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Le régime du travail

dans les territoires d'outre-mer.

Pour donner satisfaction aux éléments évolués des populations de nos territoires d’outre-mer, une législation nouvelle était nécessaire. Le décret du 17 octobre 1947, inséré au J. O. R. F. du 21 octobre, institue un code du travail dans les territoires relevant du ministère de la France d’outre-mer autres que l’Indochine.

Ce décret est applicable à tous les travailleurs des deux sexes, quel que soit leur statut juridique et quelle que soit la personne publique ou privée qui les emploie, à l’exception de ceux soumis au statut spécial de la fonction publique.

Le travailleur ne peut engager ses services qu’à temps ou pour un ouvrage déterminé.

Pour les travailleurs originaires du territoire, lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, celle-ci ne peut excéder deux ans, et un an lorsqu’ils sont mariés et que leur famille ne les accompagne pas sur les lieux du travail.

Il est interdit à tout employeur de sanctionner par des amendes les manquements aux prescriptions du règlement intérieur. Ce règlement peut toutefois prévoir que les manquements graves aux prescriptions relatives à l’hygiène et à la sécurité du travailleur seront sanctionnés par des amendes. Le produit des amendes doit être versé dans une caisse de secours au profit du personnel. Le total des amendes infligées dans une même journée ne doit pas excéder le huitième du salaire journalier.

À conditions égales de travail, de qualification professionnelle et de rendement, le salaire est égal pour tous les travailleurs, quels que soient leur origine, leur sexe et leur statut.

Pour le travailleur qui n’est pas originaire du lieu d’emploi, s’ajoute au salaire une indemnité de dépaysement ou d’expatriation, destinée à le dédommager des dépenses et risques supplémentaires auxquels l’expose sa venue au lieu d’emploi.

Tout payement en nature, notamment en alcool ou en boissons alcoolisées, est formellement interdit.

Le repos hebdomadaire est obligatoire. Il est de vingt-quatre heures consécutives par semaine. Il a lieu en principe le dimanche.

Le travailleur acquiert droit de congé payé à la charge de l’employeur.

Dans toutes les circonscriptions administratives sont institués des conseils d’arbitrage, qui connaissent des différends individuels ou collectifs pouvant s’élever à l’occasion du louage de service entre les travailleurs et leurs employeurs.

Ce texte, applicable à tous, laisse aux Européens, grâce à l’indemnité de dépaysement, le bénéfice d’un salaire supérieur, ainsi que, pour les techniciens, la rénumération que leur capacité professionnelle et leur rendement peuvent permettre de leur attribuer.

En ce qui concerne les soldes administratives, le supplément colonial, qui s’appelle indemnité d’expatriation, est actuellement, pour toutes les colonies, de quatre dixièmes de la solde d’Europe, sauf pour l’Indochine, où il est de sept dixièmes. Les originaires du territoire ne bénéficient que des indemnités de zone.

Pour les entreprises privées, les fonctions subalternes sont tenues par les éléments locaux. Le personnel européen est destiné à fournir la quasi-totalité des postes de maîtrise et de responsabilité.

Un stage d’un an ou deux dans les postes successifs d’apprentissage des divers services de la société, guidé par le directeur du comptoir et le personnel de maîtrise, permet à l’employé d’acquérir la formation générale de base nécessaire à son évolution. Elle est suffisante pour lui permettre de prendre charge d’un service, d’un magasin de vente, voire d’une factorerie. Il peut ensuite, s’il possède les qualités requises et selon les aptitudes particulières dont il a fait preuve, être appelé aux postes supérieurs. L’avancement a toujours lieu au choix.

La carrière commerciale coloniale offre des perspectives intéressantes et rapides aux jeunes gens pourvus d’une bonne instruction générale, travailleurs, consciencieux, actifs, ayant l’esprit d’initiative, le sens des responsabilités, désireux de réussir et résolus à faire preuve de persévérance et de ténacité. Les élèves des écoles supérieures de commerce peuvent se faire apprécier rapidement.

Prenons comme exemple l’A. O. F. Les contrats se réfèrent aux dispositions de la Convention collective signée le 20 septembre 1946 à Dakar, fixant les règles minima d’engagement en A. O. F. Les contrats sont de trente mois pour le premier séjour et de vingt mois pour les suivants. Le personnel est logé, soigné, hospitalisé s’il y a lieu ; il reçoit une indemnité mensuelle destinée à couvrir ses frais de nourriture et de blanchissage fixée par les décisions des commissions paritaires locales et révisables s’il y a lieu. Ces sommes sont fixées en francs africains (C. F. A.), valant deux francs métropolitains.

Quelques sociétés engagent des jeunes gens de dix-huit ans, mais de plus en plus l’habitude s’étend de n’admettre que des candidats ayant accompli leur service militaire, âgés de moins de vingt-six ans et célibataires. Tous débutent par le bas de la hiérarchie. Après un certain temps de pratique, ils arrivent à des postes plus stables et peuvent alors, connaissant le pays, fonder une famille.

Cependant certaines maisons trouvent des candidats plus âgés possédant des titres les qualifiant plus particulièrement (anciens élèves des Hautes Études Commerciales, ingénieurs des grandes écoles ou agronomes), en engagent dans des cas spéciaux, surtout quand elles ont des intérêts dans des plantations ou industries diverses, enfin pour l’exploitation des flottilles fluviales ou côtières et de leurs parcs de camions. La langue anglaise est appréciée par toutes et obligatoire dans certaines dont les affaires s’étendent dans les colonies britanniques voisines.

Les grosses affaires (certaines ont des capitaux de six cents à huit cents millions) ont toujours en réserve des candidats qui ont satisfait à l’enquête faite sur eux et passé avec succès un petit examen d’admission. D’autres maisons commencent déjà par faire faire un stage dans une succursale au port d’embarquement en France.

Les conditions appliquées en A. E. F., au Cameroun et à Madagascar sont analogues.

Victor TILLINAC.

Le Chasseur Français N°623 Décembre 1948 Page 283