C’est la seule femelle de la colonie dont les organes
génitaux soient complètement développés et qui soit susceptible d’être
fécondée.
L’accouplement se fait au cours du vol nuptial quelques
jours après sa naissance.
Par beau temps calme, la reine vierge sort de sa ruche, se
frotte les ailes avec ses pattes, puis s’envole. Au début, elle tourne devant
l’entrée pour repérer son domicile, se repose et repart, quelquefois à
plusieurs reprises. Puis elle s’élance dans les airs, assurée de se reconnaître
au retour. Les mâles la poursuivent pour accomplir l’acte génital. Le plus fort
et le plus agile arrive à ses fins selon la loi naturelle. Il est vrai qu’il y
laisse la vie.
Quant à la reine, elle retourne à sa ruche. Les ouvrières
vérifient avec leurs antennes si la copulation a bien eu lieu. Dès ce moment,
certaines de leur avenir et tranquillisées, elles entourent désormais leur
reine de soins et de prévenances comme une véritable majesté. On croirait
qu’elles se rendent compte que leur prospérité dépend de leur mère.
Sa grande fécondité lui permet une ponte quotidienne plus
lourde que son propre poids, ce qui semble extraordinaire. Elle ne s’occupe
uniquement que de sa ponte, les ouvrières se chargeant de la nourrir et de
l’élevage proprement dit.
Si deux reines viennent à éclore en même temps dans une même
ruche, aussitôt c’est une guerre sans merci où la plus agile tue l’autre, on
peut appeler cela de la sélection naturelle. Pour assister à la bataille, les
abeilles forment le cercle autour des combattantes sans prendre part au duel.
Dès que l’une est tuée d’un coup de dard, les ouvrières la rejettent au dehors
de la ruche. Il est à remarquer à ce sujet que la nature ne permet pas que les
deux rivales succombent à la fois ; dès qu’elles se trouvent ventre contre
ventre, elles se séparent immédiatement pour reprendre la lutte aussitôt. Une
seule est exterminée, l’autre assurant la postérité de la race.
Les amateurs pensent qu’il suffit d’avoir une ruche peuplée
pour récolter du miel. Mais, dès que l’on possède deux ou trois colonies, on
s’étonne des différences parfois énormes de rendement ; tandis que l’une
donnera deux hausses garnies, sa voisine arrivera à peine à faire ses
provisions d’hiver. Si de tels essaims ne sont pas malades, cela ne peut
provenir que de la reine, qui est trop vieille ou de race médiocre.
Donc, la première chose à faire pour avoir le maximum de
rendement est de posséder des reines toujours jeunes et, si possible,
sélectionnées.
La reine est l’âme de la ruche, puisque c’est d’elle que
dépend uniquement la ponte.
Tant vaut la reine, tant vaut la ruche ; c’est le
précepte dont doit s’inspirer celui qui veut avoir de grosses récoltes.
La fécondité de la reine est de courte durée. Elle fait la
moitié de sa ponte la première année, le tiers la seconde, le sixième la
troisième année et le vingtième la quatrième année.
On aura donc intérêt à la renouveler tous les deux ans pour
maintenir une bonne productivité au rucher. Les Américains, eux, changent les
reines tous les ans. Il est presque indispensable de le faire pour pratiquer
les méthodes intensives modernes.
Parfois on est étonné qu’une colonie excellente devienne
déficitaire la saison suivante ; c’est que la reine a perdu ses vertus
prolifiques en vieillissant.
Une ruche ayant une reine jeune se développera tôt en
saison ; les butineuses profitent du premier nectar des arbres fruitiers.
De ce fait, le nourrissement printanier devient inutile si les provisions
d’hivernage ont été suffisantes. De plus, nous savons qu’une reine jeune n’essaime
pas dans sa première année de ponte si cette dernière n’est pas gênée, ce qui
est un grand avantage au point de vue production mellifère, la force de la
colonie n’étant pas divisée.
Lorsqu’une colonie se trouve orpheline et qu’elle possède de
jeunes larves de un ou deux jours, les ouvrières construisent quelques cellules
royales pour ce jeune couvain, ce qui leur permet de se refaire une mère. Dans
le cas contraire, la colonie disparaîtra bientôt ; la mortalité n’étant
pas compensée par de nouvelles naissances, la ruche affaiblie sera la proie des
fausses teignes ou des pillardes.
Il arrive parfois que l’on s’aperçoive à temps qu’une ruche
est orpheline, notamment par le peu d’activité déployée à l’entrée. Une visite
à l’intérieur nous aura vite fixé, selon la présence ou l’absence de couvain.
Si l’orphelinage est récent et la colonie forte, on peut y remédier en lui
donnant un cadre de couvain frais. Huit jours plus tard, redonner encore un
autre cadre semblable si des cellules royales n’ont pas été construites sur le
premier. Au cas où l’essaim est trop faible et ne vaut pas la peine d’être
remonté, le plus simple est de le réunir à une autre colonie après avoir
aspergé d’eau sucrée et parfumée les deux essaims à réunir pour éviter des
batailles où personne n’a rien à gagner.
En résumé, une colonie ne vaut qu’autant que la reine est
prolifique, et l’apiculteur comprenant son intérêt ne négligera rien pour
arriver à ce résultat. Il vaut bien mieux n’avoir que dix ruches qui rapportent
que vingt médiocres, et c’est à cela qu’on reconnaît le véritable apiculteur.
Roger GUILHOU,
Expert agricole.
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