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L'eau et les arbres fruitiers

Le climat.

— Les divers climats : secs, humides, se traduisent par une abondance d’eau plus ou moins grande dans le sol.

Le climat humide favorisera le développement des feuilles aux dépens des fruits. Les racines, trouvant un milieu favorable, gorgeront leurs vaisseaux de sève brute. Cette abondance de liquide oblige les bourgeons à bois à former des feuilles pour évaporer cette quantité d’eau. Dans ces conditions, une taille longue, suivie d’un pincement court répété, est tout indiquée. Au reste, tous les praticiens n’ignorent pas combien est aléatoire la formation de productions fruitières en années pluvieuses et dans les plantations situées dans des bas-fonds humides.

Sous un climat sec, les racines n’ont à leur disposition que peu d’eau. En conséquence, les bourgeons évoluent en partie en production fruitière. Le bourgeon supérieur de taille est le seul partant à bois. Un tel cas réclame une taille courte.

Le sol.

— En considérant le sol au point de vue de sa constitution, nous trouvons les mêmes facteurs qui réagissent.

Le sol argileux, retenant facilement l’humidité, permettra aux racines d’en absorber une plus grande quantité que dans un terrain léger, pauvre en eau. Comme conséquence, les arbres plantés en sol argileux fructifieront plus tardivement que ceux se trouvant en terre légère, siliceuse ou caillouteuse.

Individualité de l’espèce, de la variété.

— En examinant le végétal dans ses caractères individuels, nous y rencontrerons de grandes différences.

Un arbre à racines traçantes puise son eau dans les couches superficielles du sol, pauvre en eau. Avec des racines pivotantes, il pénétrera dans les couches profondes, plus aquifères. C’est ce qui nous explique que les poiriers greffés sur cognassiers, les pommiers greffés sur paradis, les pêchers greffés sur pruniers se mettront plus rapidement à fruits que les mêmes poiriers, pommiers, pêchers greffés sur francs.

Tous les arbres munis d’un système radiculaire puissant, traçant ou pivotant, absorberont plus d’eau que ceux à racines moins développées. Cette faculté aura sa répercussion dans l’apparition des organes à fruits. Dans le premier cas, les boutons fructifères se formeront plus difficilement que dans le deuxième. Parmi les variétés de nos essences fruitières, nous en avons qui sont plus fructifères que d’autres. Il est à remarquer que les variétés rebelles à la fructification sont munies d’un système vasculaire puissant ; la sève brute y circule en abondance, et tous les bourgeons partent à bois.

Les variétés qui fructifient facilement sont munies d’un système vasculaire réduit. Le bourgeon recevant peu d’eau évolue en bouton à fruit.

En diminuant l’arrivée de l’eau dans une variété peu fructifère, on améliore sa production. Elle s’établit plus rapidement en la greffant sur un sujet à racines peu développées. Tandis qu’en donnant à une variété fructifère un porte-greffe à système radiculaire puissant sa vigueur est réduite, tout en produisant une récolte supérieure en poids et en volume.

Mise à fruits des arbres.

— En appliquant les connaissances acquises dans l’évolution du bourgeon pour la fructification des arbres, nous pourrons utiliser les procédés étudiés modifiant l’arrivée de l’eau dans l’arbre.

Procédés agissant sur les racines.

— Le phylloxéra nous a indiqué depuis longtemps la manière d’opérer. Une vigne phylloxérée fructifie plus abondamment qu’une vigne saine, les premières années de son invasion. Un arbre rebelle à la fructification peut donner une récolte en lui coupant quelques grosses racines, ou en lui cernant le pied par un fossé circulaire d’un rayon variable selon la grosseur de l’arbre et d’une profondeur de 60 centimètres, ce fossé ayant pour but de couper l’extrémité des racines. Le travail terminé, le fossé sera comblé immédiatement après.

La transplantation d’un arbre formé l’oblige à se mettre rapidement à fructifier.

Les plantations denses à 0m,60 sur la ligne et à 2 mètres entre les lignes produisent une action analogue. Le nombre d’arbres étant augmenté, le volume d’eau contenu dans le sol, restant constant, se trouvera réparti dans chaque arbre en quantité plus réduite.

Procédés agissant sur la tige, les branches.

— En allongeant la tige, les charpentières, le nombre de coursonnes est augmenté, et l’arrivée de l’eau dans chacun de ces organes se trouve réduite. Par ces tailles successives, on multiplie les plaies produites avec le sécateur, qui, par la suite, deviennent des obstacles à la circulation, en mortifiant les tissus et en obstruant les vaisseaux.

Les praticiens savent très bien que, pendant la période de formation d’un arbre, la fructification est nulle. L’arbre donne naissance à des rameaux à bois, mais, aussitôt la charpente établie, apparaissent les boutons à fleurs.

Les mêmes effets seront obtenus en réduisant la circulation de la sève brute ; en pratiquant un cran, une entaille, une incision ; en inclinant vers l’horizontale les tiges (cordons obliques et horizontaux). L’ascension de la sève est à son maximum dans la position verticale, elle passe au minimum quand elle se rapproche de l’horizontale. Par la compression ou par l’aplatissement des vaisseaux, par l’arcure, la courbure et la torsion des rameaux, on arrivera aux mêmes résultats.

En réduisant la surface foliacée, on diminue l’ascension de la sève, le vide produit dans les vaisseaux oblige la sève à couvrir un plus grand parcours et à se répartir sur un plus grand nombre d’organes. L’ébourgeonnement, le pincement, l’effeuillage, la taille en vert permettent d’arriver à ce but. Enfin, en favorisant le développement des bourgeons stipulaires latents, nous obtiendrons des vaisseaux libéro-ligneux très réduits, condition favorable pour leur transformation en bourgeons fructifères. Par la taille sur rides, à l’écu, on arrive au même but.

Conclusions.

— Il ne suffit pas que les bourgeons à fleurs soient nombreux au printemps pour obtenir une bonne récolte, il faut que l’arbre puisse nourrir les fruits qu’il possède. C’est qu’en effet les mêmes causes qui favorisent la fructification rendent aussi plus sensible l’arbre fruitier à la sécheresse, en s’opposant à l’arrivée de l’eau dans les coursonnes. Les fruits sont exposés à se dessécher lorsque l’arbre vit dans un sol sec, non pas au printemps, à l’épanouissement des bourgeons, mais plus tard, lorsque le système foliacé s’est développé, au moment où l’évaporation est à son maximum. Toutes les fois que le végétal souffre de la sécheresse, les feuilles fonctionnent mal, la maturation s’accomplit dans de mauvaises conditions.

De ce qui précède, tirons les conclusions suivantes :

1° Plantations en coteaux, sol sec, peu profond, où la formation des bourgeons fructifères est abondante. Employer des variétés précoces vigoureuses greffées sur un sujet à système radiculaire puissant conduit en forme peu étendue soumise à la taille courte. Pour leur mise à fruits, ne jamais utiliser les procédés qui obstruent l’arrivée de l’eau dans le bourgeon. Le sol sera copieusement fumé avec des engrais organiques. Pour maintenir la fraîcheur, on entretiendra la terre meuble par des binages répétés.

2° Plantations en sol frais, riche, où le bourgeon à fruit évolue plus difficilement. On adoptera l’un des procédés passés en revue, pour arriver le plus rapidement à la fructification. Plantation dense, avec des formes étendues en surface. Variétés à gros fruits, greffées sur porte-greffes à racines traçantes. Adopter la taille longue, l’arcure, et effectuer toutes les opérations d’été : pincement, taille en vert.

E. DÉAUX.

Le Chasseur Français N°622 Octobre 1948 Page 219