Citrons, oranges et mandarines réapparaissent enfin sur nos
marchés pour la joie et le mieux-être de tous.
Tous les hygiénistes sont d’accord pour vanter les bienfaits
des agrumes. Le Dr Henri Leclerc nous dit à propos de
l’orange : « Elle n’a pas seulement le mérite d’être le dernier fruit
de l’année, celui qui fait revivre, en plein hiver, les splendeurs de
l’été : elle doit à l’abondance de son suc, à la finesse de son parfum, à
son allègre acidité que tempère une saveur douce et sucrée, aux effets salutaires
qu’elle exerce sur l’organisme, d’occuper une place à part parmi les substances
alimentaires empruntées au règne végétal. »
Dans sa séance du 8 juillet 1947, l’Académie de
médecine, sur la proposition du Dr Ribadeau-Dumas, a prié les
pouvoirs publics de prendre des dispositions pour assurer l’approvisionnement
des marchés « en oranges et en citrons à des prix abordables ». Ce
corps savant estime que ces agrumes sont indispensables au maintien en bon état
de santé de toute la population française, en particulier « des
nourrissons, des enfants et des vieillards ». Un médecin anglais, le Dr P.-P.
Dalton, a également affirmé, l’an dernier, que l’absence d’oranges et de
citrons dans la ration alimentaire de nombreux Européens a causé de graves
préjudices à leur santé, en les mettant dans un état de déficience.
La culture des oranges s’est développée en Algérie, au Maroc
et ailleurs. Les plus belles orangeries d’Europe se trouvent en Espagne, aux
environs de Valence ; en Italie, à Sorrente, près de Naples, à Messine, au
pied de l’Etna, et à Reggio (Calabre) ; en Grèce ; sur la Riviera
française, près de Nice, de Cannes, d’Antibes, de Menton et en Corse ; en
Palestine, la banlieue de Jaffa donne des produits estimés qui s’expédient
principalement en Angleterre ; aux États-Unis, on cultive les agrumes sur
une vaste échelle dans la Floride et en Californie.
Utilisons donc oranges et citrons dans la confection de nos
menus ; une seule chose est regrettable : c’est que, n’étant pas à la
portée de toutes les bourses, on soit obligé d’en restreindre la consommation,
alors que, pour le grand bien de la santé, il faudrait l’intensifier.
Le jus d’orange, en effet, tout comme le jus de citron,
contient, malgré son goût acide, des sels alcalins bienfaisants. De plus,
l’orange crue fournit à l’organisme une forte proportion de vitamines
favorisant l’équilibre alimentaire et la croissance : c’est surtout la
vitamine C qui abonde dans les agrumes. Ainsi que des observations
expérimentales l’ont prouvé, elle combat maintes maladies épidémiques ou
infectieuses : le scorbut, certaines formes de rhumatisme, l’influenza ou
les sinusites, par exemple. Voilà pourquoi on conseille d’administrer aux
nourrissons allaités artificiellement de une à trois cuillerées à café par jour
de jus d’orange, dans le but de prévenir le scorbut et le rachitisme. Le jus
d’orange est également indiqué aux fiévreux, aux convalescents, aux vieillards
et aux individus sains exposés aux privations et surtout au manque de
nourriture fraîche : explorateurs, navigateurs, etc.
Orangeades et citronnades sont un breuvage à la fois sain et
agréable pour les malades comme pour les bien-portants.
Les gelées et les marmelades d’orange se recommandent
également par leur exquise saveur et leur digestibilité. Les malades atteints
de troubles gastriques, hépatiques et intestinaux peuvent les consommer sans
crainte. Les diabétiques eux-mêmes peuvent s’en permettre la consommation,
étant donné que l’orange contient une quantité de sucre inférieure à 5
p. 100 : « 100 grammes d’orange pelée, fait remarquer le Dr Martinet,
renferment moins d’éléments glycogéniques que 10 grammes de pain »
(deux bouchées).
Gardez-vous de jeter les écorces d’oranges ; la
ménagère économe en tire parti de diverses manières. Le zeste en parfume
agréablement les entremets. L’essence qu’il contient dans ses petites cellules
est très antiseptique. L’écorce est donc très utile dans les maladies
infectieuses et toutes les fois qu’un malade souffre de putréfaction
intestinale. L’écorce de mandarine possède un arôme plus suave encore. L’écorce
de l’orange peut facilement se confire et, sous cette forme, elle rend des
services en stimulant l’appétit.
