Le téniasis ou téniose est une affection parasitaire
déterminée par les ténias, helminthes appartenant au genre de la famille des Téniadés.
Ce sont des vers de taille variable, plats, de forme rubanée, formés d’anneaux
bien séparés, dépourvus de tube digestif ; leur tête est pourvue de quatre
ventouses et porte généralement une double couronne de crochets de dimensions
différentes dans chaque rangée. Ce sont tous des endoparasites ;
les vers adultes vivent dans l’appareil digestif des carnivores et leurs larves
habitent généralement les cavités closes, parfois les muscles, le cerveau des
herbivores. Comme leur évolution est ordinairement peu connue, nous nous
proposons dans cette causerie de combler cette lacune, d’autant plus que nous y
sommes amenés par la lettre suivante que nous a adressée M. B ..., de
Niort :
« Je vous prie de me renseigner sur le sujet
suivant : Depuis quelque temps, nous trouvons, en sacrifiant nos lapins,
une sorte de chapelet de petites boules transparentes d’environ
2 millimètres de grosseur, paraissant contenir un liquide incolore.
» Le chapelet tient aux intestins par une extrémité ou
une partie en boule le long des boyaux. Le reste de l’intérieur paraît normal
et le foie n’a absolument rien. L’animal est gras et n’a jamais paru malade.
Peut-il être consommé ? »
Nous avons vu plus haut que l’état larvaire des ténias se
trouve chez les herbivores. Deux sortes de larves se rencontrent chez le lapin :
l’une, décrite par M. B ..., se rapporte au Taenia serrata (en
scie) ; l’autre, ainsi que nous le verrons, se traduit par des boules plus
ou moins volumineuses siégeant sous la peau ou dans les interstices
musculaires, et provenant du Taenia serialis, tous deux hôtes de
l’intestin du chien.
Taenia serrata.
— Encore appelé pisiforme, il vit dans
l’intestin grêle du chien. Sa larve (Cysticercus pisiformis) vit dans le
péritoine des lapins et des lièvres, où elle est souvent enkystée par 10-20,
surtout dans les régions stomacale et pelvienne. Ce stade d’arrêt s’appelle cysticerque.
Cette larve présente l’aspect d’une vésicule pisiforme, blanchâtre, remplie
d’un liquide incolore et enveloppée d’une mince membrane transparente, sauf en
un point qui est opaque et représente la tête d’un futur ténia.
Le cysticerque ainsi enkysté reste en cet état tant qu’il
demeure chez le lapin. Pour pouvoir reprendre son développement, il faut qu’il
soit mangé par un chien. Le cysticerque arrivé dans l’estomac du chien, la
digestion détruit le kyste, mais la tête résiste, passe dans l’intestin grêle,
sur la muqueuse duquel elle se fixe aussitôt, à l’aide de ses ventouses et de ses
crochets ; cette tête se met à bourgeonner des anneaux de plus en plus
nombreux : ainsi se constitue une chaîne qui flotte dans le liquide
intestinal, et dont les articles produiront des œufs identiques à ceux qui ont
infesté le lapin. Celui-ci les a absorbés en mangeant de l’herbe souillée par
les excréments d’un chien porteur de ténias : le cycle évolutif est fermé.
L’évolution complète du ténia nécessite donc son passage par
deux hôtes successifs : d’une part, le lapin qui héberge la larve,
et, d’autre part, le chien qui abrite l’état parfait. Le premier est un hôte intermédiaire,
et c’est en le mangeant que le second, hôte définitif, s’infeste.
Taenia seriatis.
— Le cycle évolutif de ce ténia est absolument
identique à celui du Taenia serrata, à cette différence seule que l’état
larvaire occupe les interstices musculaires et le tissu conjonctif sous-cutané.
Ses larves donnent naissance à des vésicules filles, et les têtes de
ténias sont groupées en séries linéaires, d’où le mot de serialis.
Les parasites sous-cutanés sont seuls décelables du vivant
du lapin ; ils se traduisent par des tumeurs grosses comme des noix,
indolores, élastiques, recouvertes d’une peau mobile et non enflammée ;
elles peuvent être enlevées par ponction suivie d’extraction à la pince, après
incision de la peau. Les tumeurs enlevées, la viande des lapins parasités peut
être utilisée pour la consommation humaine sans inconvénient.
Le chien est l’hôte favori des ténias. Les deux tiers des
autopsies d’animaux de cette espèce en montrent dans l’intestin, peu ou
beaucoup, parfois un si grand nombre que l’on est surpris de la persistance de
la santé. C’est ce qui fait du chien un animal dangereux et une fâcheuse compensation
à ses services. Aussi ne peut-on trop signaler aux propriétaires de chiens les
inconvénients qui peuvent résulter d’une trop grande promiscuité, surtout pour
les enfants, avec ce fidèle compagnon qu’est pour nous le chien, notamment
lorsqu’il s’agit du ténia échinocoque, dont la description suit.
Ténia échinocoque.
— Parmi les treize ténias connus que peut héberger
l’intestin du chien, le ténia échinocoque est le plus facile à reconnaître, car
il mesure à peine 3 à 4 millimètres de long, et il n’est formé que par
trois ou quatre anneaux, dont le dernier seul est rempli d’œufs.
Sa larve se développe surtout dans le foie et plus rarement
dans le poumon des ruminants et des porcs ; mais elle peut se trouver chez
toutes les espèces, l’homme compris, ainsi que dans tous les organes, même les
ganglions et les os. C’est une vésicule globuleuse, blanchâtre, grosse comme
une pomme, dont l’enveloppe, au lieu d’être mince et translucide comme celle du
ténia en scie, est au contraire épaisse et opaque. Chez l’homme, elle constitue
ce qu’on appelle le kyste hydatique du foie, qui est une affection
toujours très grave réclamant une intervention chirurgicale, seule capable
d’amener la guérison.
En France, ce ténia est fréquent sous la forme larvaire,
tandis qu’il paraît rare sous la forme parfaite. On l’observe surtout chez les
chiens de bouchers, de charcutiers, de bergers, pour la raison bien simple que,
l’hôte intermédiaire étant un animal de boucherie, ces carnassiers ont plus
d’occasions que les autres de manger des viscères infestés.
Le pronostic de l’échinococcose est toujours très grave
quand l’infestation est massive, parce qu’elle cause un si mauvais
fonctionnement du foie qu’une terminaison fatale est obligée ; quelquefois
même la mort survient subitement par rupture spontanée d’un kyste dans le
péritoine, ou, à une date plus ou moins éloignée, lorsque l’un de ces kystes,
transformé en abcès, vient à infecter la séreuse péritonéale.
Voici les moyens préventifs à employer contre
l’échinococcose :
1° Il faut rendre impossible l’infestation des hôtes
intermédiaires, c’est-à-dire l’homme et les animaux, en employant les mesures
suivantes : a, débarrasser trimestriellement de leurs vers tous les
chiens, mais surtout ceux des troupeaux ; b, en évitant une promiscuité
trop intime avec les carnassiers domestiques (chiens et chats), qui, par leur
langue et leur museau, transportent souvent les anneaux et les œufs de leurs
ténias sur le visage et les aliments de leurs maîtres.
2° Rendre impossible l’infestation des hôtes définitifs en
saisissant rigoureusement tous les viscères porteurs d’échinocoques et en les
détruisant, de préférence par le feu ou la cuve à acide sulfurique.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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