Un nouveau mode de traction se répand actuellement avec
rapidité des deux côtés de l’Atlantique : il s’agit des locomotives
Diesel, disons plutôt : de la locomotive Diesel électrique.
Transmission hydraulique.
— Le moteur Diesel s’est imposé à bord des « poids
lourds », à cause de son économie et de sa robustesse. Il consomme un
combustible beaucoup moins coûteux que l’essence, le gas oil, et possède un
rendement très élevé, dû aux températures considérables mises en jeu dans les
cylindres.
Installé à bord d’une locomotive, ce genre de moteur
conserve son rendement élevé, atteignant 38 p. 100, soit environ 28
p. 100 pour le rendement total de la locomotive, contre 12 p. 100
pour une bonne machine à vapeur. Autrement dit, la locomotive à vapeur gaspille
88 p. 100 des calories représentées par le charbon, tandis que la
locomotive Diesel en gaspille 72 p. 100 seulement.
Bien entendu, le moteur Diesel peut être stoppé durant les
arrêts, ce qui diminue encore la consommation. Le gas oil est moins encombrant
que le charbon, si bien qu’une locomotive Diesel peut emporter du combustible
pour plus de 1.000 kilomètres.
L’entretien des moteurs Diesel est réduit : il se
borne, en général, à un échange de pièces standard. Les immobilisations sont
donc rares, et la « rotation » du matériel peut être accélérée.
Actuellement, les deux locomotives Diesel électriques de la
S. N. C. F., développant chacune 4.000 CV, effectuent
chaque jour un aller et retour Paris-Lyon, totalisant par an plus de 300.000 kilomètres.
Chacune remplace, approximativement, trois locomotives à vapeur.
Pour les autorails et les « loco-tracteurs » de
gare, une transmission mécanique de type « automobile » avec
embrayage et boîtes de vitesses suffit. Dès que la puissance dépasse 600 CV,
il faut faire appel à des « transmissions souples » du type
hydraulique ou électrique.
La transmission hydraulique fluid drive (qui a donné
d’excellents résultats pour le confort et l’agrément de conduite des voitures
de luxe) s’est peu répandue dans le domaine ferroviaire.
Engins Diesel électriques.
— Très supérieure, la transmission électrique est
complexe, coûteuse, mais techniquement parfaite.
Le moteur Diesel est installé dans la caisse du véhicule et
fait tourner une dynamo à courant continu : c’est une véritable
« centrale sur rails » qui alimente les moteurs électriques de
traction ; ceux-ci entraînent les roues.
Vous me direz que des pertes sont inévitables dans ces
transformations successives, mais ces pertes sont compensées, et au delà, par
des avantages. La conduite de la locomotive s’effectue à l’aide d’une manette
qui agit sur l’injection d’huile combustible au Diesel. Un système automatique
fait varier parallèlement l’excitation de la dynamo, afin que la puissance soit
transmise dans les meilleures conditions au moteur de traction.
L’emplacement du Diesel n’est plus imposé par la
transmission. On peut utiliser un certain nombre de moteurs de traction
répartis sous la locomotive, ou même sous le train, ce qui accroît l’« adhérence ».
Plusieurs locomotives Diesel électriques peuvent être groupées en « unités
multiples » et conduites par un seul mécanicien.
Nouvelles locomotives américaines.
— Devant les bons résultats fournis par les deux
locomotives Diesel-Sulzer de 4.000 CV, la S. N. C. F. vient
de commander vingt locomotives de 3.200 CV aux États-Unis. Ces machines
seront équipées de deux Diesels de 1.600 CV dans une seule caisse ; elles
seront utilisées pour la remorque des rapides, express, messageries,
« marchandises ».
Des locomotives électriques de 2.000 CV, montées sur
deux bogies moteurs à trois essieux, sont prévues pour l’exploitation
« marchandises » de la section nord de la Grande Ceinture de Paris.
En Amérique, les locomotives Diesel électriques atteignent
des proportions colossales ; elles sont constituées par deux, trois, ou
même parfois quatre éléments identiques de 500 à 2.000 CV, montés sur des
bogies à trois essieux contenant les moteurs électriques. Baldwin a construit
des locomotives couplables de 4.000 CV et des locomotives de 6.000 CV
qui remorquent, sur le parcours accidenté des Rocheuses, des trains de
voyageurs de plus de 1.000 tonnes et des « marchandises » de
5.000 tonnes.
La robustesse de ces puissants engins est remarquable. Les
menues réparations sont effectuées en cours de route, suivant la formule « paquebot »,
et le parcours mensuel dépasse fréquemment 40.000 kilomètres. Le
constructeur de la récente 6.000 CV de l’Atchinson Topeka et Santa Fe Railway
affirme paisiblement que sa machine roulera 1.600.000 kilomètres en trois
ans, sans exiger de révision générale ! Le poids total de cette locomotive
est de 450 tonnes, sa vitesse maxima de 192 kilomètres à
l’heure ; elle possède trois moteurs Diesel de 2.000 CV à 16 cylindres
en V et turbocompresseur : c’est incontestablement une des plus
belles réalisations de la technique « Diesel électrique » sur rails.
Pierre DEVAUX.
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