. Actuellement, tous les
bassets un peu allants sont fortement concurrencés par le beagle de petite
taille, qui est légion. Remonter un courant d’opinion est toujours
malaisé ; enfin, il y a disproportion entre les effectifs engagés.
Pour tout dire, j’ai plus confiance dans un renouveau du
briquet, d’autant qu’il semble être l’objet d’un vif intérêt de la part
d’utilisateurs convaincus, désormais groupés en club. En avant donc pour la
résurrection du briquet fauve de Bretagne.
R. de KERMADEC.
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