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Chronique médicale

L'hypertension artérielle

Bien que ce sujet ait été déjà souvent traité, il n’est pas inutile d’y revenir, tant pour répondre au désir de quelques lecteurs que pour mettre au point les conceptions modernes de cette affection.

La notion d’hypertension n’est guère devenue courante que depuis une trentaine d’années, c’est-à-dire depuis que les appareils de mesure sont devenus d’utilisation courante, bien que les troubles et les accidents qui lui sont dus étaient connus ; on les englobait sous le terme d’artério-sclérose, que l’on considère aujourd’hui plutôt comme une conséquence que comme une cause de l’hypertension permanente. La tension artérielle est la pression exercée par le sang circulant sur les parois des vaisseaux qui le contiennent : elle peut être influencée par divers facteurs.

Contrairement à une opinion répandue dans le public, la quantité et la viscosité du sang interviennent fort peu, le sang n’est ni trop épais ni trop abondant ; des mécanismes très précis maintiennent sa concentration, et le système vasculaire, si extensible, avec les vastes réservoirs qui lui sont annexés dans la plupart des viscères, peut toujours largement contenir la masse circulante. La fréquence des contractions du cœur augmente la tension, après les efforts par exemple, mais il ne s’agit là que d’une action transitoire chez ceux dont le cœur fonctionne normalement, ce qui est le cas de la plupart des hypertendus. Reste une dernière cause, la plus importante, c’est la résistance périphérique.

Tandis que l’aorte et les grosses artères renferment dans leur paroi de nombreuses fibres élastiques, celles-ci font défaut dans les artères de petit calibre et surtout dans les artérioles, dont la tunique renferme surtout des fibres musculaires susceptibles de se contracter et, par conséquent, de réduire le volume du réservoir considérable que forme l’ensemble de ces petits vaisseaux.

Normalement, il se produit constamment des alternances de relâchement et de contraction dans les parois des différentes parties du système artériolaire, de vaso-dilatation et de vaso-constriction, comme l’on dit : les petits vaisseaux des membres se contractent lorsque ceux des viscères abdominaux se dilatent, en période digestive par exemple, de façon que le sang afflue plus abondamment là où les échanges sont les plus actifs. C’est la tonicité, le tonus des artérioles qui conditionne la tension sanguine. Le volume de sang que peut contenir l’ensemble des artérioles est considérable, et une constriction généralisée, même faible, peut entraîner une élévation très marquée de la tension.

Le tonus vasculaire est régi d’une façon réflexe, c’est-à-dire indépendant de notre volonté, par le système nerveux sympathique, agissant sur les fibres musculaires par l’intermédiaire de l’adrénaline, substance sécrétée par les capsules surrénales, petits organes placés au-dessus des reins.

En dehors des causes nerveuses, qui sont habituellement passagères, et de celles résultant d’un mauvais fonctionnement de certaines glandes, en particulier de l’hypophyse et surtout des capsules surrénales, la majorité des hypertensions sont dues au fonctionnement rénal ; lorsque celui-ci se fait mal, en cas de néphrite chronique, l’organe n’épure pas suffisamment le sang, laisse en circulation des substances qu’il devrait normalement éliminer, dont l’urée est la plus facile à doser, et il s’ensuit une hypertension qui tend à devenir permanente ; et c’est encore le rein qui est incriminé, selon les théories actuelles, même quand il semble indemne, qu’il n’y a pas de néphrite concomitante.

Le rein sécrète, en effet, une substance vaso-constrictive, hypertensive par conséquent, qu’on a appelée la rénine, mais dont le mode d’action n’est pas encore entièrement élucidé, car elle ne semble pas agir directement, mais en combinaison avec d’autres substances encore mal définies, et ce serait à l’excès de cette rénine dans le sang que seraient dus la majorité des cas d’hypertension permanente.

La connaissance plus approfondie de ces phénomènes amènera peut-être la découverte d’un médicament réellement spécifique, agissant sur la cause de l’hypertension, mais, dès aujourd’hui, la thérapeutique est loin d’être désarmée. La chirurgie, par des interventions sur les ganglions sympathiques, a déjà de nombreux succès à son actif ; la médecine possède toute une gamme de médicaments, sédatifs, neuro-vasculaires et vaso-dilatateurs, dont certains provoquent la dilatation des artérioles ; l’action bienfaisante de certaines cures thermales, comme celle de Royat, n’est plus à démontrer ; quant au régime, son rôle reste primordial dans cet ensemble thérapeutique ; sans rien exagérer, il sera végétarien et fruitarien en grande partie, avec réduction de la viande, réduction très forte— allant parfois jusqu’à la suppression — du sel ; l’activité physique devra être bien réglée, sans être pour cela toujours réduite.

L’hypertension, maladie de la seconde partie de la vie et, avant tout, maladie de civilisés, peut, à cause de sa grande fréquence et des dangers auxquels elle expose, être considérée comme un des fléaux sociaux ; elle est due pour une grande part à l’état de tension nerveuse permanente dans lequel nous vivons et contre lequel on peut donner d’excellents conseils, malheureusement plus faciles à donner qu’à suivre.

Dr A. GOTTSCHALK.

Le Chasseur Français N°622 Octobre 1948 Page 231