L’expression « food locker » signifie en anglais
d’une façon générale : « dispositif de congélation à cœur pour
besoins familiaux », et, comme il comporte essentiellement le qualificatif
de besoins familiaux, je pense qu’il est utile de s’étendre avec assez de
détails sur cette question qui, sous très peu de temps, intéressera l’économie
particulière de chaque famille française, ouvrière, bourgeoise ou paysanne.
Au stade le plus réduit, le principe consiste à avoir une
glacière ordinaire automatique à deux étages de congélation, l’un à 0°, comme
les glacières ordinaires, et un compartiment spécial, de 10 à 15 litres de
capacité, à - 30° pour la congélation à cœur.
Ce dispositif commode et peu encombrant sera dorénavant
installé dans toutes les glacières domestiques modernes et permettra de
conserver autant qu’on le désirera une quantité limitée de nourriture.
Au stade moyen, le « food locker », installé à
domicile ou au village, est un dispositif de congélation à cœur d’une
contenance de 200 à 500 litres, dans lequel on peut conserver indéfiniment
de la volaille, des œufs, du beurre, des fraises, des morceaux de viande
préparés, des jambons.
Quand l’installation est faite au village, l’ensemble se
présente sous la forme d’une pièce calorifugée d’environ 10 mètres sur 6 mètres
et qui contient sur tout le pourtour et sur toute la hauteur des casiers
émaillés au nom de chaque usager. Chaque, casier comporte, comme à la banque,
une clef de coffre. L’usager met dans ce compartiment tout ce qu’il veut
conserver et revient avec sa clef chercher ce qui lui est nécessaire, quand il
le désire.
Dans bien des villages, j’ai assisté à la mise en conserve
de centaines de volailles que le cultivateur veut bien manger pendant l’hiver,
mais qu’il ne veut plus nourrir inutilement. Il les tue en octobre et met ainsi
à l’abri sa consommation familiale jusqu’au mois de mai. De même pour toutes
autres sortes de produits.
Très fréquemment, et même le plus souvent, les installations
collectives de village sont faites sous la forme coopérative.
Au voisinage des grands centres urbains, en banlieue ou pour
une ferme isolée, le « food locker » est installé à domicile. Il
permet de conserver tous les produits du jardin : pois, tomates, haricots,
etc., qu’on ne met plus jamais en boîtes, mais qu’on congèle ainsi à domicile
et qu’on reprend tous les jours, au fur et à mesure des besoins. De même pour
la viande et le beurre.
Que chacun évalue comme il le voudra le temps passé en
France pour mettre en boîte ou sous la graisse tous nos produits alimentaires
familiaux et qu’on veuille bien le comparer au procédé de congélation
américain. La conclusion s’impose immédiatement au point de vue commodité, prix
de revient et qualité.
Il faut enfin considérer le développement considérable du
« food locker » collectif pour la viande, tel qu’il est installé
actuellement dans les campagnes.
Actuellement, aux États-Unis, un bœuf de trois ans, de
première qualité, se vend poids vif 16 cents la livre, soit 48 francs,
et, chez le boucher, la viande de ce même bœuf se vend de 50 à 60 cents,
soit de 150 à 180 francs la livre. Le boucher est d’ailleurs à une
distance assez éloignée. Pour le porc, les prix sont à peu près les mêmes que
pour le bœuf.
Aussi, les habitants de la campagne, cultivateurs ou non, se
sont groupés et se groupent partout pour faire construire une chambre froide de
congélation à cœur, pouvant contenir de 30 à 50 bœufs ou cochons.
Ils achètent un bœuf ou un porc, en le prélevant sur le
troupeau. Ils le conduisent au village, où un garçon boucher l’abat, le débite
et fait au surplus saucisses, boudins, etc.
L’animal est ensuite accroché dans la chambre commune et
congelé à cœur.
Chaque fois que l’usager a besoin de viande, il vient à la
chambre et prend sur son propre animal la quantité qui lui est nécessaire.
Pour la conservation d’un bœuf pendant un an, les frais sont
d’environ 12 dollars par an, soit 3.600 francs.
Peut-être chaque usager en France voudra-t-il calculer
l’économie et la commodité que semblable installation pourrait lui procurer
dans notre pays.
Paul NÉGRIER.
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