L’Agronomie Tropicale publiée par le ministère de la
France d’Outre-Mer, rédigée par la Section technique d’agriculture tropicale, a
publié un important travail de M. J. Marinet, conseiller de l’Agriculture
du Gouvernement cambodgien.
Nous avons jugé intéressant de le condenser à l’intention
des lecteurs du Chasseur Français.
En 1921, la population indigène du Maroc était évaluée à 4 millions
d’habitants, vivant sur 7 millions d’hectares de terres cultivables, dont
moins de 2 millions emblavés en céréales ; le reste étant en
jachères. En 1946, il y a 8 millions d’âmes, 5 millions d’hectares
sont cultivés, mais les faibles rendements ont encore diminué. Le paysan
marocain ne dispose pas des moyens et de la main d’œuvre nécessaires. Le nombre
des consommateurs croît plus vite que la production.
La colonisation européenne fournit 9 p. 100 de la
récolte avec des rendements de plus de 10 quintaux en culture mécanique.
Le paysan marocain donne 91 p. 100 avec les rendements
les plus variables et les plus faibles, en moyenne de 4 à 6 quintaux. La
sécheresse aggrave encore la situation, les années de disette sont fréquentes.
En 1945, la famine eût existé sans les importations françaises de céréales.
La nécessité d’une évolution très rapide de l’agriculture
chérifienne s’imposait. Deux voies se présentaient :
1° En essayant d’améliorer progressivement les méthodes de
l’agriculture locale, il fallait beaucoup de temps et les résultats n’étaient
pas certains, comme le montraient divers exemples dans l’Union française.
2° En appliquant les procédés de la colonisation européenne
avec l’utilisation d’engins mécaniques puissants, suppléant à l’insuffisance en
poids, force et nombre des animaux de trait utilisés dans le pays, mais
respectant les us et coutumes relatifs à la propriété et à la répartition de la
récolte.
Or, un matériel mécanique puissant exige un personnel
instruit, il coûte cher et doit traiter une grande superficie de terrain. Le
personnel doit être robuste, en bonne santé ; il faut donc veiller à son
hygiène, à son alimentation, à son logement et lui assurer l’assistance
médicale.
Une œuvre de cette importance ne pouvait être tentée que par
le Gouvernement chérifien. Le dahir du 26 janvier 1945 créa la Centrale
d’équipement agricole du paysanat (C. E. A. P.), qui procure
sous forme de prêts, vente, location, transit ou louage d’ouvrage, tous moyens
techniques nécessaires à l’agriculture et l’élevage marocains.
Le dahir, du 5 juin 1945, organise les secteurs de
modernisation du paysanat (S. M. P.), qu’il définit comme « des
établissements publics » créés par la puissance publique qui en fixe les
limites. La création peut être décidée d’office ou sur l’initiative des
intéressés.
Les deux dahirs sont rédigés de manière à leur laisser toute
la souplesse désirable pour s’appliquer à tous les cas très divers qui peuvent
se présenter, particulièrement en ce qui concerne le régime des terres.
Les S. M. P. utilisent comme personnel leurs
adhérents. Ils tendent vers une grande autonomie, mais sont soumis à une double
tutelle : l’autorité du contrôleur civil et le caïd, qui président le
conseil d’administration. Le secrétariat permanent du paysanat rend les
délibérations exécutoires.
Prenons comme exemple le S. M. P., n° 8, d’Ain Chegag,
créé en avril 1944, à 15 kilomètres au sud de Fez, comprenant 17.500
hectares de terres collectives occupées par la tribu arabe des Sejaa de 6.000 âmes
sur 6.000 hectares et par la tribu berbère des Aït-Aïache de 3.500 personnes
sur 10.000 hectares, toutes deux commandées par le même caïd, résidant à
Fez.
Les bâtiments ont été installés sur un plateau rocheux à peu
près au centre des terres ; des routes ont été tracées et construites.
Pour la campagne 1946-1947, 480 hectares furent
cultivés.
La programme 1947-1948 comporte 920 hectares de céréales
et selon les possibilités d’irrigation 44 hectares ; plus 15 hectares
de cultures fruitières irriguées. La direction pense qu’ultérieurement, après
création de puits, il sera possible d’arriver à 3.000 hectares de terres
irriguées.
Il a été utilisé, selon les plantes cultivées, de 200 à 400 kilos
de superphosphate à l’hectare et de 100 à 200 kilos de chlorure de
potasse.
Le matériel utilisé se compose de :
2 tracteurs de 55 CV à chenilles, 1 de 30 CV à
roues, l de 28 CV à roues.
2 camions de 3t,5, 1 de 2t,5, une
Jeep.
4 chariots, dont 3 à pneus.
3 charrues à 4, 5 et 6 disques, 3 déchaumeuses.
3 covercrops, 1 gros scarificateur, 1 soussoleur.
3 semoirs, 4 distributeurs d’engrais.
3 moissonneuses batteuses, tractées avec des barres de coupe
de 1m,80, 3 mètres et 6 mètres.
Plus le petit matériel habituel.
Le cheptel vif compte 9 mulets et 7 chevaux.
Le personnel européen se compose de : un directeur, un
adjoint, un chef de culture, un comptable, un aide-comptable, un mécanicien, un
aide-mécanicien, un chauffeur, un conducteur de travaux, un instituteur, une
infirmière de la Croix-Rouge, une infirmière conductrice de la Croix-Rouge avec
ambulance.
Le personnel marocain est formé de chefs de chantiers,
ouvriers spécialistes formés sur place et de la main-d’œuvre appartenant aux
tribus adhérentes. Ils sont tous payés au tarif officiel. Chaque homme reçoit
900 grammes de maïs par jour ; les femmes et les enfants 300 grammes.
Chaque fois qu’il est possible, des ventes de vêtements sont faites.
Les dépenses afférentes au service de Santé et à
l’Enseignement sont remboursées par ces services.
Au 10 octobre 1947, 35 millions de francs étaient
investis, tant en matériel que constructions, défrichements et plantations.
La première récolte 1946-1947 peut être évaluée à 4 millions
de francs, payant les frais de culture et une partie de l’amortissement.
En octobre 1947, il avait été créé 31 S. M. P.
selon des formules très variées et dans des milieux forts différents, tant en
terres collectives qu’en propriétés particulières.
Victor TILLINAC.
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