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Causerie juridique

Sociétés communales de chasse

Au cours de ces derniers mois, nous avons reçu de différents correspondants des demandes de renseignements au sujet des sociétés communales de chasse ; en général, il s’agissait de savoir si, dans tel ou tel cas, on était fondé à demander ou à refuser l’entrée dans la société. La question, certes, n’est pas nouvelle et à diverses reprises nous l’avons envisagée dans nos causeries. Mais, puisque la correspondance qui nous parvient nous montre que la question est loin d’être épuisée, il nous paraît utile d’y revenir.

Le point essentiel qu’il convient de mettre d’abord en lumière est le suivant : les sociétés communales de chasseurs, à la différence des sociétés départementales, n’ont aucun caractère officiel ; leur existence, pas plus que leurs conditions d’organisation, n’est prévue par aucune disposition légale ou réglementaire ; il n’existe pas pour elles de statuts types. Bien qu’il arrive souvent que les autorités locales interviennent dans leur création, l’élaboration de leurs statuts est laissée, en principe, à la libre appréciation de leurs créateurs, qui, notamment, jouissent d’une entière liberté pour déterminer les conditions à imposer à ceux qui demandent à faire partie de la société communale.

Il résulte de là que la question de savoir si c’est ou non à bon droit que, dans tel cas déterminé, l’entrée dans la société est refusée à un candidat est avant tout une question d’espèce dont la solution dépend des statuts de la société. Cependant, nous pensons qu’il est possible de poser certaines règles susceptibles de servir à résoudre les difficultés qui, dans la pratique, se présentent le plus souvent.

En général, l’acte constitutif d’une société communale de chasse est conçu ainsi qu’il suit : l’acte énonce que la société est formée entre telles et telles personnes, désignées par leurs nom et prénoms, domicile, avec leur qualité de propriétaire, possesseur ou fermier de telle propriété. L’acte ajoute que pourront en outre faire partie de la société toutes personnes remplissant telles ou telles conditions.

Bien qu’on ne puisse poser en règle absolue que les conditions imposées pour pouvoir être après coup accepté comme membre de la société ne doivent pas être différentes de celles remplies par les premiers membres, il faut reconnaître qu’en toute équité, et en logique, une différence à cet égard peut difficilement se justifier et qu’on pourrait, à la rigueur, considérer comme constituant un abus de droit une clause de l’acte qui méconnaîtrait le principe d’égalité.

À titre d’exemple, si tous les membres primitifs de la société sont des personnes ayant leur domicile personnel dans la commune, on ne peut trouver mauvais que la même condition soit exigée de ceux qui, par la suite, demandent à être admis dans la société. Au contraire, si on a accepté parmi les premiers membres des personnes n’habitant pas la commune, mais y possédant des propriétés ou y payant des impôts, on admettrait difficilement que des personnes se trouvant dans une situation identique se vissent écartées lorsqu’elles demandent ultérieurement à faire partie de la société. Si le fait venait à se produire, le candidat évincé pourrait être fondé à se pourvoir devant le tribunal contre la décision prise à son égard, surtout si cette décision ne reposait pas sur une clause formelle de l’acte de société.

Le cas du fermier rural, au point de vue qui nous occupe, présente, depuis la promulgation du texte lui accordant le droit de chasser, un intérêt particulier. On sait que, dans la législation actuelle, le fermier a le droit de chasser sur les terres qui lui ont été affermées, même si ce droit ne lui a pas été accordé par un bail antérieur à la loi, ou lui a été expressément refusé, dès lors qu’il n’y a pas renoncé expressément dans les formes légales. On a paru croire qu’il résultait de là que les fermiers étaient en tous les cas susceptibles d’adhérer à la société communale de chasse de la commune de leur exploitation. Mais il n’en est rien.

On ne doit pas oublier, en effet, que, si la loi fait bénéficier le fermier du droit de chasser, elle ne lui confère pas le droit de chasse, qui continue à reposer sur la tête du propriétaire et dont ce dernier seul peut disposer au profit des tiers. Or l’adhésion à une société communale de chasse n’a pas seulement pour effet de conférer à l’adhérent le droit de chasser sur les terres louées à la société, elle a aussi pour effet de donner aux associés le droit de chasser, sur les terres sur lesquelles l’adhérent a le droit de chasser. Et il n’est pas douteux que le fermier, s’il a le droit de chasser personnellement, n’a pas le droit d’autoriser les tiers à chasser sur les terres qui lui sont affermées.

La situation serait différente si le propriétaire avait lui-même adhéré à la société de chasse ; par cette adhésion, il aurait donné aux membres de la société, comme il en avait le droit, la faculté de chasser sur les terres affermées ; il ne serait donc plus fondé à s’opposer à l’entrée de son fermier dans la société de chasse en se basant sur son droit de propriété. En cette hypothèse, le fermier serait donc fondé à demander à faire partie de la société communale de chasse, s’il remplit par ailleurs les conditions imposées par les statuts de la société.

Si, en effet, la loi confère au fermier le droit de chasser sur les terres qui lui sont affermées, le fermier n’en est pas moins, au regard de la société de chasse, un tiers dont l’admission reste subordonnée aux conditions exigées par les statuts.

Paul COLIN,

Avocat à la Cour d’appel de Paris.

Le Chasseur Français N°623 Décembre 1948 Page 242