Faut-il rappeler un moyen d’employer l’écorce d’orange douce
dans le traitement de la constipation ? La recette nous en est donnée par
le Dr Rosenthal.
Des écorces d’oranges fraîches sont bouillies une demi-heure
dans de l’eau : cette première eau, très amère, est jetée. L’écorce est
alors remise à bouillir une deuxième fois pendant trente minutes, dans de l’eau
légèrement sucrée, puis elle est mise à sécher sur une assiette ; elle
peut, dès lors, être utilisée. L’absorption de l’écorce d’une orange forme une
dose suffisante pour provoquer mécaniquement l’exonération de l’intestin ;
elle s’accompagne d’un flux bilieux de valeur variable.
Un conseil pratique, en terminant : avant d’utiliser
les écorces d’orange, savonnez-les : c’est une précaution antiseptique
nécessaire et, rassurez-vous, cette opération ne laissera aucun goût.
Et voici maintenant quelques recettes d’utilisation
d’oranges et citrons.
Coupes d’oranges.
— Peler soigneusement des oranges, les couper en
tranches minces et les ranger par couches, dans un compotier. Sucrer à volonté
et arroser les fruits, d’un mélange de jus de citron et de jus d’orange. On
peut aussi ajouter une cuillerée de rhum.
Orangeade nourrissante pour convalescents.
— Extraire le jus d’une orange. Y mélanger 2 cuillerées
à café de sucre en poudre, puis un œuf battu et les trois quarts d’une tasse
d’eau.
Gelée de jus d’orange.
— Mélanger un bon verre de jus d’orange, une cuillerée
à café d’écorce râpée, un bon verre d’eau froide, 3 cuillerées à soupe de
jus de citron et 100 grammes de sucre. D’autre part, faire tremper 5 grammes
d’agar-agar (l’agar-agar est une algue qui a la propriété de donner une
gelée avec l’eau chaude : on en trouve en pharmacie, c’est légèrement
laxatif et permet de faire d’excellents entremets), environ une heure dans de
l’eau chaude, puis l’égoutter et le faire dissoudre sur le feu dans une tasse
d’eau.
Mélanger les deux préparations, passer au tamis et verser
aussitôt dans un compotier ou dans de petites coupes individuelles où on laisse
refroidir la gelée.
On peut servir cette gelée garnie de crème fouettée ou
renversée sur un plat et entourée de crème fraîche.
Bananes à l’orange.
— 6 bananes pour 4 oranges. Peler les bananes, les
couper en rondelles. Peler 2 oranges, les séparer en quartiers, les ranger
dans une coupe en alternant oranges et bananes. Presser le jus des 2 oranges
qui restent. Le chauffer avec un peu de sucre et le verser bouillant sur les
tranches d’oranges et de bananes. Laisser refroidir avant de servir.
Ce dessert, excellent, est suffisant pour 8 à 10 personnes
et fait « plus d’effet » que les mêmes fruits servis seuls.
Pain perdu à l’orange.
— Mettre à ramollir dans du lait tiède sucré de la mie
de pain rassis. Lier la bouillie obtenue avec de l’œuf battu. Confectionner
avec la pâte des sortes de croquettes que l’on roulera dans de l’œuf battu,
puis dans une chapelure blonde mêlée de zeste d’orange râpé. Laisser un peu
reposer, puis faire frire à friture très chaude. Dès que les croquettes sont
bien dorées, les égoutter, les arroser de jus d’orange, saupoudrer de sucre,
servir bien chaud.
Écorces d’oranges confites.
— Faire tremper pendant douze heures les écorces
d’oranges dans de l’eau fraîche, puis les jeter dans de l’eau bouillante ;
les laisser bouillir environ cinq minutes et les égoutter. Mettre ensuite 250 grammes
de sucre dans une casserole avec un demi-verre d’eau ; quand le sucre est
dissous, ajouter 200 grammes d’écorces d’oranges (entières ou, mieux,
coupées en petits dés) et laisser cuire environ deux heures à petit feu. Le
sucre forme alors un sirop très épais. Verser le tout dans un récipient et
laisser reposer douze heures. Si l’on veut manger les écorces comme friandises,
les retirer, les bien égoutter, les détacher une fois refroidies. Les écorces
hachées peuvent aromatiser des entremets : gâteaux de semoule, pudding,
etc. Elles se conservent très longtemps.
A. PEYREFITTE.
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