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Barbillons, lamproies, poissons-chats

Barbillons au vif.

— Avant que le lit de la Loire, à travers Nantes, fût transformé, on pêchait souvent sur les cales de l’Hôtel des P. T. T., de la poissonnerie, de l’embarcadère du « Roquio » à la gare de la Bourse. Le bras de la Bourse était riche en barbillons ; en temps normal, c’était la plombette au fromage de gruyère ; pendant la saison de remontée des civelles, on faisait, avec ces petites bêtes, de bonnes prises.

Le meilleur moment était la marée montante ; à ce moment, de basse Indre, Indret, le Pellerin, les bateaux de pêche remontaient la Loire pour se livrer à la capture des civelles dont ils remplissaient quantité de sacs ; ces prises étaient expédiées en Espagne pour être mises en conserve ; elles revenaient, après, en France. Dans toute la région, les civelles étaient vendues, par les marchandes de poissons, en pains de la grosseur d’une moyenne orange. Et, si de nombreuses personnes s’en régalaient, les barbillons, eux aussi, s’en montraient friands.

À la tombée de la nuit, on entendait souvent le bruit qu’ils faisaient en aspirant les petites bêtes, le long des murs des quais, à la surface de l’eau.

Alors, quand le « cordon » de civelles remontait le long des quais, on se mettait au travail. Comme esche, des civelles vivantes emportées dans une boîte en fer avec couvercle ; de vieux chiffons ou de la mousse bien mouillée pour les conserver bien vivantes, le temps de la pêche.

Comme matériel, je me servais des deux derniers bouts de ma canne en bambou, pour le brochet ; un moulinet simple garni de 25 à 30 mètres de ganse, force 8 à 10 kilogrammes ; au bout, une balle de 10 à 15 grammes, un avançon d’une longueur de 15 à 20 centimètres, un hameçon 3 ou 4, une épuisette indispensable.

Vous accrochez par la queue quatre ou cinq civelles à l’hameçon. Vous le descendez le long du quai à une profondeur de 20 à 30 centimètres et vous suivez le courant, votre balle de plomb touchant les murs du quai ; pour attirer l’attention du barbeau, il vaut mieux aller un peu moins vite que le courant. L’attaque est brutale ; quelquefois, si la prise est belle, la lutte est assez dure ; si on n’y va pas trop brutalement, on n’a presque jamais de pertes.

Il y avait là M. B ... qui était un fanatique de cette pêche : il n’était pas rare qu’il prît, dans sa séance d’environ une heure, trois ou quatre barbeaux dépassant le kilogramme. À la marée montante, il était à son poste, son épuisette accrochée à l’épaule ; sa gaule attachée à la ceinture, dans l’eau froide jusqu’à mi-cuisse, marchand doucement sur la cale, ne tenant compte ni du froid, ni de la pluie.

C’était une pêche bien amusante et qui peut se faire aussi bien dans un fleuve ou rivière autre que la Loire. Mais, vérité de La Palice, il faut qu’il y ait des barbillons qui l’habitent et des civelles qui y montent.

Lamproies.

— En même temps que les civelles, les lamproies montent en rivière pour pondre, puis retournent à la mer.

Vers fin mars, à Muzillac, dans l’Éloi, parurent les premières, et, bien que l’hiver 1946-1947 ait été rigoureux, il y en eut une grande quantité. Dans la région morbihannaise, les habitants ne sont pas amateurs de ce poisson : la rivière en ce moment était basse, et, dans pas mal d’endroits, on n’avait de l’eau que jusqu’au genou ; certains le prenaient avec la main entourée d’un linge pour éviter le glissement.

Le plus simple était de se munir d’une épuisette ; la lamproie, collée à un caillou, laisse son corps onduler mollement dans le courant ; on l’attaque par derrière, on relève sans brusquerie l’épuisette, et la bête est prise.

Dans le bassin de la Loire, la lamproie est très recherchée : aussi, comme ancien Nantais, en avons-nous eu souvent sur notre table. En Morbihan, par contre, la concurrence était pour ainsi dire nulle.

« C’est trop dur ! ... », disaient certains, qui ne savaient pas les faire cuire.

Une matinée, il me fut donné de voir un spectacle intéressant : je suivais la rivière, cherchant un endroit où établir mon coup, car, ce jour-là, il y avait bon nombre de pêcheurs en action. À un endroit calme d’habitude, je vis une sorte de froissement de la surface de l’eau ; je m’approchai doucement et je vis au fond collées aux pierres, trois grosses lamproies qui laissaient leurs corps onduler dans le courant ; un peu plus bas, un vrai banc de petits dards (vandoises) gros comme des sardines se régalaient des œufs que ces lamproies livraient au courant. J’essayai de les tenter (les dards) en leur offrant de superbes asticots, des vers rouges appétissants : rien, ils préféraient les œufs.

Après pas mal d’efforts, je réussis cependant à en capturer trois qui avaient le ventre plein d’œufs.

Un caillou jeté dans la bande la dispersa, mais elle se reforma en quelques secondes ... et recommença son festin.

La température hivernale ayant été, cette année, exceptionnellement douce, on espère que les lamproies viendront aussi nombreuses que l’an passé, les bonnes lamproies.

Les poissons-chats.

— Notre rivière l’Éloi vient d’en recevoir. D’où ? Personne ne le sait ; mais, au mois de mai dernier, le premier fut pris par un pêcheur d’anguilles à la varmée : il pesait 350 grammes. Personne n’en avait pris jusqu’ici ; pendant l’été, il en a été pris d’autres pesant de 205 à 400 grammes. On n’a entendu parler que d’une capture d’un petit, long de 7 centimètres. Cette invasion d’adultes n’est pas encore nuisible, ils sont peu ; mais ils vont multiplier.

L’étang de Pen-Mur, qui se trouve à 1km,500 de Muzillac, n’en a pas. Au sud, l’Éloi se jette dans l’embouchure de la Vilaine.

Seraient-ils venus par là ?

À quel moment pondent les poissons blancs ?

— La température étant douce en février, j’ai pêché dans l’Éloi, qui avait une crue assez importante. J’ai pris vandoises et chevesnes au ver rouge et au sang, pesant, la pièce, de 200 à 600 grammes.

Or, de ces prises, deux sur cinq avaient des œufs. En général, vu la température du mois de février, on ne se livre pas à la pêche par ce temps glacial. Mais ici, le thermomètre a marqué +7°, +8°, même +15° à l’ombre, le dimanche 15 février.

V. GIRARD.

Le Chasseur Français N°623 Décembre 1948 Page 256