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Le croisement industriel

Le croisement industriel, encore désigné sous le nom de croisement de première génération, est une méthode de reproduction largement utilisée pour la production des animaux de boucherie.

Dans ce croisement, on unit des sujets de races différentes dont les qualités complémentaires se retrouvent dans le produit appelé métis.

C’est ainsi qu’en faisant couvrir une brebis de race commune, rustique, bonne laitière et bonne mère, par un bélier Southdown, on obtiendra un agneau qui héritera de sa précocité et de l’aptitude à la production de la viande du père et qui bénéficiera de la rusticité de la mère. Celle-ci l’élèvera facilement et, jusqu’au sevrage, le nourrira abondamment, lui permettant ainsi d’atteindre rapidement son poids marchand.

Le croisement que nous venons d’indiquer, innové et popularisé par le marquis de Behague sur son domaine de Dampierre, en Sologne, a été, depuis, largement pratiqué, en élevage ovin, entre béliers Southdown, Charmois ou Île-de-France et brebis de races moins perfectionnées.

Il est également couramment employé en élevage bovin pour produire des veaux de boucherie. Si on croise un taureau de race précoce améliorée et lourde avec une vache bonne laitière, on obtiendra des produits de bonne conformation qui engraisseront rapidement. On utilise, par exemple, cette méthode de reproduction entre taureau Charollais et vaches Salers ou Ferrandaises, entre taureau Limousin et vaches Aubrac, Gasconnes et Garonnaises, entre taureau Gascon et vaches de Lourdes, etc.

Dans l’espèce porcine, on cherche à allier surtout les qualités de boucherie du Large White, par exemple, à la rusticité des races de pays. On obtient ainsi des porcelets plus résistants, s’élevant facilement et donnant néanmoins des porcs très appréciés en charcuterie.

Ce qui distingue ce croisement de ceux pratiqués fréquemment, d’une manière plus ou moins désordonnée, par beaucoup d’agriculteurs, c’est que les produits ne sont jamais livrés à la reproduction.

Les lois de l’hérédité démontrent et l’expérience prouve que les qualités des deux parents si bien fusionnées dans le sujet de première génération ne se maintiennent pas ainsi dans les générations suivantes. Les animaux issus de l’union de deux métis montrent des retours plus ou moins heureux aux formes parentes et, de plus, se présentent souvent décousus, disharmoniques et sans qualités. De nombreux agriculteurs, séduits par la belle apparence des sujets de première génération, sont tentés de les faire reproduire. Les résultats sont presque toujours décevants ; les races créées par métissage sont rares, malgré de nombreuses tentatives faites dans ce but. Seuls quelques éleveurs de grande classe peuvent réussir cette opération. Dans la majorité des cas, les résultats économiques sont très supérieurs en s’arrêtant avant le métissage.

On se heurte toutefois à une difficulté qu’il ne faut pas mésestimer : c’est l’obligation de ne faire reproduire que des sujets de race pure. Pour cela on doit ou bien en acheter chaque année pour remplacer les réformes, ou avoir un troupeau d’élevage pour les obtenir. Malgré cet inconvénient, ce mode de croisement est aussi bien à sa place dans les régions riches que dans les régions médiocres. Dans les premières, il sera possible de nourrir abondamment la mère et son jeune, qui sera rapidement bon pour l’abattage. Dans les régions peu fertiles, où la nourriture est insuffisante pour assurer l’élevage d’animaux très productifs, ce croisement, qui utilise un seul mâle exigeant pour une grande quantité de mères rustiques, est avantageux. On peut, en général, se réapprovisionner sur place en femelles, et il sera presque toujours possible de bien nourrir le jeune vendu à la boucherie. Étant d’une meilleure venue et d’un poids intéressant, il permettra des bénéfices voisins de ceux obtenus par l’élevage d’une race pure perfectionnée.

Le croisement industriel est encore la méthode qui conviendra aux pays en voie d’amélioration. On sait qu’une règle absolue veut qu’on doive augmenter d’abord la fertilité des terres avant de remplacer une race rustique par une autre plus exigeante. Cet accroissement de la fertilité par l’apport d’amendements, d’engrais, d’introduction de plantes améliorantes dans l’assolement, aboutit à des récoltes plus abondantes de fourrages plus nutritifs. Parallèlement, il permet l’entretien d’animaux plus perfectionnés. Le changement de race gagne à ne pas être effectué trop rapidement. Le croisement industriel pourra être la phase de transition pendant laquelle on commencera à recueillir le fruit des premières améliorations culturales.

R. LAURANS,

Ingénieur agricole.

Le Chasseur Français N°623 Décembre 1948 Page 270